Le début d’un récit commence toujours avec la fin d’une autre histoire.


Celle que je m’apprête à vous raconter ne fait pas exception à cette règle.


Après la fin de Baldur’s Gate (https://www.senscritique.com/jeuvideo/Baldur_s_Gate/critique/169236303), j’ai voulu connaître la suite des aventures de mon héros. J’ai donc pris les CD d’installation de Baldur’s Gate II et j’ai effectué l’installation du titre sur le PC familial.


La musique d’introduction rugit mais je ne lance pas mon aventure tout de suite.
Par réflexe, je me saisis du manuel du jeu. J’ai bien retenu les leçons de Baldur’s Gate. Ici il ne fait "que" 140 pages. Au fur et à mesure de ma lecture, je découvre un projet plus ambitieux, plus riche et des mécaniques de jeu bien plus complexes par rapport à Baldur’s Gate. J’ai la tête qui tourne.
Je reprends le jeu le lendemain.


I- Le début de l’aventure


Ma victoire est encore fraiche dans mon esprit, mais la cinématique n’est pas là pour glorifier mes exploits. Mon personnage ainsi que ses compagnons disparaissent après la victoire sur Sarevok. Ils sont enlevés par des "ombres". Mon héros est assailli de vision de cauchemar lié à son lien de parenté avec le Seigneur du Meurtre, Bhaal. Il est au bord de la folie. Le livre de l’histoire se ferme. Puis un flash. Une prison. La mort. Des instruments de torture. Un homme se téléporte et se rapproche, vite, trop vite. Son regard bleu et glacial est très proche des parois d’une prison. Je sursaute. Des chaînes se balancent.


Je n’ai pas le temps de reprendre mes esprits, le jeu commence. J’aperçois très rapidement l’environnement dans lequel j’évolue. Tout est sombre et malsain. Je n’ai pas d’armure. Je suis sans défense. Mon ravisseur approche (son animation est superbe). Il compte me torturer et continuer ses expériences. Puis son serviteur, un immense golem apparaît et lui indique une attaque. Il disparaît dans une superbe animation, tandis que je reprends le contrôle.
Je dois mon salut à Imoen, qui vient me libérer. Elle semble très perturbée et me raconte tous les supplices qu’elle a dû endurer. Je grimace, juste en lisant quelques lignes de textes.


Je fais le tour de la zone et j’en profite pour libérer Jaheira et Minsc. Je n’ai aucune affinité avec Minsc mais je suis content de retrouver aussi vite Jaheira. Je me demande où est son compagnon, Khalid.
L’aventure commence à peine, je me dirige vers l’ouest. J’appuie par curiosité sur une machine et mon premier combat commence. Au bout de 5 minutes de jeu à peine. Un méphite foudroyant me balance des éclairs, un sort très puissant de mage. Je suis pris par surprise : « mon premier ennemi me balance un éclair ?! ».
Après avoir lutté je réussis à l’abattre, puis je prends le temps de souffler. L’environnement suivant, constitué de cristal de terre est magnifique, tout comme les effets visuels des sorts. Je suis émerveillé.


Au détour d’un couloir je rencontre des otages de mon geôlier, des nymphes. Elle m’indique le nom de mon ravisseur : Irenicus. Je rencontre ensuite Yoshimo. J’ai besoin de toute l’aide possible et je l’accepte dans mon groupe. Il me donne des conseils sur les salles suivantes et m’indique que nous sommes proches de la ville Athkatla, capitale de l’empire d’Amn. L’empire que voulait attaquer Sarevok mon némésis du premier opus.
Après un affrontement, j’aperçois Khalid. Son corps repose sur une table. Il a été torturé. Jaheira est inconsolable. Je me prends une nouvelle claque de la part des scénaristes. Khalid, un ami du héros et fidèle compagnon de route est mort brutalement. Imoen raconte qu’elle a dû regarder les expériences qu’il a dû subir. Je n’avais jamais lu de tels dialogues dans un jeu vidéo.


Je pousse un juron.


Je veux quitter à tout prix ce tombeau. Je me fraye un passage dans le complexe souterrain, où des affrontements commencent à avoir lieu entre le groupe d’assaut et des créatures surnaturelles. J’aperçois enfin la sortie, tandis qu’Imoen souffre de plus en plus, marquée par les expériences qu’elle a dû subir.


Enfin je suis libre !


Mon geôlier m’attend. Son pouvoir est incommensurable et il est désintègre sous une pluie d’effets visuels magnifiques les dernières forces d’assaut. Je me prépare à l’affronter.


Les Mages Cagoulés apparaissent. C’est un groupe de pouvoir très influent qui contrôle l’utilisation de la magie dans les villes de l’empire d’Amn. Ils tentent de combattre Irenicus. Imoen, folle de rage décide de recourir à la magie pour tenter de tuer son ravisseur. Celui-ci décide soudainement de se rendre, mais indique qu’Imoen doit venir elle aussi. Elle proteste, mais les Mages Cagoulés la capture et la téléporte avec mon adversaire dans un lieu inconnu.
Je me rends compte que j’ai retenu ma respiration depuis le début de la cinématique. Je viens de perdre mon tout premier compagnon, l’ami le plus fidèle de mon héros, sans pouvoir intervenir.
Me voilà avec Jaheira, Minsc et Yoshimo dans une ville gigantesque, sans indice pour retrouver Imoen. L’objectif est clair : retrouver Imoen, comprendre qui sont les Mages Cagoulés et le rôle d’Irenicus.


Je jette un coup d’œil à la lucarne au-dessus de moi. La nuit est tombée depuis bien longtemps. J’ai du mal à m’endormir. Je n’arrive pas à oublier tout ce que j’ai pu voir et lire devant mon écran.


II- Les quêtes de Baldur’s Gate II


Je reprends mes aventures. Très vite je suis abordé par la Guilde des Voleurs, qui me propose des informations sur Imoen en échange de 20 000 pièces d’or. Pendant ce temps Imoen et Irenicus sont jugés par les Mages Cagoulés. Ils sont envoyés dans un asile dédié aux mages renégats, Spellhold. Je reprends le contrôle et je décide de trouver des compagnons afin de m’aider dans ma quête. Au détour de tavernes ou de rencontres je retrouve Edwin, puis Korgan et Keldorn un puissant paladin complètera le groupe tandis que Viconia une clerc, remplacera Jaheira. Même si j’ai beaucoup d’affection pour Jaheira, la perte de Khalid est trop importante pour continuer à la garder.


Avec ces ajouts je me rends compte que les développeurs ont pris un malin plaisir à rajouter des interactions entre les personnages recrutables, chose complètement inédite pour moi dans un RPG. Certains personnages ne s’apprécient pas du tout et cela rajoute un supplément de réalisme à Baldur’s Gate II.


Une fois le groupe constitué je continue à visiter la ville et à aider les habitants pour récupérer la somme demandée.
Tout cela me prendra plusieurs jours, car à l’instar de la ville de Baldur’s Gate, Athkatla regorge de quêtes, de rencontres inoubliables. La ville est d’un réalisme saisissant. Les gardes effectuent des patrouilles, les bâtiments sont immenses et chaque personne que je rencontre à ses soucis. J’ai l’impression d’être dans une véritable métropole.
Je flâne parfois plusieurs heures juste pour le plaisir d’écouter la musique. Je suis libre de faire ce que je souhaite, bien que je reste prudent : Baldur’s Gate m’a appris que la témérité peut coûter très cher.


Un jour, je fais la connaissance du seigneur Jeirdan Firkraag qui me demande de débarrasser sa contrée de créatures maléfiques en échange de 10 000 pièces d’or.
Arrivé sur place je suis directement assailli par un puissant groupe constitué d’ogres et de gnolls. Le combat à peine achevé je suis rejoint par Garren Lancevent. Il m’indique que le groupe que je viens de terrasser était composé de paladins vertueux. Selon lui j’avais l’apparence d’un monstre hideux et terrifiant. Complètement interloqué je me retourne. Keldorn, m’indique qu’il reconnaît Ajantis, un personnage recrutable dans Baldur’s Gate parmi les corps. C’était un paladin vertueux aimé de tous. Son corps inerte est juste à côté de moi. Je me suis fait berner par Firkraag.


