Baldur's Gate 2, c'est le blockbuster du jeu de rôle occidental, celui qui déboule et écrase tout sur son passage. Depuis la petite dizaine d'années qu'il est sorti, il demeure la référence absolue et probablement le jeu le plus abouti de Bioware. C'est aussi, hormis quelques exceptions, un des derniers JDR de qualité sur PC, puisque surviendront ensuite les cruelles disparitions de Black Isle et Troika, et un passage à vide de plusieurs années. Heureusement, BG2 a permis amplement de patienter pendant tout ce temps. Je viens d'ailleurs de le réinstaller, pour la énième fois, et c'est toujours aussi bon, foi de Bhaal.
BG2 (rien que les initiales déchirent) est la suite directe du premier opus. Une séquence d'intro, sobre, raconte comment le joueur et ses acolytes se sont mystérieusement fait enlever, puis torturer par un mage très puissant, Irenicus. Délivré par l'insupportable Imoen ("c'est bon de vous revoir !") alors que la prison est assiégée, le joueur devra tâcher de se sortir de la situation, et en découvrir encore un peu plus sur ses origines divines.
Pas le temps de s'amuser à tuer des rats ou nettoyer les caves des bars poisseux, ici on est plongé dès aussitôt dans l'aventure. C'est somme toute assez logique puisque le héros n'est rien de moins que le fils de Bhaal, n'est donc pas une petite merde après l'aventure du premier épisode et la mort de Sarevok. Aussi, tous les personnages débutent au niveau 7. De quoi dérouter les nouveaux venus, qui devront apprivoiser des dizaines d'objets, d'armes et de sort. Ils seront aussi vite débordés par les très nombreuses quêtes offertes par la ville d'Athkatla. C'est simple, elles pullulent dans tous les sens. Un petit exemple personnel. Ayant grave besoin de fric, j'accepte la quête d'une charmante nana, qui intègre mon groupe, afin de nettoyer son château, situé à quelques jours de la ville, des trolls l'ayant envahi. Je sors donc de la ville, mais je tombe sur un autre type, qui lui aussi a besoin de mon aide, car sa ville croule sous les problèmes ! Bon, j'accepte, je me rends à ma première quête, mais tombe sur une féroce bataille, un type en sort gravement empoisonné, me somme de l'emmener immédiatement chez ses compagnons en ville, donc retour en ville, je le ramène à ses potes les ménestrels, mais là en arrivant dans la zone un fidèle compagnon m'annonce qu'il est assez mal vu dans ce quartier, et me conseille d'aller voir un bandit pour quelques explications, je m'y rends, autre quête, je ramène en passant le mec empoisonné, autre quête... C'est infernal, mais grisant. Il suffit ma foi d'un peu d'organisation, et tout rentre dans l'ordre.
Côté gameplay, le jeu reprend les règles de Donjons & Dragons, déjà utilisées dans le premier opus. Au rang des nouveautés : 20 nouvelles classes ou sous-classes (, la possibilité de créer des personnages multi-classés ou jumelés (à réserver aux connaisseurs), quelques ajouts mineurs (combattre avec deux armes), des tonnes de sorts. Six joueurs composent l'équipe, tous entièrement gérés par le joueur, il faudra donc tâcher de créer un équilibre entre les guerriers, mages, clercs et voleurs. Côté magie, pas de mana, le système est plus rudimentaire, plus chiant diront certains : pour résumer, après avoir inscrit un sort dans votre livre de magie, vous ne pouvez l'utiliser qu'une fois, il faut dormir pour pouvoir le lancer à nouveau. C'est vrai que Dragon Age est plus souple de ce côté-là. Les combats sont très tactiques, c'est un des gros points forts. Ils sont en temps-réel, mais le joueur peut pauser le combat à n'importe quel moment, pour faire un tour dans l'inventaire, balancer un sort ou soigner un mal-en-point. Très tactiques, ils réservent quelques sacrés crises de nerfs, certains boss étant d'une difficulté proprement hallucinante. Pour faire simple : on en chie. Les débutants n'hésiteront pas à jouer en mode facile ou très facile, quitte à perdre le côté tactique si plaisant.
Autre gros point fort : l'ambiance. Mes aïeux : ça déchire. Les musiques signées par Michael Hoenig sont sublimes, tout à tour épiques, tristes ou mélancoliques, et soulignent parfaitement les moments-clés de l'aventure. Côté graphismes, c'est aussi très soigné, avec une 2D très fine qui ne vieillit pas (les personnages en 3D jurent un peu avec les décors d'ailleurs). Le plus fort, c'est l'humour. Un grand JDR selon moi, doit être drôle. Et dans BG2 on se fend bien la gueule, dès le début du jeu. Les gars de Bioware se sont visiblement lâchés, et ça fait plaisir.
En fait, BG2 est le JDR parfait : pas trop orienté parlote comme Planescape Torment, ni trop orienté combat comme Icewind Dale, et parfaitement rythmé, pas comme Arcanum. Jamais on s'ennuie. Bien sûr, et certains le regrettent, il est très orienté grosbill, parfois au détriment du roleplay. Il faut souvent combattre, c'est vrai, et discuter s'avère souvent inutile. On peut aussi noter qu'il est plus facile d'être un cœur pur qu'un parfait salaud, pour lequel les quêtes manqueront. Mais cette gigantesque aventure prend tellement le joueur ! A vrai dire, il m'obsède ce jeu. J'y ai passé des centaines d'heures, découvrant de nouvelles choses à chaque partie, tant l'univers est immense. Chaque PNJ que l'on peut recruter est un régal, ils sont parfois drôles et bien débiles (Minsc), parfois touchants (Aris, Cernd) ou cons (Yoshimo). La VF, complètement stupide mais absolument géniale, joue beaucoup dans le côté culte de cette galerie de personnages farfelus. C'est un plaisir de les accompagner, de découvrir leur vie, leurs sentiments, de les envoyer balader par une superbe réplique cinglante, etc.
Aventure épique, foutrement épique, BG2 est un sommet du genre, bourré de scènes cultes, magnifiquement bien écrit, tellement profond, qui vous envoûtera pendant des mois entiers, et bien plus.