Ripleytitif
Alien Isolation était dès son annonce un jeu au potentiel très élevé : on incarne la fille d'Ellen Ripley, Amanda, perdue sur une station spatiale (Sébastopol), pourchassée par un seul et unique...
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le 17 oct. 2014
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Après l’échec critique d’Aliens Colonial Marines, énième jeu d’action exploitant assez pauvrement la licence Alien il faut bien le dire, SEGA fait amende honorable et promet enfin un Alien à la fois plus orienté survival-horror et plus ambitieux dans les moyens qui lui sont alloués. À la surprise générale, c’est Creative Assembly qui a la responsabilité de faire oublier les erreurs du passé alors qu’ils n’ont travaillé depuis une quinzaine d’années que sur la licence de stratégie en temps réel Total War, un CV assez prestigieux sans aucun doute mais rien à voir de près ou de loin avec ce projet, c’est d’autant plus surprenant que la demande de faire un jeu Alien viendrait d’eux.
Mais laissons-leur une chance de prouver qu’un bon survival-horror Alien est possible. La critique étant longue je vous propose l’écoute du thème pas relaxant du tout Alien Reveal & Tension, histoire de poser l’ambiance horrifique appropriée. Pour information, j’ai fait le jeu dans sa version Playstation 4.
Pour un jeu de 2014, c’est clairement du haut de gamme sur le plan technique avec un niveau de détails des graphismes très satisfaisant, un 30 FPS constant même sur console... Je vais tout de même accentuer le propos sur ce que je considère comme le cœur du rendu visuel : la gestion de la lumière prédominante est super bien faite. Les petits effets de particules, le rendu des couleurs, le choix des zones éclairées... tout a été soigné et le jeu en abuse à raison en nous plongeant très souvent dans le noir, ce qui assez paradoxalement met en avant la moindre lumière qui sert souvent des intérêts ludiques par ailleurs.
On aurait pu craindre un rendu technique limite pour un jeu cross-gen mais ça ne se voit qu’avec la modélisation des visages un peu moyenne, à quelques bugs d’affichage mineurs... rien de bien méchant. En dehors de ça, Alien Isolation est très satisfaisant sur le plan technique, quant à l’esthétisme... tout fan d’Alien ne peut que s’en régaler. Dès que le jeu est lancé, la 20th Century Fox façon rétro annonce tout de suite l’envie de donner dans le fan-service des premiers films et cet état d’esprit on le retrouve un peu partout. Plusieurs environnements puisent leur inspiration plus ou moins fortement dans les décors du film Alien le huitième passager notamment et ils les retranscrivent superbement bien. À côté de ça, les environnements inédits restent dans ce ton visuel et sont de toute beauté.
L’ambiance sonore a fait l’objet d’un soin particulier pour s’inscrire parmi les plus angoissantes des survival-horror de son époque. C’est un point très important pour ce genre de jeu et le titre ne manque pas le rendez-vous. Un exemple me semble tout à fait pertinent pour l’illustrer : le détecteur de mouvement qui fait des merveilles, tout en étant très utile en jeu, il offre des sensations très fortes, avec ce bruit si caractéristique (sortant du haut-parleur de la Dualshock 4) qui s’accélère à mesure que le danger s’approche, en combinaison avec les vibrations de la manette, la lumière qui clignote et la musique qui s’intensifie ; c’est tout simplement parfait !
Cette musique est en effet, en plus d’être très fidèle à celle des films sans se contenter de la copier-coller, superbement utilisée en jeu pour s’adapter à la situation précise dans laquelle on est et rien qu’à l’écoute on sait si on est traqué, si on est repéré, si on est sur le point d’être repéré... Il n’y a que quelquefois où le jeu s’autorise à déclencher une musique stressante en pleine action pour renforcer exagérément le sentiment d’angoisse sans que cela ne soit lié à une mécanique de jeu, ce qui casse l’efficacité de l’OST adaptative citée précédemment mais c’est assez rare qu’ils prennent cette liberté un peu déloyale.
Le plus gros de la mise en scène se fait en temps réel avec une immersion assez folle, les cinématiques donnent presque le sentiment de sortir du jeu tellement elles sont rares, il y avait peut-être un coup à jouer en s’en passant totalement une fois l’intro passée, mais ce n’est qu’un détail. À noter que pour un survival-horror ultra efficace dans son angoisse, il n’est pas excessivement violent, pas d’amis humains pris dans un nid qu’on devrait cramer au lance-flammes ou ce genre de choses par exemple. C’est un parti pris qui se défend tout à fait, la preuve qu’on peut être très effrayant sans être très gore. Cette superbe technique et esthétique étant posée, voyons si le reste suit ou s’il ne serait pas tout de même un ton en-dessous.
