Another World est à la fois un jeu fascinant et terriblement frustrant, novateur et bourré d'archaïsmes. Bref, un immense paradoxe difficile à évaluer manette en main. Par chance, ce qui reste en mémoire après avoir fini une partie d'Another World ce sont - en majorité - ses qualités.
Ce jeu est d'une incroyable modernité, visuelle et conceptuelle. Même s'il n'est sans doute pas le premier à le faire, il annonce clairement le futur (actuel) du jeu vidéo, cette volonté de créer une narration intense, prenante, cinématographique en somme, mais surtout très épurée, qui se vit en instantané, à la fois par la direction artistique sublime et fascinante et par les péripéties qui surviennent, en direct, et souvent par surprise, au cœur des phases de jeu. Cette modernité est toujours aussi étonnante, et elle doit énormément à cette pureté du visuel et du gameplay. Des jeux comme Limbo ou Inside (et les innombrables titres indé du même genre) doivent tout ou presque à Another World.
Là où le jeu est moins réussi, c'est au niveau de la progression à coup de die & retry qui peut se révéler très agaçante par moment. Il faut répéter plusieurs fois les mêmes séquences avant de comprendre les actions à effectuer, et surtout avant de maîtriser le timing des mouvements pour parer aux menaces qui s'enchaînent et qui sont immédiatement mortelles. Il aurait peut-être fallu avoir des checkpoints mieux gérés, ils sont parfois rapprochés, parfois trop éloignés, obligeant à refranchir des passages qui ne présentent aucun intérêt ou difficulté particuliers. On repart souvent plusieurs écrans en arrière là où un jeu récent aurait tendance à revenir au début de l'écran en cours.
La progression peut également s'avérer confuse. Je pense notamment au passage dans les grottes qui présente plusieurs chemins, mais qui nécessite un enchaînement précis d'actions à effectuer pour pouvoir avancer (mais aussi pour créer un checkpoint), ce qui n'apparaît pas toujours évident. On comprend parfois la logique mais si on ne fait pas les choses dans le bon ordre on se retrouve bloqué. Et comme le jeu n'indique rien, on tâtonne parfois à contre courant. Et en même temps cela fait partie du charme du jeu, il ne serait peut-être pas aussi fort et évocateur s'il était mieux balisé, plus linéaire.
Another World fait partie de ces jeux que l'on a parfois envie de jeter par la fenêtre quand on y joue (je pense notamment à Shadow of the Colossus) mais qui au final, avec le recul, laissent un souvenir impérissable grâce à des idées visionnaires et à la création d'une atmosphère envoutante et mémorable.