Je jure. Cela ne me ressemble pas.


Je retrouve Lancevent dans son habitation accompagné de sa fille, Iltha. Il m’indique que Firkraag a usurpé son trône et souhaite l’abattre. J’accepte sans aucune hésitation. Je décide de me reposer chez Lancevent. Je ne suis pas seul. Un groupe d’orques a pénétré dans la maison et enlève Iltha sous mes yeux.
Lancevent revient et comprend très vite que Firkraag tente de semer la confusion parmi nous. Il me demande de sauver sa fille. Il n’avait pas besoin de me le demander de toute façon.
Je me dirige vers l’antre de mon ennemi.


L’entrée est immense.


Le donjon ressemble à une immense caverne. « Quel homme peut habiter dans un tel endroit ? ». Je fais à peine quelques mètres que je reçois déjà un comité d’accueil constitué d’orques et d’ogres. Leur puissance dépasse déjà tout ce que j’ai pu affronter depuis le début de mon aventure. Ils ne sont pourtant que du menu fretin par rapport aux ténèbres qui hantent le donjon. Certains adversaires pourraient être aisément des seigneurs de guerre redoutables, craints dans n’importe quelle contrée (rakshasa, lord vampire, chef troll, golem, efrit, élémental, tyrannoeil).
Pourtant, à chaque affrontement, un seul mot revient constamment dans la bouche terrifiée de ces créatures.


Firkraag.


Après une journée entière de jeu, j’aperçois la fin de mon périple sous la forme d’un immense escalier. Je descends fébrilement les marches. Je déplace tout doucement mon groupe qui révèle une partie de la carte. Les secondes commencent à s’étirer. Soudain, l’écran se fige et je sursaute.
Firkraag m’attend, accompagné de son bras droit, un puissant magicien du nom de Conster. Il lui ordonne de remonter pour garder l’entrée de la prison d’Iltha. Je ne peux pas intervenir, je suis paralysé.
Devant mon ordinateur je fais face à la plus grande rencontre de toute mon expérience de joueur.


Firkraag est un dragon.


Un gigantesque dragon rouge. Et il me parle. D’une voix puissante et grave qui me fait frissonner.
Toutes les épreuves du donjon n’étaient qu’un jeu pour le divertir. Il n’a aucun intérêt pour moi en particulier, mais je suis un sujet de test intéressant à ses yeux. Je suis en effet le fils du Dieu du Meurtre Bhaal. J’ai l’impression qu’il a pu rencontrer en cher et en os ce Dieu dont tout le monde parle avec crainte. Je bouge fébrilement ma souris pour continuer le dialogue. Il me parle de sa rancune contre Gorion, le père adoptif de mon héros et des séquelles qu’il a gardées de son combat avec lui. Maintenant qu’il est mort, son plaisir est de le tourmenter en me faisant souffrir. Il me parle alors d’Irenicus. Je lui demande de m’en dire plus à son sujet, mais je l’ennuie. Il en a assez.
Je tente de le faire culpabiliser sur les tourments qu’il a infligés à Lancevent et à sa fille. Il me répond en relevant légèrement sa bouche remplie de dents acérées que cela ne l’intéresse plus. Mais il ne me laissera pas avoir la fille aussi facilement. Je vais devoir affronter son bras droit. Pas lui, car je suis bien trop faible pour lui. Il veut que je profite de ma vie et observera mon combat contre Irenicus. Miraculeusement il me laisse partir.


Je soupire de soulagement et je commence à tourner les talons.


Soudain, Keldorn intervient. Il tremble de rage. Lui d’habitude si calme, ne peut contenir sa colère : « Nous … nous ne pouvons pas partir n’est-ce pas ? C’est une créature maléfique … nous ne devons pas tourner le dos et oublier ce qu’il a fait ! Trop de personnes ont souffert à cause de lui. »


Si je n’avais pas eu Keldorn dans mon groupe, jamais je n’aurais pu lire un tel dialogue. Je fais une pause dans le jeu. Mon instinct de joueur me dit de fuir. Le jeune homme que je suis me dit d’être brave.
Je reprends le contrôle. Je m’apprête à l’affronter en préparant mes meilleurs sorts, potions et artefacts.
La préparation dure 10 minutes. Je suis enfin prêt et je reparle à la monstruosité. Le combat démarre.


La musique change complètement : https://www.youtube.com/watch?v=Hsg664cyf1c
Un combat légendaire est sur le point de démarrer.


Firkraag n’a que faire de la musique. Son coup de griffe enlève près de 75 % de la vie de mon héros. Si mon héros meurt, la partie est terminée. Je panique. Quelques instants plus tard il lance une boule de feu qui tue instantanément Viconia et Edwin. Le reste de mon groupe ne tarde pas à s’effondrer. Le combat a duré moins de quinze secondes.
Je viens d’expérimenter la plus grande différence de puissance entre mon héros et un adversaire de toute ma vie de joueur. J’étais bien trop naïf. J’arrête immédiatement de jouer.


Je vais passer une semaine entière à tenter d’affronter Firkraag. À expérimenter, tous les sorts et les stratégies à ma disposition. À tenir un tableau pour noter les dommages qu’il a subis et le nombre de points de vie que j’ai pu lui faire perdre. À compter le nombre de fois où j’ai mordu la poussière. Je commence même à rêver de nos affrontements.


Aujourd’hui encore je ne sais pas comment j’ai pu être aussi patient face à Firkraag. Au bout d’une dizaine d’essais j’abandonne généralement face à un adversaire. De mémoire j’ai dû l’affronter plus de 180 fois.
Je pense que cela est dû à une combinaison de facteurs : l’adversaire, l’écriture de la quête, l’environnement du jeu, la musique, l’intervention de Keldorn et mon âge. Plus jamais je ne ressentirai de telles émotions devant un ennemi dans un jeu vidéo. Même si le jeu date de 2000. Même si j’ai pu voir devant un écran des adversaires plus grands, plus forts, plus intelligents. Même si c’est une simple quête annexe.


Une semaine pile après mon premier affrontement, je retente ma chance contre Firkraag. La musique commence à me hanter. Les sorts jaillissent. La foudre des éclairs lancés par Edwin se mêle au feu du dragon. Je commence à compter chaque éclair qui explose contre sa peau écailleuse. Je suis ailleurs, je n’entends même plus le vent qui siffle sur la lucarne au-dessus de mon ordinateur. Chacun de mes personnages est au bord de la mort. Le temps s’étire, j’ai l’impression que le dragon ne ressent rien. Les coups pourtant, pleuvent. Korgan a dû abattre sa hache une centaine de fois. Viconia n’a plus de magie curative. L’épée de Keldorn est ébréchée. Yoshimo n’a plus de flèches. Je ne vois plus le visage sur le portrait de mon héros. Il est rempli de rouge. La couleur de son sang qui doit ruisseler par terre. Je garde malgré tout un maigre espoir. Edwin au bord de l’épuisement prépare son dernier sort. Je retiens mon souffle. Firkraag va achever mon héros. Le tonnerre transperce le dragon. Il commence à chanceler et à tomber. Ses yeux doivent certainement exprimer de l’incrédulité.


Lorsque son corps gigantesque s’effondre au sol, je ferme les yeux et je lève mes deux bras au ciel. Je mets quelques secondes avant de les rouvrir. Je lis à l’écran la quantité d’expérience que je viens de gagner. Mes yeux s’écarquillent. Les trésors qui m’attendent sont encore plus impressionnants : des écailles pouvant servir à la fabrication d’une armure légendaire et Carsomyr une épée dont la puissance est digne d’une divinité.


Je n’ai jamais était autant satisfait dans un jeu vidéo.


Cette simple quête annexe est la définition de Baldur’s Gate II : une aventure capable de provoquer des émotions.
De faire frissonner, jurer, sourire, étonner. De faire réfléchir et voir au-delà des apparences. Les graphismes ne viennent qu’ajouter un plaisir visuel. D’ailleurs, hormis les portraits de vos compagnons, vous ne voyez jamais leur visage. Vous ne lisez que des mots. Ce sont les dialogues qui portent Baldur’s Gate II et l’imagination des membres de tous les studios qui ont travaillés sur le titre.