Oubliez l’action nerveuse, on a que très peu de moyens de défense au début et bien que ça s’arrange par la suite, la rareté des munitions et la dangerosité des situations font que nous sommes ici face à un jeu d’infiltration où se faire repérer par surprise revient très souvent à mourir. Même les mini-jeux qui sont censés être là pour s’amuser en faisant autre chose que le gameplay principal dans la plupart des jeux, ils ont ici pour principal intérêt de les faire sous la pression d’être totalement vulnérable alors que la menace rode. La courbe de difficulté a d’ailleurs des pics assez frustrants, ça m’ait déjà arrivé de crever en boucle sur un chapitre et de me demander si j’allais finir par y arriver, souvent quand l’Alien y est très agressif, puis le suivant de le faire du premier coup en me demandant où est-ce que j’aurais pu mourir.
Cette inégalité on la retrouve sur un point qui a fait beaucoup parler : l’IA de cet alien qui est très convaincante la plupart du temps, un peu plus bancale à de rares occasions. Il m’est déjà arrivé de sortir d’une échelle et de me retrouver face à l’alien, de 50 centimètres à peu près sans exagérer, et il est passé à côté de moi sans réagir sur le moment, ce n’est que 2 ou 3 secondes plus tard qu’il s’est retourné et m’a vu. Mais dans l’ensemble elle tient bien la route, pas trop scriptée pour que le par cœur à chaque try ait ses limites, pas trop random non plus pour qu’on puisse apprendre de ses erreurs, c’est l’essentiel. Même après plusieurs runs on se fait encore surprendre par certains de ces scripts à des moments où on croyait avoir été plus malin que le jeu. Le système de sauvegarde est quant à lui très intelligent en s’adaptant à ce concept (temps de vulnérabilité pour l’enclencher, espacement d’un emplacement par rapport à un autre...).
A la grande surprise de tous, et au grand désespoir de certains, le xénomorphe n’est pas le seul ennemi puisqu’il y a aussi des humains armés et des androïdes façon zombis (lents, au corps-à-corps, idiots...). Là où ces différents ennemis marchent le mieux c’est quand ils sont ensemble dans une même zone puisqu’on peut faire en sorte qu’ils s’affrontent entre eux par exemple. Malheureusement, la plupart du temps ils sont isolés les uns des autres pour 3 types de phases de jeu qui se succèdent, et les passages avec les humains sont souvent les moins intéressants à mon sens même s’ils restent corrects. J’aurais adoré qu’ils poussent les choses de façon à ce que les humains réagissent à notre présence en fonction de nos actions, est-ce qu’on les a aidé ou volé par exemple, mais là c’est souvent des ennemis très simplistes ou des personnages alliés dont on se fout un peu.
Le level-design est quant à lui en dents de scie avec parfois des gros et longs couloirs avec un chemin unique, une succession de scripts et de QTE, certes cohérents avec l’action à réaliser mais peut-être un peu trop nombreux... et parfois plusieurs voies sont possibles, des objectifs annexes sont cachés, des raccourcis très intéressants sont à découvrir... Ce qui est bien dans tous les cas pour l’exploration de ce level-design, c’est la carte à compléter au fur et à mesure de notre progression qui évolue en temps réel avec des indicateurs assez précis pour s’y retrouver (points de sauvegarde, passages bloqués pour telle raison...). Par contre, consulter la map met le jeu en pause, un choix un peu étrange vu tous les efforts de fait ailleurs pour ne pas briser l’immersion.
À partir de la moitié du jeu, il y a du back tracking dans les premières zones découvertes mais avec des variations pertinentes et c’est assez espacé pour ne pas trop donner le sentiment de déjà-vu. Le jeu a beau être très long pour un survival-horror, près des 20 heures, il y parvient sans trop se recycler ou se gonfler artificiellement, une belle prouesse. Il y a d’autres petits écueils que j’ai pas encore mentionnés comme les astuces qui apparaissent à l’écran quand on meurt qui sont très souvent sans aucun lien avec la mort en question. C’est tout con mais c’est frustrant quand tu fais exprès de ne pas allumer ta lampe torche pour être discret, tu te fais quand même tuer et là le jeu te sort son laïus sur le fait que la lumière attire les ennemis... mais il s’agit là de reproches plus secondaires.
Aparté sur les DLC : si le fan-service est à son comble en reprenant aussi fidèlement des scènes du film Alien, ils reprennent aussi complètement des éléments visuels, sonores, ludiques... de la trame principale et n’ont aucun autre intérêt que ce fan-service qui est déjà très présent dans le jeu de base. Et comme en plus ils ne prolongent que peu une durée de vie déjà très consistante, en fait ils sont très dispensables alors qu’ils coûtent chacun 4 € à l’unité, ce que je trouve un peu abusé, ça aurait du être filés gratuitement pour juste garder la possibilité de communiquer là-dessus et d’attirer les cinéphiles fans du film.
