En 1997, deux développeurs, Nick Bruty et Bob Stevenson, quittent Shiny Entertainment alors au sommet de sa gloire, pour fonder le leur à San Francisco, Planet Moon Studios. Ils s’étaient fait les dents sur MDK, jeu d’action à la troisième personne avec beaucoup d’humour. Leurs deux premiers jeux en reprendront des ingrédients, avec Giants: Citizen Kabuto, énorme succès en 2000 et surtout avec Armed and Dangerous en 2004 en Europe. Malheureusement, le jeu édité par LucasArts n’a pas la même importance que MDK et Giants : Citizen Kabuto et se plante sur bien des points.
Le joueur est aux commandes de Romain, leader des Cœurs de Lion, voleurs râleurs mais avec de grands coeurs. Accompagné de Q, droïde aux allures de légionnaire romain qui a acquis une conscience à force de boire du thé (!), de Jonesy, taupe à deux pattes à l’humour très sarcastique, puis de Rexus, ancien moine un peu sénile, ils vont tâcher de libérer, un peu malgré eux, le royaume de Milola, dirigé depuis de trop longues générations par les Clouvis, dont une génération est un dictateur, puis l’autre un simple d’esprit et ainsi de suite. Pour cela, ils devront compter avec Le Livre des Règles, ouvrage ancestral aux pouvoirs mal connus, détenu par Clouvis. Heureusement, Rexus, qui faisait partie des gardiens de l’ouvrage, a réussi à lui lancer un sort qui l’a transformé en… Livre de la vannerie .
Cette aventure ne manquera pas d’humour. Chaque fin de niveau récompense le joueur d’une cinématique parfois amusante, le plus souvent hilarante. Les Cœurs de Lion n’ont rien de preux héros mais le reste des personnages rencontrés lors de ces scènes vaut aussi son pesant de sourire. A ce titre, il faut applaudir l’improbable personnage Q, à l’humour très british, dont les répliques sont impeccablement bien doublées en français.
Dans sa quête pleine d’imprévus, Romain devra se dépatouiller à travers une vingtaine de niveaux, généralement accompagné de ses amis, parfois seul au gré des prétextes du scénario. Pour les missions en groupe, il faut savoir que Q et Jonesy ont leur utilité et sont plutôt efficaces sur le terrain mais il vaut mieux ne jamais être trop loin pour les surveiller, leur IA étant assez sommaire. Dans certaines situations, ils ne suivent pas le joueur sur certains chemins escarpés, tentant de les contourner comme ils peuvent, avec le risque de tomber sur une patrouille plus forte qu’eux. Il y a un système d’ordres basique, mais qui se révèle inutile. Enfin, certaines missions, faisant office d’intermèdes, se passent dans des tourelles, déplaçables sur un rail. Le but: repousser les vagues d’ennemis et éviter à tout prix qu’au moins cent assaillants rentrent dans le bâtiment qui doit être protégé. C’est basique, mais cela fonctionne assez bien.
Pour les niveaux plus classiques, Romain a à sa disposition plusieurs armes et gadgets. Une bonne part de la communication autour du jeu s’est basée là-dessus puisque certains des accessoires de destruction du jeu sont très originaux. Mentionnons comme arme le lance-requins, qui comme son nom l’indique, lance un requin qui ira croquer les ennemis ou comme gadgets le mini trou noir, qui attirera à lui tous les ennemis à proximité, ou même mieux, la bombe Vice-Versa, qui retourne tout l’écran, faisant « tomber » les adversaires dans le ciel. Pour le reste, si Planet Moon Studios s’est creusée la tête pour certains éléments, il y a aussi tout autant d’armes plus classiques, comme si le studio n‘avait pas osé faire peur aux fans du genre.
Car c’est bien là le principal problème du jeu, il est lassant. Le level-design peut être exaltant, le plus souvent sans aucune étincelle, ne demandant que d’aller d’un point à l’autre. De manière générale, les objectifs pour chaque mission se répètent. Il y a parfois quelques bonnes idées, comme ces goliaths bipèdes servant de prison qu’il faut détruire en leur collant une bombe dans le dos ou cette mission où il faut protéger un village. Les ennemis croisés sont à l’image de nos compagnons dirigés par l’ordinateur : bêtes comme des pieds, ce qui ne force pas le joueur à faire preuve de beaucoup d’ingéniosité. De plus, la lassitude est aggravée par le manque de renouvellement de ces adversaires.
Pour ne rien arranger, la réalisation ne fait pas honneur au jeu sur la version Xbox. C’est d’autant plus énervant que le jeu n’est sorti que sur cette console, et que donc le joueur est en droit d’attendre mieux que ces textures floues et répétitives et le manque de détails. Si les Cœurs du Lion ont été modélisés avec les honneurs, il n’en va pas de même pour les autres personnages. Les cinématiques, qui sont l’occasion de les voir de plus près, font particulièrement peur dès que l’on s’attarde sur les horribles faciès des personnages secondaires. Le jeu propose aussi un léger moteur physique bien mal utilisé. C’est vraiment dommage, puisque rien que dans le premier niveau, il était possible de créer des avalanches pour écraser les ennemis, ou de tirer sur les arbres pour les faire tomber. Mais au fil des niveaux, ces possibilités ont curieusement disparu, pour laisser place à un trop grand nombre de niveaux sans surprises et sans saveurs.
Le jeu de Planet Moon Studios ressemble à un canard boiteux. Il manquant de finitions, se montrant parfois inspiré, le plus souvent ennuyant. Son humour et l’originalité de certaines de ses propositions comme certaines de ses armes lui offre un capital sympathie qui permet de supporter ses pires défauts, qui motive le joueur à avancer jusqu’à la prochaine cinématique où il pourra de nouveau s’attacher à son univers et ses personnages. Dommage, il y avait du potentiel.