Ils avaient tous un point commun : ils étaient tous passionnés.
Même à 14 ans j’étais certain d’une chose : chaque membre a dû travailler très dur, quitte parfois à mettre de côté leur vie personnelle pour créer ce jeu. Il ne pouvait en être autrement.
Le meilleur exemple que je peux vous donner, est un personnage recrutable.


III- Viconia


Viconia est une clerc elfe noire, une race d’elfe vivant dans des souterrains et des grottes. Les elfes noirs apprennent dès leur plus jeune âge à ne faire confiance en personne. Ils ne font des alliances que pour accéder au pouvoir. Une fois cet objectif atteint, ils n’hésitent pas à briser ses alliances et à tuer leurs anciens alliés. Ils sont très orgueilleux et ont beaucoup de mal à être respecté par les autres races. La société des elfes noirs est matriarcale et est organisée autour de l’esclavage : les familles les plus puissantes possèdent des dizaines d’esclaves et vénèrent la déesse araignée Lolth, reconnu pour sa cruauté et sa sorcellerie. Les hommes partent à la guerre et ne sont là que pour assurer la descendance des familles des elfes noirs.


Ce constat posé qu’en est-il de Viconia ? Rien ne prédispose un aventurier à la recruter. Dans Baldur’s Gate, elle est poursuivie par le Poing Enflammé, une organisation assurant la loi dans la région de Baldur, théâtre du premier opus. Ses chefs d’accusation sont très graves : elle aurait assassiné un fermier, sa femme et son fils de manière brutale.
La protéger est risqué car au-delà de se mettre à dos le Poing Enflammé, son recrutement entraîne une baisse brutale de la réputation du groupe. La réputation servant entre autres à diminuer le prix d’achat et à augmenter le prix de vente des objets, c’est un élément à ne pas négliger. Son attitude hautaine peut en plus déplaire à beaucoup de joueurs, car elle est très arrogante et déteste les hommes. Cependant dans Baldur’s Gate les personnages recrutables ont peu d’interactions entre eux et avec le personnage principal, faute de temps pour développer cet aspect. Le problème de Viconia dans Baldur’s Gate est son emplacement : elle est située dans une zone très proche du début du jeu, extrêmement dangereuse pour un groupe mal équipé de bas niveau.


Pour ma part, je ne l’ai rencontrée que sur le tard, lorsque ma partie était bien avancée. Je n’ai alors pas eu le réflexe de me séparer de Jaheira qui remplissait très bien son rôle. Je l’ai donc mise de côté sans pour autant avoir des arrière-pensées sur son personnage.


Baldur’s Gate II change beaucoup de choses : les personnages disposent de beaucoup plus d’interactions avec le personnage principal et Viconia peut être trouvée très rapidement.


La rencontre avec Viconia ne se fait pas dans des circonstances très réjouissantes : elle se retrouve sur un bûcher, après avoir été capturé par un groupe de fanatiques. Je me souviens encore de son premier dialogue.
« Vous êtes tous fous ! Je ne vous ai rien fait, à aucun d’entre vous ! Je ne cherche qu’à vivre en toute quiétude ! Pourquoi faites-vous cela ? Pourquoi ? »
La réponse d’un fanatique est brutale et la foule est complètement possédée : « Comment vous n’avez rien fait ? Vous êtes une elfe noir n’est-ce pas ? Cette raison suffit largement ! »
Jaheira présente encore dans mon groupe me ôte les mots de ma bouche : « Je n’aime pas les elfes noirs, pas elle en particulier… mais je crois qu’elle n’a rien fait pour mériter ce sort, en dehors du fait d’être une elfe noire. Ce n’est pas la justice. »


Je décide d’intervenir, sans penser aux conséquences de mes actes. Je la libère au moment des premiers crépitements des flammes. La foule est en colère. Les fanatiques hurlent et se jettent sur mon groupe. Je n’ai pas d’autre choix que de me défendre.


Une fois le combat terminé, Viconia me remercie puis propose de m’accompagner.


Keldorn n’est pas de cet avis : « N’écoutez pas l’elfe noire. Vous l’avez sauvée, mais vous n’en êtes pas responsable. Elle est mauvaise, vous dis-je ! Elle n’a pas sa place parmi nous !! Cela n’amènera que du mal ! Je n’en veux pas !
Jaheira est plus mesurée : Sache bien que je n’ai rien contre le fait que Viconia voyage avec nous. Mais imagine ce que les autres penseront en nous voyant avec elle.


À l’époque je n’ai guère prêté attention aux remarques de Keldorn et de Jaheira. Mais aujourd’hui je remarque que les mots avaient un sens : tout est fait pour ne pas prendre Viconia. Tout a été soigneusement choisi par les développeurs pour m’obliger à prendre une décision en me basant sur des rumeurs et les remarques de personnages nobles. La logique voudrait donc que je la refuse dans mon équipe, car j’ai toujours choisi de représenter le Bien dans mes parties de jeu vidéo. Si le Mal devait prendre forme parmi toutes les races de l’univers de Baldur’s Gate se serait sous la forme d’un elfe noir. Mais au-delà de la notion de Bien ou de Mal, j’avais à l’époque la sensation que quelque chose clochait. Refuser Viconia c’est accepter de ne pas faire de vagues. De se conformer à la pensée unique de la société sur une catégorie de population. De fermer les yeux et de la laisser en danger.


Mais je ne prêtais déjà pas attention à ce genre de discours dans ma vie personnelle.


Alors, pourquoi l’aurais-je fait dans un jeu vidéo ?


Tout au long de mon aventure, Viconia et mon héros bavardent de vastes sujets et ne tarde pas à échanger sur les agissements de l’elfe noire après la fin de Baldur’s Gate.
Les textes sont disponibles sur Internet, mais je ne peux pas tous les retransmettre à l’heure actuelle (Sens Critique limite la taille des critiques.). Sachez simplement que son arrivée à la surface fut un calvaire (on parle littéralement de viol). Viconia se vengera de manière très sanglante. À l’époque je suis naïf et je remets en cause cette violence. Les développeurs me placent alors dans une situation inédite :


« J'ai abaissé ma garde et j'ai payé le prix d'avoir cru que les habitants de la surface me laisseraient vivre en paix. Et toi, que sais-tu de la souffrance ? »


Elle marque un point. Je ne sais rien de ce qu’elle a vécu. Je ne peux pas comprendre ce genre d’émotion. Même si c’est un dialogue de fiction, je comprends que les développeurs me demandent de grandir et de mûrir intellectuellement.


Viconia, elle s’excusera pour sa faiblesse :


« Je voudrais... m'excuser... d'avoir essayé de me confier à toi. Ma faiblesse à Berégost était du dernier ridicule, et je n'ai été que plus faible de me laisser aller à t'en parler. »


Viconia va ensuite vouloir me provoquer. Une tendance pour ce personnage.


« J'ai un peu réfléchi. J'ai pensé au temps que j'ai passé avec les rivvins... les humains... et je ne trouve vraiment rien qui les fasse remonter dans mon estime. »


Elle s’excusera alors de nouveau :


« Je me suis... très mal comportée envers toi. Je... je voudrais m'en excuser. Mes… insultes ne t’étaient pas destinées. Tu es le seul représentant de la surface qui m’ait traitée avec égards, sans rien me demander en retour. Tu… tu n’es pas un trop mauvais compagnon de voyage. Pour un modeste mâle, bien sûr.
Comprends, que je ne vis pas à la surface depuis si longtemps. J’oublie parfois que ce monde est très différent de celui que j'ai jadis connu. J'ai injustement joué avec tes sentiments, je t'ai rabaissé au rang des autres mâles que j'ai connus... or, tu n’as rien à voir avec eux. C’était… une erreur de ma part. »


Bien plus tard, Viconia va faire évoluer son personnage, déjà fascinant, à un tout autre niveau, en racontant son périple vers la surface. Elle évitera de la mort de nombreuses fois en proposant ses faveurs. Les elfes noirs excellent en effet dans ses formes d’arts érotiques :


