Alien: Isolation
7.4
Alien: Isolation

Jeu de Creative Assembly et SEGA (2014PlayStation 4)

Alien Isolation était dès son annonce un jeu au potentiel très élevé : on incarne la fille d'Ellen Ripley, Amanda, perdue sur une station spatiale (Sébastopol), pourchassée par un seul et unique Alien, comme dans le tout premier film, le Huitième Passager. A cela avait l'air de s'ajouter de bonnes idées de game design, du fan service et un vrai désir de bien faire de la part des développeurs.

Rétrospectivement (et malheureusement), je trouve le début du jeu assez représentatif des qualités principales du jeu, mais aussi des défauts qui le gangrèneront petit à petit. Après une cinématique au framerate catastrophique et un prologue sympathique et très orienté fan service, on arrive sur la station : et c'est alors que les ennuis commencent (pour le joueur hein, pas (encore) pour Ripley). Pendant au moins une heure de jeu, Amanda va se balader dans le vaisseau, ouvrir une ou deux portes, ramper dans un conduit, remettre de l'électricité... sans que rien ne se passe. Poser une ambiance, c'est cool, vraiment. J'aime les jeux qui prennent leur temps. Mais avec le prologue, on arrive à presque 2h de jeu et on a finalement encore rien fait, pas encore joué : frustrant.
De plus, je trouve que The Creative Assembly n'arrive pas à poser son ambiance. Le level art sera ponctuellement bien meilleur par la suite, mais dans cette introduction je l'ai trouvé assez peu inspiré. Ou trop inspiré justement. Trop inspiré de Dead Space, dont il repompe un paquet d'idées sans jamais arriver à les égaler. Et puis, ce qui faisait sens dans DS (les écritures en sang sur le mur par exemple) n'a juste AUCUN SENS sur Sébastopol. Et aucun des nombreux logs écrits ou vidéos qu'on trouvera dans le jeu ne justifiera cela. Difficile donc de croire à cet univers, et ce peu importe le temps que dure cette intro.

Heureusement, les choses s'accélèrent ensuite un peu, tout en continuant de prendre leur temps, et j'ai alors commencé à vraiment apprécier Isolation. A ce titre, la première rencontre avec les synthétiques, alors qu'on est totalement désarmé, ainsi que les premières parties de cache-cache avec l'alien sont mémorables. De plus, le jeu dévoile enfin de nombreuses idées pour faire monter le stress du joueur. Il m'est ainsi arriver de flipper devant une simple alarme, pensant que quelque chose allait arriver, mais en fait non. On se sent con quand on se rend compte qu'on est caché depuis deux minutes sous une table pour rien. J'aime. Quelques jump scare également, peu nombreux et bien foutus, un design audio au top et un level art bien plus sympa. Le level design n'est pas exceptionnel mais est bien pensé car non toujours linéaire. Bref c'est du tout bon.

Malheureusement, si le gameplay est en soi efficace, il est bourré de maladresses qui se font rapidement sentir : l'inventaire comme les mini-jeux de piratage sont au début obscurs, on vous dit de laisser X enfoncé pour se cacher, mais si on laisse X enfoncé trop longtemps on rentre puis ressort du casier, il y a trop de QTE, etc. Rajoutons à cela quelques bugs plus ou moins gênants (ne pas pouvoir sortir d'un conduit lors d'une grosse phase d'infiltration car un mur invisible nous bloque, c'est légèrement énervant), quelques maladresses très énervantes de game design (trop de scripts vers la fin, mauvais et trop prévisibles qui plus est ; les humains qu'on peut soit disant esquiver car ils ne cherchent qu'à survivre. Mon cul oui, la plupart vous flingueront dès qu'ils vous verront, vous tuant et attirant l'alien qui les tuera. Pour le réalisme on repassera ; et puis c'est quoi ce flingage de l'écosystème alien vers la fin du jeu ? Des fécondeurs plein le vaisseau sans aucune logique ? Des œufs partout mais pas de Reine ?) et le tableau est déjà moins reluisant.