Le point de départ de l’intrigue est à la fois intéressant et maladroit. On incarne Amanda Ripley, la fille d’Ellen Ripley évoquée dans le film Aliens et au début je me suis dit que c’était une bonne idée, ça permet d’incarner un personnage féminin en lien avec les films mais pas trop, a priori fort et intelligent comme sa mère… Maintenant, je me dis que c’est aussi un problème car on sait très bien quelle sera la fin du jeu pour que Aliens ait du sens. D’autant que la fin en elle-même a un peu été bâclé sur bien des aspects, elle avait pas forcément besoin de ça en plus mais c’est pas tant la fin du jeu le problème du scénario que tout ce qui y amène.
Pendant toute la première moitié du jeu, l’histoire n’avance quasiment pas. Un événement prétexte nous isole de notre équipe dans une station spatiale où l’Alien se balade, on cherche à y survivre, si possible à le supprimer, c’est tout. Ce ne sont pas les éléments de scénario annexes qui rattraperont le truc, la plupart des documents annexes à lire ou à écouter n’apporte pas grand chose, les plus intéressants et utiles sont pour la plupart ceux que l’on doit consulter pour faire avancer l’intrigue, si on peut appeler ça la faire avancer puisque encore une fois le rythme est très lent pendant très longtemps.
Quand enfin ça donne l’impression de démarrer à plein régime, après environ 10 heures de jeu, c’est presque comme si les scénaristes s’étaient davantage concentrer sur comment créer des situations faisant écho aux films Alien plutôt que de développer une histoire propre à leur jeu. La conséquence en est un scénario avec très peu de surprises et d’intérêt en soi mais plaisant à suivre de par le fan-service. C’est assez paradoxal car ce qui l’empêche d’être réussi, d’avoir sa propre identité, le rend tout de même agréable à suivre pour tous ceux qui comme moi adorent le film.
Je reprocherai aussi beaucoup trop de personnages alliés inutiles. Ça aurait pu marcher si on avait été vraiment seule la plupart du temps, Amanda en tête-à-tête avec l’Alien, mais en plus ils se sont senti obligé de nous faire rencontrer plein d’autres humains insipides dont on peine à se souvenir des noms. Ça n’alourdit pas trop le récit, car l’histoire a le bon goût de se mettre en retrait, mais ça empêche une certaine immersion à la Dead Space par exemple où tu te sens vraiment seul dans cet environnement cauchemardesque, de plus ça limite le potentiel d’une scène dramatique en particulier :
La mort de Samuels est très bien foutue en soi mais le personnage a tellement été peu développé jusque là que ça ne marche pas trop. Par contre, j’imagine sans problème l’impact dramatique qu’il y aurait eu s’il s’agissait du seul personnage allié depuis le début. Imaginez, piégée dans la station avec l’Alien, les androïdes tueurs et les survivants agressifs, notre seul allié est un androïde qui était synonyme de répit et là disparaît en se sacrifiant, nous laissant seule alors que nous sommes aux portes de la dernière partie de l’aventure aux allures de descente en enfer ! Vous voyez un peu le potentiel du truc, ici limité par le fait qu’il est noyé parmi plein d’autres persos secondaires qui se sont substitué au développement du personnage.
La narration amène quelques incohérences mineures et passagères, même si là c’est déjà un reproche plus secondaire, on peut se mettre à parler fort ou à regarder une vidéo avec le son pour les besoins du scénario dans le jeu alors qu’on sait l’Alien en train de roder tout près (avec le détecteur de mouvement le confirmant juste avant l’enclenchement du script), ça aurait été bien d’avoir un soin du détail qui fait que le perso chuchote, met des écouteurs... dans ces moments-là, ça arrive mais pas toujours. On notera qu’il n’y a pas de VOSTFR, uniquement la VF qui est assez moyenne avec une synchro labiale à la ramasse, heureusement que Laura Blanc double Amanda (ses remarques sarcastiques, ses coups de sang, ses crises de larmes…), elle sauverait presque ce doublage à elle-seule, mais je ne suis pas objectif c’est une de mes doubleuses préférées.
S’il fallait juger Alien Isolation sur le respect de sa licence, il est absolument formidable et ça fait plaisir de pouvoir dire ça d’un jeu qui ne prend pas la voie facile du jeu d’action davantage à la Aliens, en arrivant même pas à être correct sur ce point. S’il faut parler de ses mécaniques de jeu et de son scénario, là c’est déjà moins abouti mais ça reste satisfaisant. C’est un cadeau pour les fans d’Alien et un survival-horror authentique, généreux et terrifiant, pas un chef d’œuvre du genre mais on osait même plus espérer un bon jeu de ce genre pour la saga donc félicitations et merci à Creative Assembly qui ont su créer la surprise.
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Créée
le 17 août 2018
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