« En fait, j'ai plutôt aimé ça : il est rapidement devenu mon pion, et la caravane bougeait au gré de mes désirs. Hélas, une nuit son cœur a lâché... les gardes ont pris ça pour un meurtre et m'ont chassée. Oh, ne me regarde pas de la sorte. Ta virilité s'étiolerait-elle à l'idée d'avoir recours à la science érotique des Elfes noirs pour survivre dans ton monde ? Est-ce si terrible ?
Je vais hausser un sourcil devant ce dialogue et recommencer à réfléchir. C’est un sujet de conversation que je ne maîtrise pas. Mais encore une fois, qui suis-je pour énoncer ce qui est Bien ou Mal ? Est-ce qu’une personne n’est pas prête à tout pour survivre ? Dois-je la mépriser pour cela ? Mon regard sur elle doit-il changer ?
— Pas du tout.
— Bien, je suis ravie de constater que tu es sensé... ou peut-être souhaiterais-tu profiter des mêmes délectations ? Est-ce cela que je discerne ? (gloussement) Une autre fois, peut-être, jaluk (mâle)... »


Les heures passent et Viconia commencera alors à engager une forme de romance avec le héros. Qui tournera principalement sur les relations intimes. Je suis un peu gêné en tant que joueur. Je ne suis pas prude. Mais, je suis plus intéressé par une autre facette de Viconia. La résumer à un objet de désir ne m’intéresse pas.


Comme si elle lisait dans mes pensées, Viconia va alors passer beaucoup de temps à parler de vastes sujets :


« Quelle était ta vie avant que tu ne deviennes un aventurier ? N'était-elle pas plus simple ?


Ce qui ne l’empêche pas de parler de sujets de conversations "risqués" :


« Hum... Je me demande... T'arrive-t-il de penser au mariage ? »
« J'ai beaucoup réfléchi au sujet du sang divin qui coule dans tes veines... Est-ce que cela enflamme ton ambition ? »


Évidemment parler de mariage ou du refus d’acquérir du pouvoir m’attire ses foudres.


Mais elle commence à changer :


« Je t'en prie, ne tiens pas compte de ce que je t'ai dit tantôt. C'était stupide de ma part. Tu n'es pas un Elfe noir et ne mérites pas pareilles insultes. »


Parallèlement elle continue à s’intéresser au lien de parenté que mon héros a avec le Seigneur du Meurtre, Bhaal. L’occasion pour elle de parler de Lolth et de son enfance. Une enfance marquée dans le sang, où Viconia devait sacrifier des individus au nom de sa divinité. L’obéissance était requise, car l’hésitation entraînait la mort. Des heures elle expliquera les atrocités qu’elle a du faire subir à des captifs et sa lente remise en cause du système.


En tant que joueur je suis satisfait. Viconia grâce à son histoire, son univers et ses pensées m’ont déjà fait beaucoup réfléchir. Pourtant ce n’est que le début. Viconia va alors expliquer sa fuite de l’Ombre-Terre.


Le moment où elle a perdu sa foi en sa divinité : « J'ai abandonné lorsqu'il a fallu que je sacrifie un enfant... un bébé : cela n'aurait pas rendu Lolth plus forte ou plus influente, elle n'en serait pas devenue une plus grande divinité. J'ai perdu la foi ce jour-là. L'une des prêtresses mineures a remarqué mon hésitation et a pris elle-même la vie du bébé, pressée de prendre ma place dans les faveurs de Lolth. »


Sa maison est tombée en disgrâce. La mère de Viconia attendait qu’elle s’excuse : « Mais j'ai refusé. J'étais tellement dégoûtée par ma Reine que j'ai maudite ma mère et mise ma Maison en péril. Je pensais, dans ma naïveté, que je survivrais après de tels affronts. »


Des dizaines d’heures de jeu plus tard, Viconia continuera son histoire. Sa mère pour apaiser Lolth, décida de la sacrifier : « J'ai été submergée, traînée au temple, et allongée en croix sur l'autel tandis que la prêtresse se préparait pour prendre ma vie. J'avais peur... j'étais terrorisée, en fait. Je serais morte si... si mon frère n'avait pas été là. Mon pauvre frère, l'inconscient. Valas... »


Elle avait donc un frère. Les elfes noires détestent normalement les "mâles". Mais son frère est une exception. C’est lui qui l’a sauvée du sacrifice. Mais il en a payé le prix : « C'était l'ultime acte de défiance pour un Elfe noir mâle, et Lolth a agi de la même façon qu'avec tout mâle qui la défie. Elle l'a transformé en drider, une créature moitié Elfe noir, moitié araignée, à l'instinct pur, basique et malveillant. Valas s'est évaporé pour faire place à cette... horreur vivante. »


Après cette confession, Viconia est déstabilisée : « Je... pensais à Lolth. J'ai vu ses pouvoirs, ce qu'elle fait à ceux qui sont tombés en disgrâce. C'est parce que j'ai vu, parce que j'ai senti le fouet des tentacules parce qu'elle... elle attendra que je me sente libre et en sécurité, et elle viendra me chercher Il... il m'arrive parfois de rêver de Valas. J'essaye de lui parler, dans mes rêves, mais ce n'est plus qu'un monstre, désormais, et je hurle au moment où ses pattes d'araignée me caressent... Je me demande... ce que Lolth pourrait me réserver avec ce qu'elle a fait à Valas ? Quels pires tourments m'attendront lorsqu'elle décidera finalement de venir ?! La peur me glace les sangs jusqu'aux os ! Ne me laisse pas seule ! Reste avec moi cette nuit. Je... j'ai besoin de sentir ta peau contre la mienne, t'étreindre tes épaules vigoureuses...


Je n’aime pas cette idée. Je ne souhaite pas qu’une relation se construise comme ça. Mais je ne veux pas la faire souffrir inutilement et j’accepte sa demande.


Le lendemain matin, Viconia est évidemment très contente :
« Bien. Je vois que tu es enfin réveillé. Je n'aurais pas cru que tu aies besoin de tant de repos après ta prestation de la nuit dernière... Lamentable, par ailleurs... »


Je ricane légèrement. Du Viconia dans le texte !


Le silence revient pendant quelques jours. Viconia abat alors ses cartes : « J'ai réfléchi au fait que tu aies refusé ton destin de fils de Bhaal... Tu n'as pas l'étoffe pour bâtir un empire, et tu n'es certes pas le Seigneur du Meurtre. Je pense que tu es aussi faible que lâche, que tu n'es pas digne du sang divin qui coule dans tes veines. »


J’ai compris qui elle était réellement. Je refuse donc de répliquer. Viconia sera furieuse et ne dira plus rien.


Puis un jour, elle souhaite me parler :


« Tu veux vraiment me connaître ? Tu veux vraiment savoir qui je suis ? Je vais t'apprendre la vérité, dans ce cas. Je t'ai menti … je t'ai menti du début à la fin. Mon histoire du fermier de Berégost ? Un mensonge. J'ai longtemps couché avec lui, le séduisant pour obtenir ce dont j'avais besoin. C'est sa femme et les habitants de la ville qui m'ont chassée. Tel un succube, j'ai rejoint Amn en me prostituant, prenant tout ce que je pouvais trouver en échange d'un peu de sueur et de passion. J'ai gagné mon passage à coups de langue et de gémissements, avec plus de mâles que tu ne saurais compter. Et tu n'es rien comparé à eux. À aucun d'entre eux. Voilà. Que dis-tu de ça ? Que penses-tu de moi, désormais ?


Je ne la crois pas et je garde le cap. Elle hurle de désespoir et part.


Viconia revient vers moi plusieurs jours plus tard, alors que la nuit tombe :
« (soupir) Je... je hisse le drapeau blanc. Je ne peux plus lutter. Tu... tu m'as vaincue.
Je ne sais pas ce qu'il en est pour toi, mais je me suis ouverte à toi... je t'ai laissé entrer en moi avec honnêteté et candeur. Je n'en ai guère l'habitude. La vérité me met toujours en péril. J'ai toujours été trahie, et lorsque tu as commencé à gagner ma confiance... je... je ne pouvais pas me le permettre. J'étais perturbée, j'ai essayé de t'éloigner. Ces... choses... que je t'ai dites la dernière fois que nous avons parlé ? Des mensonges. Je t'ai dit la vérité la première fois. Tu as vu clair dans ma duperie, et tu as refusé d'être repoussé. Je te dois... tant. Tu es un phare au milieu de la tempête. Je commence à sentir que j'ai besoin de toi... et cela m'envoûte et me donne de soudains accès de rage... Si tu veux bien de moi, je ne te repousserai plus... reste avec moi cette nuit, laisse-nous nous abandonner à la ferveur. Laisse-moi savourer l'étrange peur qui accompagne cette confiance.