Mais bon, on peut pardonner tout cela, surtout qu'on se retrouve devant une masterpiece de fan service, mais genre vraiment. Certains passages sont à ce titre juste EX-CEP-TIO-NELS. Je pense que certains fan d'Alien seraient prêts à s'accoupler avec un xénomorphe pour vivre ça (ou pas).

Jusqu'au chapitre dix environ, Alien était donc une super expérience, malgré ses défauts évidents. Le soucis, c'est que des chapitres il y en dix-huit. Ca fait huit chapitre de plus. Huit chapitres dont le jeu aurait finalement aisément pu se passer. Pourquoi ? Car Isolation a fait une bonne pâte avec plein de bonnes idées, toutes regroupées et bien entremêlées. Puis il a étiré cette pâte au rouleau compresseur, l'a étirée jusqu'à ce qu'on voit la table sous-jacente. Le jeu est long, beaucoup trop long. Entre vingt et trente heures de jeu, dont la moitié se passera à revivre les mêmes scènes, refaire les mêmes choses, ad vitam eternam. On finira par haïr ces putains de synthétiques, détester se cacher, rager de retourner à une sauvegarde pas toujours bien placée (alors qu'au début atteindre une save était toujours un moment d'accomplissement intense), et même l'alien finira par ne plus inspirer grand chose d'autre que de l'agacement. Isolation met ainsi en place un univers, une ambiance et une cohérence très forte dans sa première partie, autant d'éléments qu'il s'emploiera sciemment à briser dans sa seconde, nous rappelant à chaque instant qu'il n'est qu'un jeu, un jeu aux mécaniques imparfaites, et surtout un jeu bien trop long.

Encore, si ces passages répétitifs avec des ennemis déjà vus dans des environnements déjà parcourus étaient rythmés par quelque chose. Mais non, Isolation manque cruellement d'intensité (la fin est à ce titre d'une tristesse incroyable : sensée être épique, elle est juste ennuyeuse), et n'est pas aidé par un scénario tout aussi lacunaire. Le but d'Amanda est de récupérer la boîte noire du Nostromo. Bien. Elle la trouve au deuxième ou au troisième chapitre. Il en reste donc quinze, et pas d'autre script en réserve que le mot "survie". Cool dans l'absolu. Sauf que les dev se sont sentis obligés de combler ce trou gigantesque par des mini-intrigues dont on se fout totalement. Les personnages sont affreusement insipides ( à un moment je ne savais même plus si par radio je communiquais avec un de mes potes de départ ou si j'avais rencontré ce mec sur le vaisseau, c'est dire leur importance), et Amanda passera son temps à faire des trucs totalement improbables ("on a un vaisseau aux abords de la station, mais si on allait chasser l'alien plutôt que d'essayer de le contacter ?" *10chapitresplustard* "Bon bah on va prendre l'option vaisseau tout compte fait"). Non vraiment, une des premières victimes de Sébastopol fut indéniablement le scénariste.

Finalement, cet Alien me donne un peu l'impression d'être la victime d'un xénomorphe, écartelée, déchirée en deux : si vous êtes fan d'Alien, vous devez jouer à ce jeu, vraiment. Il y a tellement de passages mémorables, de fan service délicieux. Mais à côté, il faudra se farcir certaines phases à l'infini, pester contre une durée de vie trop longue, un manque cruel d'intensité, des sauvegardes des fois mal placées et un game design qui atteint vite ses limites. Quand on en vient à se dire "omg un passage non encore joué !!", c'est quand même qu'il y a un problème fondamentalement triste.
Alien Isolation est un bon jeu, bardé de bonnes idées et de bonnes attentions. Mais il prouve que la courte durée de vie standard des jeux actuels n'est pas toujours un mal. C'est d'autant plus vrai dans un thriller où l'intensité aurait du être croissante, la peur de perdre et le désir de s'échapper de cet enfer toujours plus présent. Pour le coup, on a effectivement envie de s'échapper de cet enfer à la fin du jeu. Mais ledit enfer, ce n'est plus Sébastopol.

Créée

le 17 oct. 2014

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