On considère parfois le premier comme un précurseur et le second comme un vilain copieur. Pourtant, si on se penche un minimum sur ces deux jeux, on constate rapidement qu'Alone in the Dark et Resident Evil ont finalement plus de différences qu'on ne pourrait le croire. N'oublions pas non plus que d'autres titres quelques années plus tôt avaient ouvert la voie au genre, tels Sweet Home ou Midnight Mutants…
D'ailleurs, d'un point de vue purement personnel, je ne considère pas vraiment Alone in the Dark comme un survival-horror. Splatterhouse en est-il un ? Non, c'est plutôt un beat'em all dans un univers à tendance horrifique… C'est pareil pour Alone in the Dark, qui penche plus du côté du jeu d'action-aventure dans un univers fantastico-horrifique… La différence est assez subtile, mais assez circonstancielle…
Effectivement, il a beaucoup de points communs avec le genre. Il a par exemple une ambiance pesante plutôt réussie, avec son manoir lugubre et son plancher en bois pourri qui grince, ses créatures horrifiques, et sa musique qui évolue en fonction de l'action. Et puis, le choix d'incarner un homme ou une femme, les notes disséminées un peu partout, les angles de caméra, ou encore l'alternance exploration / énigmes / combats, tout ça a été repris dans Resident Evil, qui lui EST un survival-horror. Mais si justement on se penche plus en profondeur sur le gameplay d'Alone in the Dark, on remarque qu'il a surtout pris d'un autre genre, typiquement micro…
Excepté pour avancer ou ouvrir une porte, l'interface du jeu demande obligatoirement de passer par le menu, voire le sous-menu d'un menu, pour effectuer une quelconque action basique, tel un bon vieux point & click. Les phases d'action sont certes techniques, mais loin du dynamisme rencontré dans un Resident Evil / Silent Hill / Project Zero. Précisons également que si les angles de caméra sont bien étudiés pour "l'ambiance", ils le sont clairement moins pour les phases de plateforme, pouvant vite se révéler laborieuses, qui interviennent dans le dernier tiers du jeu…
Et puis…Alone in the Dark ne fout pas vraiment les jetons. Les monstres ne se baladent pas "librement" dans la demeure délabrée, mais interviennent seulement dans les moments-clés (découverte d'un objet important, résolution d'une énigme, mécanisme actionné…) grâce à la bonne vieille méthode du jumpscare, en brisant une vitre ou en se cachant derrière une porte, ce qui par définition est plus un sursaut de surprise que de la véritable peur…
Et honnêtement, même le graphisme général du jeu semble tout faire pour éviter de nous faire pétocher. Les environnements sont bien réalisés (avec un mélange étonnamment réussi de tons verts et mauves) mais traduisent là encore un univers plus fantastique que flippant. Et à l'inverse, les persos (humains comme monstres) sont assez moches, ce qui fait presque plus rigoler qu'autre chose… Si Alone in the Dark était une "tuerie graphique" sur DOS en 1992, lorsqu'il pointe son nez sur 3DO (en 1994 chez nous), le jeu a pas mal perdu de sa superbe…
Sachez enfin qu'Alone in the dark n'est finalement pas très long, ce qui est en quelque sorte "compensé" par la lourdeur générale du gameplay, mais aussi par un jeu un peu vicelard, qui adore distiller des pièges dans lesquels on tombera inévitablement la première fois (genre, le plancher qui s'écroule). Vicelard mais pas sadique pour autant, car la progression est facilitée par une sauvegarde manuelle activable à tout moment… On est loin des rubans encreurs à devoir économiser précieusement…
On arrive à la conclusion, et pourtant j'ai l'impression étrange d'avoir donné un avis négatif du jeu, ce qui n'était pas vraiment mon intention… Tentons d'être plus clair : Alone in the Dark "échoue" de mon point de vue en tant que survival-horror, mais, d'un point de vue "aventure horrifique en pointer-et-cliquer", et notamment par rapport aux standards de l'époque, il remplit avec brio le contrat. L'ambiance fantastique qui se dégage du soft est prenante, et l'envie de découvrir ce qui est arrivé à ce pauvre Jeremy Hartwood (suicide ? meurtre ? autre ?) est présente du début à la fin. Bref, un très bon jeu.