Ce texte résume toute la profondeur du personnage de Viconia. À la fois forte et autoritaire. Mais également tendre et craintive. Ni dominatrice ni soumise. Simplement une personne qui a peur d’un sentiment qu’elle ne connaît pas.


Le lendemain de ma "victoire" : « Je te souhaite le bonjour. Ou, du moins, puisque le matin ou le soir n'ont plus guère d'importance, je te souhaite ce que tu veux, et notamment que tu aies bien... récupéré de tes efforts de la nuit. »


Les jours passent. Après un voyage éreintant, Viconia décide de me rejoindre au coin du feu :
« Nous devrions nous arrêter et nous reposer maintenant, je suis totalement éreintée. Allons, mon homme, mon péché, finissons-en, accouplons-nous en vitesse. Maintenant !
— Si tu es si fatiguée, Viconia, nous n'avons nullement besoin de nous coucher ensemble.
— Je suis peut-être éreintée, mais je suis impatiente de t'exposer les arts que l'on m'a enseignés, comme à toute Elfe noire. J'ai énormément... d'affection... pour toi. Suis-je censée te le montrer autrement ?
— Tu n'as pas besoin de coucher avec moi pour me montrer de l'affection, Viconia. Tu n'as rien à me prouver.
— Hum. C'est difficile à expliquer. Dans l'Ombre-terre, je dormais seule lorsque je n'avais pas de mâle pour me servir. Je... ne suis pas habituée à cela. Par quel autre moyen pourrais-je te montrer... de l'affection ?
— Eh bien, voilà... contentons nous de dormir dans les bras l'un de l'autre cette nuit et je te montrerai.
— Comme... comme tu voudras. Je ne suis pas sûre d'apprécier cet arrangement, mais je suppose que... qu'un peu de repos ne sera pas superflu. »


Le lendemain, Viconia a du mal à se réveiller :
« Il est… il est déjà l’heure de se réveiller ? Je dois admettre que j’ai dormi plus profondément cette nuit que je ne l’ai fait depuis un certain temps. Je ne me suis pas sentie plus en sécurité depuis… longtemps… dans tes bras. Une expérience unique. »


Viconia s’arrête brusquement. Lolth l’a retrouvée : « Cette... sensation ! Elle est revenue, mais plus fort encore ! Je peux sentir les ondulations de sa vague ! Des murmures obscurs venus des profondeurs des Abysses ! Elle m'a retrouvée ! ELLE M'A RETROUVEE !


Une servante de Lolth et un démon Yochlol apparaissent. Mon groupe s’élance vers les assassins. Après un âpre combat, les adversaires tombent. Viconia est blême :
« Ooooh... ce genre de viol psychique par un dogue surgi des abysses est vraiment insupportable ! La Reine Araignée ne se laisse pas aisément dissuader. Oh, comme je méprise cette terreur qui menace de m'engloutir !
— Si elle en envoie d'autres, je leur infligerai le même sort qu'à celles-ci. N'aies aucune crainte.


Malheureusement Viconia ne l’entend pas de cette oreille. La tempête approche une journée plus tard :
« Nous... nous devons parler. Ça... ne se passe pas bien... entre nous. Ça ne pourra jamais fonctionner et je pense que tu le sais. Il ne peut y avoir qu'une issue. Ça ne peut finir que dans la souffrance.
— Non, je me refuse à croire ça ! Je t’aime, Viconia !
— Tu m'aimes ? Qu'est-ce que l'amour ? Que peut-il faire ? Ton amour ne sera pas suffisant pour nous deux... il ne peut nous offrir un avenir. Tu sais que c'est la vérité. Tôt ou tard, je te faillirai ou tu me failliras ou Lolth me capturera ou je provoquerai ta mort. Je suis une Elfe noire et toi non... il ne peut y avoir de fin heureuse entre nous. Nous devons corrompre nos cœurs, mon ssinssrigg (ma concupiscence) ... nous devons faire le nécessaire pour nous séparer avant qu'il ne soit trop tard. Et je ne puis rester…


Les heures passent et Viconia n’adressera plus la parole à mon héros.


IV- L’analyse du personnage


Tout au long de mon aventure dans Baldur’s Gate II je me suis répété inlassablement la même question : pourquoi t’intéresses-tu autant à ce personnage de fiction ?
J’ai mis beaucoup de temps à mettre des mots sur le sentiment qui m’habitait tout au long de cette histoire.
Je suis très calme lorsque je joue à quelque chose. Je n’exprime jamais mes sentiments lors d’une session de jeu hormis parfois un léger soufflement si le jeu me demande une très grande concentration.
Le jeu vidéo a toujours été pour moi un simple divertissement, un loisir. Lorsque j’ai commencé à jouer aux jeux vidéo, on m’a très rapidement appris à faire la distinction entre la fiction et la réalité. Et c’est ce dernier mot qui est la clé de mes réactions face à Viconia.
L’écriture de son personnage oscille entre la fiction et la réalité.
Oui, c’est un personnage imaginaire. Son histoire, ses origines le montrent très clairement.
Mais ses sentiments et l’évolution de son comportement sont crédibles et m’ont rappelé des souvenirs forts.


C’est un personnage bien construit selon moi, pour plusieurs raisons :


-L’ossature de son personnage repose sur ses origines. Au départ elle paraît mystérieuse car on sait très peu de choses d’elle et plus généralement des elfes noirs. On ne sait pas si les propos sur ses actions sont vrais ou sont de simples rumeurs propagées par des habitants très superstitieux. Ses réactions traduisent sa haine et sa peur sur des peuples qui la méprise et qu’elle méprise. Pour beaucoup, les elfes noirs sont une représentation de la ségrégation et du racisme. Je pense qu’il serait trop réducteur de résumer Viconia à ces notions. Elle représente surtout une personne qui est différente de la société dans laquelle elle évolue, et dont personne ne cherche à comprendre qui elle est réellement.
Elle décide de rejoindre le héros à cause de sa puissance et de son sang divin. Elle lui est certes redevable de l’avoir sauvée, mais il est certain que si le personnage avait été une personne quelconque, elle se serait éclipsée. Sauf que le héros n’est pas n’importe qui et elle le sait, puisqu’elle a déjà partagé des aventures avec lui dans Baldur’s Gate. Elle respecte la force, qui est une vertu chez les elfes noirs. Mais elle a du mal à faire confiance aux hommes. Ce qui m’amène au point suivant.


-Sa relation avec les hommes est très complexe. Dans une société matriarcale aussi forte, les relations entre les hommes et les femmes sont primaires. On se rencontre pour engendrer la prochaine descendance ou pour assouvir des plaisirs charnels. Des notions comme la communication, la tendresse ou la complicité n’existent pas.
Viconia exprime un profond dégoût pour les hommes parce qu’ils représentent la faiblesse, la résignation devant un régime qu’elle abhorre. Ils sont soit trop lâches pour s’affranchir, soit trop dépravés pour ne voir en elle qu’un objet de plaisir. C’est là où sa relation avec le héros est à mes yeux, très belle.
Le héros est un aventurier, un vagabond qui n’a cessé tout au long de son voyage à chercher à s’émanciper du sang divin qui coule dans ses veines et qui fait l’objet de nombreuses convoitises. C’est un homme puissant au sens propre comme au sens figuré : fort physiquement et mentalement, capable d’imposer sa volonté, de dominer ses pulsions meurtrières et de refuser un destin tout tracé.
Cependant cet homme aussi puissant soit-il ne la juge pas, ne cherche pas à la dominer mais tente de comprendre qui elle est réellement, au-delà des apparences et des mots. Et elle n’arrive pas à comprendre pourquoi il agit ainsi.
Elle a peur de lui, parce qu’il est arrivé à la sonder, à comprendre son attitude, ses accès de rage, ses craintes.
Elle ne veut pas se dévoiler et exprimer ses sentiments, car elle navigue dans des eaux sombres et tumultueuses (son passé) et arpente un sentier complètement inconnu pour elle (le chemin vers une vie paisible et l’amour). Elle essaye d’ailleurs de se défaire de ce sentiment amoureux car elle craint que la Déesse araignée Lolth ne lui arrache tôt ou tard ce bonheur. Elle veut couper les liens avant qu’il ne soit trop tard, avant qu’elle ne franchisse un point de retour : aimer une personne non pas pour ce qu’elle représente pour les autres, mais pour elle seule.


