Apotheon avait tout pour devenir un coup de cœur pour un antiquisant comme moi. Son aspect graphique est proprement renversant et me faisait ronger mon frein depuis la fin de l'année 2014, lorsque j'en avais entendu parler. J'avais bien sûr des craintes, nourries notamment par ce qui avait été le projet initial d'Apotheon: « Grosso modo: des Grecs dans l'espace. Genre: Zeus avec un fusil laser » comme l'avait dit Vermeulen dans un entretien. Je redoutais par-dessus tout, avec un orgueil très "vieille Europe", que ces braves Canadiens ne connaissent de l'Antiquité que ce qu'Hollywood avait jugé pertinent d'en dire.
Grâce aux dieux, je me trompais. Vermeulen et McGibney ont relu leurs classiques et ne se sont pas arrêtés à un visuel porteur qui servirait de simple verni pour faire un truc kikoolol en utilisant à mauvais escient quelques noms glanés çà et là au hasard de la toile. En effet, le cheminement de Nikandreos (nom étymologiquement porteur) sur l'Olympe l'amène à croiser des textes d'(entre autres) Homère, Hésiode, voire Héraclite; un bon présage, quoiqu'un peu didactique. Mieux encore: presque tous les affrontements contre les Olympiens exploitent avec intelligence le background mythologique. Ainsi, le duel contre Artémis est une partie de chasse, il faut faire un effort de mémoire pour traverser le Léthé, vaincre Aphrodite nécessite de la rendre amoureuse de nous, etc... La mythologie grecque n'est donc pas le prétexte que je craignais, mais bien un des éléments porteurs d'Apotheon, servi par un voice-acting de qualité. L'ambiance remarquable du jeu est parachevée par une musique qui, sans prétendre à l'authenticité (difficile de le faire, en la matière) fait agréablement illusion.
Malgré ces excellentes qualités, l'intrigue reste un point faible du titre. En effet, si l'on comprend à terme les motivations de Zeus, celles de Héra et de certains alliés du protagoniste sont un peu légères. J'aurais trouvé plus cohérent que le rôle du mentor soit accordé à Eris, surtout si l'on considère la manière dont Nikandreos approche le maître de l'Olympe: en détruisant presque tout sur son passage. Ceci dit, tout bien considéré, ce point faible est négligeable dans la mesure où le scénario fait rarement la force d'un sidescroller de type beat-them-all.
Le crafting (une exigence de la mode, sans doute) étant anecdotique, je m'arrêterai plutôt sur l'élément central du gameplay: celui qui fâche, à raison probablement, une partie du public: les combats.
N'étant pas un joueur très habile, je ne m'aventurerai pas à blâmer les hitboxes des adversaires, qui ne m'ont pas paru particulièrement mal foutues (j'ai vu largement pire par le passé). En revanche, au clavier-souris, j'ai été régulièrement agacé par les commandes. Un des défauts les plus importants est à mon sens d'avoir attribué à la molette de la souris à la fois la fonction de changer d'armes (en faisant rouler celle-ci) et de décocher un trait (en cliquant dessus). Or, la ligne est si ténue, dans l'urgence de la bataille, entre l'une et l'autre manipulation que je me suis retrouvé un nombre incalculable de fois en train de brandir une arme non désirée au lieu d'envoyer celle que je désirais dans le faciès d'un adversaire. On peut également reprocher quelque chose à la physique du jeu, qui donne parfois l'impression de se battre en apesanteur. Je peux comprendre qu'un coup de massue de cyclope expédie Nikandreos dans les airs, mais bien souvent, les corps de nos adversaires (occis ou non) voltigent un peu loin à mon goût. Ceci peut conduire parfois à un aspect un peu brouillon lors des combats contre de multiples ennemis, avec une lisibilité somme toute très satisfaisante, l'écueil se situant plutôt au niveau des commandes.
L'arsenal du héros, bien qu'incommode par la gestion de l'inventaire proposée au joueur, est d'ailleurs impressionnant par sa variété et par l'originalité des armes qui permettent, à mon sens, la mise en place de stratégies variées face aux adversaires. On ne joue pas de la même manière avec un arc qu'avec une hache de lancer ou une sarissa, on peut parfois utiliser le terrain, des mines ou des tourelles à notre avantage, etc.
L'un dans l'autre, donc, Apotheon mérite largement le détour, ses défauts étant à mon sens largement compensés par ses qualités. On ne peut que souhaiter à Alientrap et ses développeurs une carrière longue et fructueuse.