Selon moi, le temps est le seul juge de notre goût. Malgré tout le plaisir que l'on peut ressentir en un instant, seuls notre mémoire et le temps nous feront nous en rappeler et ne le rendre que plus beau à nos yeux (Cf. madeleine de Proust, il le dit mieux que moi mais avec des phrases BEAUCOUP TROP longues). Assassin's Creed (AC) III est le premier de la série auquel j'ai joué et je ne l'ai apprécié au départ que comme l'opus qui m'a fait rentrer dans la franchise, du genre qui compte mais pas tant que ça. Un peu comme comme la premier verre de punch, à quatre ans.
Premières lectures
Enfin bref, le scénario est extrêmement lent. Même si les premières séquences, sur le père de Connor, le héros principal, sont excellentes, le début de l'histoire, dans le village de Connor, jeune bâtard amérindien, donne vraiment envie d'être raciste. Des parties de cache-cache? Bordel, je veux être un assassin! Puis l'intrigue avance, on participe de manière plus ou moins active à la Guerre d'Indépendance. Malheureusement, à part quelques belles zones à explorer (les égouts de Boston et New York et surtout la forêt, où je ne pensais pas prendre autant de plaisir à traquer un dindon pendant des heures), le jeu m'avait laissé un peu froid. La faute à un héros pas très charismatique, qui en tout cas ne valait pas Ezio Auditore, le héros d'AC II, Brotherhood et Revelations. Ezio est un beau gosse à l'italienne, que l'on joue dans une période quand même plus sexy, la Renaissance Italienne et où on pète la gueule à un pape, ce qui a quand même une sacrée gueule. En jouant au II, j'ai adoré Ezio mais assez peu l'histoire, très linéaire (tu tues un mec mais en fait la conspiration va plus loin donc faut aller en tuer un autre). Je suis revenu vers Connor et j'y ai vu autre chose. Le temps avait fait son affaire.
Tu quoque, fili ?
Connor n'est pas un héros charismatique, c'est le reproche numéro un qu'on peut (et qu'on doit) lui faire. De part le scénario même, Connor est juste un outil servant des desseins qui ne se révéleront que plusieurs siècles après. Rappelons que le vrai héros des trois premiers AC est Desmond Morris, qui cherchent des informations sur une civilisation qui aurait régné sur terre avant l'arrivée des humains et qu'il revit, grâce à l'Animus, la mémoire de certains de ses ancêtres, grands membres de l'Ordre des Assassins, qui peuvent avoir des informations sur ce peuple. Nous jouons donc un homme qui joue à un jeu vidéo. Cela a son importance à dire car l'ensemble provoque un recul sur les agissements des assassins (Ezio ou Connor) car on ne fait que les accompagner dans leurs choix, qui ont deja eu lieu dans le passé. Bref.
La force d'AC III est de proposer un héros tragique, un homme qui n'est qu'un outil dans les mains des hommes et des dieux, qui n'a que le but de servir. Connor devient à peine adulte que sa vie se voit définie par deux objectifs. Aux yeux des Assassins, il doit tuer son père, qui a trahi l'Ordre des Assassins pour rejoindre les Templiers peu avant sa naissance et qui a décimé l'Ordre en Amérique du nord (DEVOIR tuer son père... C'est génial) et il doit, pour la Première Civilisation, récupérer une amulette aux mains des Templiers pour la cacher et que Desmond la récupère, deux siècles plus tard.
Connor ne se définit que par sa lignée et son futur, il n'est qu'une chaine. Il nous fait comprendre que c'est aussi le cas d'Ezio dans le 2, de Desmond dans la trilogie même si eux ont pu croire au libre arbitre. Quand les choses nous dépassent, Connor aura beau crier mais les fautes du père doivent être rachetées avant qu'il devienne véritablement un homme, libre de ses choix (et qu'on d'ailleurs le quitte, car alors sa vie n'a plus d’intérêt, en gros)
L'autre intelligence du scénario d'AC III est la subtilité de la mise en scène dans le combat ancestral entre Assassins et Templiers. La franchise nous a toujours mis (sauf dans AC Rogue mais j'y ai pas encore joué) dans la peau d'un Assassin. Schématiquement, les Templiers veulent contrôler le monde et les Assassins les en empêchent. Le manichéisme mis en scène est flagrant, à la limite du relou. Après, ça permet de faire dans l'épique (on affronte un pape dans AC II, un gouverneur qui veut contrôler le monde dans AC IV). On apprend même que Hitler était un templier, Staline aussi, Cléopâtre, même Robespierre ! AC III a le mérite d'essayer de rendre les Templiers plus ambivalents. Tout d'abord, car ils ne contrôlent pas un camp. Ils sont plutôt du coté anglais, certes, mais ils semblent plus être un pôle d'influence que des marionnettistes absolus. De plus, le motif de la vengeance, qui sert de base scénaristique à AC II et AC V et présente facilement les Templiers comme sanguinaires, ne peut pas fonctionner ici. Pire, on essaye de le forcer par la présence d'un mentor de Connor qui lui dit de tuer des Templiers et pourquoi? Parce que c'est le fils de son père. Même Connor trouve ça gros, alors nous...
Neither Have I been so wrong
Dernier point de tragique, qui m'avait immédiatement sauté aux yeux, c'est que, non content d'être fils de traître et outil des manigances d'êtres supra-humains, il est indien. Et dès cette époque, ça la fout mal. Un moment très touchant est quand Connor décide d'aider les Américains contre les Anglais, car il pense que eux vont protéger les villages indiens. J'aimerais bien balancer un "oh le con" mais sur le moment, on ne peut qu'être triste pour cet homme qui fait les mauvais choix. Y-en-aurait-il eu de bons? Connor a voulu se battre contre les colonisateurs mais il n'a pas pu changer le sort inéluctable des Indiens.
Connor Kenway est un héros trois fois marqué par le destin. Les séquences du début, qui présentent l’arrivée de son père en Amérique et sa jeunesse, ont de l'interet quand on comprend l'importance des racines et de l'héritage de ce métis, définitivement plus profond qu'Ezio, Altaïr (AC I) ou Arno (ACV). Je n'ai rarement eu autant le poids de l'histoire sur mes épaules que quand Connor galope à travers la forêt pour essayer de sauver son village, incendié par les Américains. Puis les héros de jeux vidéos sont tous des outils, pour une fois que c'est assumé...