-Pour autant Viconia n’est pour autant montrée comme une femme faible. Sa classe de personnage a son importance : c’est une clerc à la fois capable de panser les blessures de ses compagnons et d’affronter des ennemis au corps-à-corps grâce à certains sorts. Protectrice et en même temps guerrière. L’écriture de son personnage est très fine : c’est une femme de convictions, qui a refusé de perpétuer une tradition sanguinaire et qui petit à petit ouvre son cœur à une autre personne. Son dernier discours est poignant : malgré l’adversité, malgré les dangers elle est prête à mettre sa vie en jeu pour la seule personne qu’elle respecte et qui la respecte pour ce qu’elle est réellement : une présence, un compagnon, une âme sœur, une amie et plus important encore pour elle, un être doté de pensées et de sentiments.


-Pour terminer je souhaite vous parler d’un point qui pourrait paraître très anodin : le portrait de Viconia.
Observez son portrait https://baldursgate.fandom.com/wiki/Viconia_DeVir (celui à côté de Baldur’s Gate II).
On met d’abord l’accent sur la sensualité de Viconia et son côté guerrier, avec un visage perçant, la tiare et les lèvres.
Puis l’attention se tourne sur les longs cheveux qui tombent en cascade, symbole de sa féminité. Mais cette féminité est cachée en partie par ce long capuchon, symbole à la fois de son exil et de sa peur de dévoiler ses sentiments.
Enfin la couleur du capuchon est pleine de symbolisme : Viconia devrait porter une couleur moins voyante pour passer inaperçu, mais la couleur or fait ressortir à la fois son visage et ses cheveux, tout en montrant toute la complexité du personnage : tout comme l’or, Viconia fait l’objet de nombreuses convoitises. On ne s’intéresse à elle qu’en surface, à son physique parfait. Mais pour percer le mystère de ce métal précieux, froid et dur de l’extérieur, il faut prendre le temps, s’armer de patience et décider d’aller au-delà des apparences pour découvrir à l’intérieur une immense chaleur capable de forger la plus belle histoire.


Je regrette de ne pas pouvoir poster plus de dialogues entre Viconia et mon personnage, faute de place sur Sens Critique.


Chaque personnage recrutable de Baldur’s Gate II possède une histoire cohérente, dense et fascinante. Mais, aucun n’arrive à la cheville de Viconia, car j’ai la sensation que d’autres ingrédients ont été rajoutés par l’équipe en charge de sa création : des histoires personnelles, une passion sincère, un grand respect pour la femme et surtout quelque chose qui n’est pas quantifiable.


Un supplément d’âme.


V- L’histoire principale de Baldur’s Gate II


L’histoire de Baldur’s Gate II se résume à une immense course poursuite. Deux factions prendront contact avec le héros pour lui donner des informations sur le lieu où est emprisonné Imoen, moyennant une grosse somme d’argent.
Avant de partir à sa rencontre, on peut encore réaliser des quêtes.


Énumérer toutes les quêtes, tous les combats, toutes les rencontres que j’ai pu faire prendrait un tome entier.
Baldur’s Gate II est un jeu capable d’avoir des quêtes annexes aussi bien écrites que l’histoire principale et de proposer des adversaires dont la puissance rivalise avec des divinités. Je retiendrais 10 quêtes :
- La quête des esclavagistes d’Athkatla qui montre la face cachée de la cité, où le pouvoir se mêle à la corruption et à l’esclavage.
- La quête de l’œil aveugle qui emmènera mon groupe dans les profondeurs de la cité pour déjouer la tentative d’invasion d’un orbe ancien, un tyrannoeil au pouvoir incommensurable.
- La quête de Sarles et l’illythium qui permettra de retrouver Neb, le célèbre tueur d’enfant présent dans Baldur’s Gate 1
- La quête d’Haer’Dalis très drôle au départ et qui me fera voyager dans des dimensions parallèles afin de secourir le célèbre barde d’un chevalier du mal régnant d’une main de fer sur une prison planaire.
- La quête de l’écorcheur, très sombre où se mêle enquête assassinat et tannerie.
- La quête de Franc Marché qui obligera mon groupe à s’opposer à un puissant groupe de djinns et de druides des ombres, avant de se terminer par l’apaisement d’une guerre ancestrale opposant les deux familles qui règnent sur la ville.
- La libération du château d’Arnise, envahi par des trolls menés par Torgal, un seigneur de guerre redoutable qui m’obligera à reformer une arme légendaire pour le terrasser.
- Toute la quête de Valygar le rôdeur et de la sphère planaire, qui me fera traverser des plans à bord d’un vaisseau spatial où mon groupe devra affronter des démons et libérer l’ancêtre de Valygar afin de pouvoir rentrer à Athkatla.
- La libération de la colline d’Umar qui s’apparente au départ à une chasse de loups garous mais qui se terminera au fond d’un ancien temple solaire envahi par un seigneur des ombres, gardé par un dragon des ténèbres.
- Enfin la quête de la libération Kangaxx, où mon groupe se fera manipuler par une liche dont les pouvoirs rivalisent avec la Mort et dont l’affrontement mériterait un chapitre entier, tant l’adversaire est puissant et charismatique.


Le groupe sera guidé par un certain Havarian qui les trahira : il travaille en fait pour Bhodi, un puissant vampire à la solde d’Irenicus. Je me fraye malgré tout un chemin vers l’asile. Je découvre médusé les conditions de traitements des patients, ravagé par les expérimentations qu’ils ont dû subir. Soudain Irenicus apparaît. Je suis prêt à prendre les armes. Il me remercie d’être venu jusqu’à lui et m’indique que Yoshimo a bien rempli sa mission.


Je pousse un juron.


Irenicus nous a manipulés depuis le départ. Il m’emprisonne et commence à me faire subir des expériences.
Il me raconte que si je l'intéresse autant, c'est parce que je suis un descendant de Bhaal, le dieu du meurtre, ainsi qu'Imoen. Imoen est ma sœur de sang ! L'âme divine dont je suis affublé va servir à enlever la malédiction qui frappe Irenicus. Bodhi possède la même malédiction, et c'est l'âme d'Imoen qui a servi à s'en débarrasser. Bodhi et Irenicus sont donc sœur et frère et comptent bien se venger d’Ellessime, qui leur a infligé cette malédiction.


Mon héros se retrouvera en fâcheuse posture. Il réveillera alors en lui une incarnation de Bhaal. Il fera fuir ces deux adversaires. Imoen revient dans l’équipe à ce moment-là. Je poursuis Irenicus à travers un navire volé grâce à Havarian. Mais celui-ci me trahi une nouvelle fois et le navire sombre dans les profondeurs de la mer.


À mon réveil je découvre que je suis dans le royaume des Sahuagins, race d’hommes poissons en guerre depuis des millénaires contre les elfes de la surface. Après avoir participé au soulèvement d’une coalition rebelle, je parviens à détecter un portail me permettant d’atteindre le lieu où se terre Irenicus, Ombre-Terre, la terre des elfes noirs.


Une brève cinématique me montre Irecinus et Bhodi en pleine discussion avec les elfes noirs. Une fois que je reprends le contrôle, je cherche un moyen de pénétrer dans la cité des elfes noirs Ust Natha, pour retrouver Irenicus. Je trouverai mon salut en aidant un noble dragon, Adalon, qui me promet une sortie si je retrouve ses œufs. N’ayant pas d’autres solutions j’accepte d’aider cette noble créature. Elle transforme mon groupe en elfes noirs grâce à un sortilège d’illusion, me demande de changer mon nom en Verdin et m’indique que j’ai peu de temps pour agir.


Je me précipite à l’entrée de la cité. On m’ouvre alors les portes de la ville et je commence mon travail d’investigation en adoptant l’attitude hautaine des elfes noirs. Rapidement, je découvre les œufs, détenue par la fille de la Matrone de la cité, Phaere. Je parviens à gagner sa confiance et à comprendre ses agissements. Elle compte utiliser les œufs pour gagner en autorité. Je la double et je récupère les œufs. Phaere se retrouve sur mon chemin. Je n’ai pas le choix et je mets à terme à ses agissements. Je sors précipitamment de la cité, car le sort d’illusion est sur le point de se rompre. La ville est à feu à sang, car le pouvoir en place n’existe plus. Je ramène les œufs à la dragonne qui me remercie et me téléporte à la sortie d’Ombre-Terre.


Je ne peux savourer que quelques instants mon retour à la surface, car des affrontements sanglants opposent les elfes de la surface aux elfes noirs. Les elfes de la surface l’emportent et je suis ensuite emmené vers le chef de l’armée des elfes, Elhan. Il se méfie de moi car je suis la première personne qui est réussie à sortir indemne d’Ombre-Terre. Bien évidemment il a remarqué Viconia dans mon groupe et il craint que je ne sois un espion envoyé par les elfes noirs.
Il me soumet alors à un interrogatoire, accompagné par des magiciens qui lisent dans mes pensées. Je lui raconte alors toute l’histoire et mes griefs avec Irenicus et Bhodi. Il comprend alors que je ne suis pas contre lui et me révèle les agissements d’Irenicus. Le mage a dissimulé la cité elfe Suldanessalar, des yeux du monde entier. L’armée elfe est donc désemparée, d’autant plus que la reine Ellésime est présente dans la cité et donc à la merci d’Irenicus. Seul une puissante lampe ornée de runes antiques, le Rynn Lanthorn, peut permettre de retrouver les traces de la cité. Malheureusement la lampe a été dérobée par Bhodi qui se terre dans le cimetière d’Athkatla. Je reprends ma route, prêt à en découdre avec ce maudit vampire qui a volé l’âme d’Imoen.


C’est durant cette péripétie que Viconia sera enlevée puis transformée en vampire. Le groupe l’affrontera en même temps que Bhodi. Après sa victoire le regroupe récupère la lampe et trouve un moyen de redonner vie à Viconia, tandis qu’Imoen récupère son âme.


Je retourne vers Ethan, je lui remets la lampe. La cité est de nouveau visible. Taillant tous mes ennemis en pièce je parviens devant la demeure de la grande prêtresse de la cité, Dermin. Elle m’explique alors les origines de la guerre entre Irenicus et les elfes. Irenicus était le plus grand de leurs mages et avait les faveurs de la reine Ellésime, mais sa soif de connaissances était insatiable. Sa sœur Bodhi était insatiable et avait beaucoup d'influence sur lui; au point même de l'avoir entraîné dans cette folie. Irenicus a accompli un rituel ténébreux et a commis un crime monstrueux contre le plus grand des symboles de leur longévité : l'Arbre de Vie. Il a tenté de fondre son essence avec l'arbre divin, l'épuisant et volant son énergie. Il a certes échoué mais les Elfes en ont payé le prix puisque leurs liens avec la nature ont été rompus.


Tout devient clair dans mon esprit : l’enlèvement, les tortures, les meurtres, le drain de l’âme divine de mon héros et d’Imoen, tout cela n’étaient que dans le but de rendre leur immortalité à des êtres assoiffés de pouvoir et d’immortalité. Je ferme quelques instants les yeux en me remémorant le début du premier Baldur’s Gate. L’affrontement contre Sarevok paraît si loin !


Dermin me révèle alors l’entrée pour atteindre l’Arbre de Vie, située derrière le temple de la cité. Le décor est enchanteur : l’édifice est majestueux, des chênes massifs encadrent le lieu, l’eau jaillit des fontaines, tandis qu’une imposante cascade annonce la suite des événements. Je comprends que c’est un havre de paix avant d’affronter Irenicus. Un instant de repos avant la tempête. Je déverrouille l’entrée venant à l’Arbre de Vie qui se révèle être un escalier situé sous une fontaine, qui s’enfonce profondément dans l’obscurité. Un frisson parcourt mon héros tandis qu’il se rapproche des escaliers ; une sensation familière : Irenicus est proche. Il ressent la nécessité d’échanger des mots avec ses compagnons.


Korgan, le nain cruel dont l’intérêt personnel prend toujours le pas sur celui des autres… Mais Korgan aussi, aventurier chevronné dont l’ardeur au combat ne connait point d’égale :


« Korgan rien ne te contraint à demeurer à mes côtés. Une terrible bataille approche et ce combat est mien, tu n’as rien à y faire.
— Ah tu m’feras pas avaler ça ! Ma hache coupe comme un rasoir, elle se taperait bien un peu de sorcier ! Si je meurs, je prends les risques, mais j’me laisserai pas dorloter ! »


Edwin, qui promit jadis de s’engager à ses côtés pour un an. Mais il n’est pas de ceux qui tiennent toujours parole ? Pourtant le Sorcier Rouge demeure, gardant ses plans et ses intentions pour lui :


« Edwin, je n’ignore pas que tu sers quand à toi tes propres intérêts, tes propres buts. Rien ne te contraint donc à poursuivre plus avant… ce combat n’est pas le tien.
— Et où dois-je aller, à ton avis ? Ton nez semble renifler le sentier du pouvoir, et je prendrai tout ce que je pourrai jusqu’à ce que je sois rassasié. (Ensuite, nous verrons ce qu’il adviendra de "toi" ! »


Keldorn, le sage paladin et vénérable membre du plus noble ordre du Cœur Radieux. Il a juré de m’accompagner, mais il a aussi une famille :


« Keldorn, tu as une femme et une famille qui ont besoin de toi. Tu n’es pas obligé de continuer… ce n’est pas ton combat.
— Le sentier de l’honneur me dicte que je dois continuer jusqu’au bout, mon ami… quoi qu’il puisse arriver. Je ne serais pas capable de me regarder dans un miroir si j’abandonne maintenant, alors qu’un tel mal n’est pas encore éradiqué. Je ne pourrais pas mieux servir qu’en faisant ce que je fais actuellement. »


Imoen ma sœur et amie inébranlable, qui a tellement changée depuis notre départ de Château-Suif. Des ombres entourent ses yeux, mais elle sourit en remarquant mon regard :


« Imoen, tu as retrouvé ton âme. Tu n’as plus besoin de te mettre en danger. C’est mon combat maintenant.
— Irenicus m’a aussi blessée, tu sais. Il m’a enfermée à l’intérieur de cet asile… et a fait des expérimentations sur moi, et a pris mon âme comme si c’était un apéritif. Iu-uh, je ne vais nulle part. Je suis à tes côtés »


Viconia, la prêtresse elfe noir de Shar. Elle est restée bien qu’elle m’est expliquée que notre relation ne pouvait pas marcher. Ses yeux sombres te regardent étrangement pendant que tu lui parles :


« Viconia… Je…
— Il est inutile de dire ce que tu t’apprêtes à me dire. Cela ne change rien. Tu es le seul que j’ai rencontré depuis que j’ai fui ma patrie, qui a compris qui j’étais réellement et qui a fait preuve de miséricorde. Tu m’as sauvé la vie plus d’une fois, nous nous sommes battus ensemble et avons saigné ensemble… et plus encore. Peu importe ce que tu peux penser de moi en ce moment. Cela n’a pas d’importance. S’il le faut, je t’offrirai mon dernier souffle pour te protéger. Tu es… unique parmi les hommes et je te salue. Maintenant allons terminer cette histoire dont tu dois t’occuper. Le futur va traiter avec… nous… comme il peut. »


Ne voyant que de la détermination dans le regard de mes compagnons, j’emprunte l’escalier. À mon arrivée à l’Arbre de Vie, une image projetée d’Ellésime fait son apparition. Elle dans une situation critique, mais ma détermination est sans failles et bientôt je me retrouve devant mon némésis, accompagné de la reine des Elfes. Il est surpris de voir me voir. Ellésime tente de lui faire reprendre raison, en essayant de lui rappeler l’amour qu’elle éprouvait pour lui. Oui, Ellésime et Irenicus étaient amants. Mais, Irenicus ne ressent plus rien. Il a essayé encore et encore de façonner une créature à son image, mais il n’est ressorti que des échecs et de la colère. Seul le pouvoir compte désormais pour lui.


Me voici enfin prêt à en découdre. Irenicus est un puissant magicien. Sa maîtrise des sortilèges a atteint un niveau comparable à Elminster ou à Kelben Bâton Noir, des archimages capables de renverser des royaumes entiers.


Mais, je ne suis plus le même. Chacun de mes compagnons a atteint un degré de maîtrise dans son art. Nous avons affronté des créatures surpuissantes et hostiles. Voyagé dans des plans, des contrées lointaines. Découvert des dizaines de civilisations et forgés des alliances avec des rois, des reines de dizaines de royaumes. Rien ne nous empêchera de rétablir la paix. Irenicus va l’apprendre à ses dépens.


Dans un combat mythique, il mord finalement la poussière.


Enfin tout est terminé !


Pourtant quelque chose cloche. Une force irrésistible m’attire vers le lieu où Irenicus est tombé. Une cinématique débute. Le paysage est apocalyptique. Des statues terrifiantes font leur apparition. Autour de moi il n’y a pas de végétation, ni d’être vivant. Au loin, un cri comparable à une banshee transperce le silence. Pas de doute.


Je suis en Enfer.


Je ne suis pas seul. Mes compagnons se tiennent à mes côtés. Leur blessure sont si graves, que leur âme est descendue dans ce funeste endroit. Mais ils se tiennent prêts à combattre. Leur loyauté n’a pas été ébranlée.


Derrière moi, incrusté sur une immense porte, 5 yeux maléfiques observent mes moindres faits et gestes. Je remarque également 5 cavernes.


Cette partie de l’aventure repose sur la notion de choix. À chaque caverne, je dois réussir un test pour obtenir une larme de Bhaal afin de débloquer l’accès à l’immense porte. Il y a deux possibilités, une voie tournée vers le bien et une voie tournée vers le mal. Chaque larme obtenue selon une des deux possibilités permet d’obtenir des récompenses extraordinaires. Mais, il faut parfois payer des prix conséquents. Ainsi, je refuse de perdre Viconia, dans une des épreuves et je préfère faire subir à mon héros des douleurs inimaginables. Sa présence vaut plus que des dizaines de lingots d’or.


Préparant mes dernières protections et avalant mes dernières potions, j’active la dernière protection. Je me sens plus confiant et sage. Le vent semble s’engouffrer et mon groupe est violemment projeté en arrière. Irenicus est là.
Il sait tout comme moi, qu’il ne restera qu’une personne debout. Il me provoque pour la dernière fois. Je dégaine ma lame. Mes compagnons sont prêts de moi. Ils ne mâchent pas leurs mots pour Irenicus.


Irenicus n’est pas seul.


Derrière lui se dressent les plus terrifiantes créatures des Enfers. Mais, aucun de mes alliés ne va reculer dans cette furieuse mêlée. Le combat durera plus de 45 minutes, tant la puissance d’Irenicus et de ses sbires est énorme. Mais bientôt, chacun de ses alliés, tombe et mon ennemi se retrouve seul. Il commence alors à démontrer toute l’étendue de ses capacités : le flux magique qu’il dégage arrive même à inquiéter Edwin qui s’est rarement retrouvé devant un magicien beaucoup plus puissant que lui. Nul doute que ce combat, restera gravé dans la mémoire de chaque protagoniste présent ce jour-là.


Lorsque j’assène l’ultime estocade à Irenicus, celui-ci hurle qu’il aura un jour sa revanche. Mais, au fond de moi je sais que c’est faux. Cette fois, j’en suis certain.


C’est terminé.


VI- Épilogue


Mon groupe se réveille à Suldanessellar, ramené à la vie miraculeusement lorsque mon héros a récupéré son âme. Ellésime me remercie chaleureusement et réitère ses excuses au nom du peuple Elfe. Me voilà au milieu d’un banquet, dans une ambiance festive. Je pense pouvoir enfin souffler.


Les développeurs ne l’entendent pas de cette oreille.


Une cinématique se lance. Irenicus se réveille au bord d’un précipice, face contre terre au fond des Enfers. Il se remet péniblement debout. Derrière lui, un geyser de lave en fusion le fait sursauter. Il hurle de colère. Soudain, des ombres approchent. Il se retourne et tente de désintégrer son assaillant. Mais, il n’a plus aucun pouvoir. Il regarde sa main, et regarde fixement devant lui. Des dizaines de démons se retrouvent face à lui. Il grimace et recule. Il est acculé. Les démons se jettent sur lui. Il tente de les repousser. Mais il est submergé par leur nombre et bientôt les démons l’entraînent vers sa mort. Il hurle, mais cette fois-ci de peur.


Le décor change. 7 personnes encapuchonnées sont assises autour d’une table ronde :


« Le protégé de Gorion est maintenant bien trop puissant, nous aurions dû réagir depuis longtemps !
— Il n’a pas de raison de s’inquiéter, le sort de cet idiot est scellé, s’exclame la personne à côté de lui.
— Comment pouvons-nous en être certain, murmure un troisième.
— L’enfant de Bhaal est maudit, il ne peut pas nous échapper », tranche le président de cette réunion.


Il se redresse et son visage se confond avec le symbole gravé sur la table.
Un symbole que je ne connais que trop bien et qui m’accompagne depuis le premier écran de Baldur’s Gate. Qui n’a cessé de me tester et de me narguer depuis le début de cette histoire.


Bhaal.


VII- Conclusion


Lorsque la cinématique finale se termine, je redresse la tête. J’aperçois à travers la petite lucarne de la pièce, le soleil qui commence à se coucher. Une chaude soirée d’été s’apprête à commencer. Je sors le CD et je le remets dans le plastique de protection. J’ouvre la porte, j’aperçois mon père dans la salle juste à côté. Je descends les escaliers et je sors de chez moi. Je vais marcher sur le chemin de terre et je m’enfonce profondément dans la campagne où j’habite.
Je n’arrive pas à penser à quelque chose. J’ai la sensation d’avoir achevé une étape très importante.


Mais, je n’arrive pas à trouver les mots.


Trois jours plus tard, je rallume l’ordinateur. Je m’apprête à démarrer le dernier périple.


Terminer la saga Baldur’s Gate.

Elminster
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le 25 déc. 2019

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J'étais fou de croire que je ressortirais indemne en installant Baldur's Gate II sur mon PC. J'étais jeune, gamer console, et mon expérience avec les RPG se limitait à quelques opus japonais, de...

le 4 déc. 2010

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Baldur's Gate II: Shadows of Amn
Calaius
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Critique de Baldur's Gate II: Shadows of Amn par Calaius

LE jeu à avoir fait, à mon goût. L'avis est subjectif, mais ce jeu m'a tellement transporté qu'il ne peut qu'être lié à mon ressenti. Une aventure longue. Epique. Dans des décors qui n'ont pas...

le 3 mai 2010

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Slay the Spire
Elminster
7

“La volonté permet d'atteindre le sommet de la cime ; sans volonté on reste au pied de la montagne.”

Découvert par hasard il y a un peu plus d'un an, Slay the Spire était pour moi un titre intriguant, car les rares images que j'ai pu apercevoir montraient un univers de fantasy assez sombre. Le...

le 17 nov. 2022

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Il était une fois dans l'Ouest
Elminster
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Tu vois, le cinéma se divisent en deux catégories : les oeuvres immortelles et le reste.

Une injustice entoure le genre du western : il a toujours divisé le public. La plupart des intellectuels se moquent de la lenteur des intrigues et de la brutalité des personnages, tandis que le jeune...

le 7 nov. 2023

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Live A Live
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“Chaque époque engendre son héros.”

Les éditeurs prennent parfois des décisions incompréhensibles. Trop souvent, il arrive que de superbes titres (Shining force III, Mother 3, Seiken Densetsu 3, les premiers jeux de la licence Yakuza),...

le 17 nov. 2022

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