Larian m’avait intrigué avec son C-RPG Divinity: Original Sin, Kickstarté à une époque où le genre était depuis longtemps dans les limbes du jeu de niche pour pécéistes hardcores, pour la dernière garde. Le studio belge avait réussi à en faire quelque chose d’abordable et de franchement fun.
Larian avait ensuite récidivé avec une suite, que je n’ai toujours pas finie car je suis en train de la faire en collaboration avec ma chère et tendre (mais on en voit le bout, après plus de cent heures). Un coup de polish a été apposé, portant la formule toujours plus haute, mais encore assez ancrée dans le passé et hermétique au premier abord.
Larian, après trois ans de beta, a enfin sorti son grand œuvre, un Baldur’s Gate 3 qui sera au studio ce que le troisième volet des aventures de Geralt fut à CD Projekt. Et c’est après 150 merveilleuses heures passées dans le monde de Faêrun que je viens apporter ma propre critique dithyrambique au flot continu qui ne cesse de couler sur tous les internet. Car la dithyrambe s’y prête tant l’aventure est phénoménale. Exempte de défaut? Certainement pas. Mais tellement prenante que ceux-ci seront vite passés sous le tapis.
Car ce qu’a fait Larian, c’est construire sur les acquis de ses précédents jeux, sur la communauté de fans qui s’est bâtie autour de leur savoir-faire, pour apporter un jeu jusqu’alors jamais fait. Un C-RPG avec les moyens d’un triple A, et tout ce que ça implique d’immersion, de fluidité du gameplay, de travail d’acteurs, et tout le tintouin. Une manière de faire du pied à toute une partie des joueurs qui n’auraient jamais mis les mains sur un titre austère où l’on s’enfile des pavés de texte depuis une vue aérienne, et où l’on passe des heures à essayer de comprendre les mécanismes et à trifouiller dans des menus. Non pas que l’on ne le fasse pas ici : on va effectivement engouffrer beaucoup de temps dans les inventaires et feuilles de personnages, mais le fait que l’on est droit à un enrobage affriolant permet de moins s’offusquer de ce qui fait la substantifique moelle du genre. Mais rentrons dans le détail.
Larian a fait appel à une palanquée d’acteurs talentueux (dont un certain JK Simmons), et pas seulement pour doubler les dizaines de milliers de lignes de dialogues, mais également pour faire appel à de la performance capture et faire transparaître leur jeu directement à l’écran. Ajoutez à cela un talent d’écriture qui n’a plus à faire ses preuves chez les flamands, et une réalisation qui nous évitera le sempiternel champ/contre-champ de la majorité des productions actuelles. Et enfin, tout cela ne fonctionnerait pas sans émotion. Quelle chance, on en a à foison, car on s’attache très vite à notre groupe de parias, tous esclaves d’une puissance dont ils veulent se dépêtrer, victimes des erreurs de leur passé ou des circonstances, unis par leur statut. Pas de manichéisme, chacun aura sa part d’ombre et sa part de lumière, et ceux que l’on trouvera au premier abord imbuvable se révèleront toujours plus profonds que ce que l’on croyait. Les personnages sont traités avec un amour débordant par les scénaristes, et deviennent nos confidents, nos amants, nos compas moraux, ou nos exutoires. J’ai versé ma larme pour le dénouement déchirant de la quête d’Astarion, j’ai tremblé pour l’amertume de la conclusion de Shadowheart, j’ai pesé longtemps le dilemme posé par Lae’zel, je me suis morfondu quant à la destinée de Karlach, j’ai été inquiété par le sort de Mol, j’ai débattu longuement avec Gale, et surtout, j’ai beaucoup caressé Scratch. J’ai été impliqué, comme je ne l’ai pas été depuis longtemps par ce médium.
De l’addition de tous ces ingrédients découle des conversations irrémédiablement prenantes. D’autant plus lorsque la majorité de ces échanges seront adaptés selon vos choix. Que ce soit à cause de votre race, de votre classe, des compagnons présents dans votre groupe, ou des décisions prises plus tôt dans l’aventure, Baldur’s Gate s’assure que votre épopée soit sur mesure et ça se sent. Tout au long du périple me venait sans cesse l’envie de relancer une nouvelle aventure en prenant des embranchements différents, car la rejouabilité n’est ici pas artificielle et ça se sent. L’étendue des possibilités est tentaculaire, et ce perpétuel désir de recommencer ne peut être qu’un gage de qualité. On pourra bien arguer que le final est sommaire, à la manière de Mass Effect à l’époque. Mais comme pour la trilogie de Bioware, là n’est pas l’important : la destination, le voyage… Vous connaissez la rengaine.
Je ne manquerais donc certainement pas de lancer une nouvelle aventure, mais avec ma moitié, une fois Divinity 2 terminé.
Et dans tout ça, le gameplay me direz-vous? Eh bien on retrouve, comme mentionné précédemment, tout ce qui fait l’ossature d’un C-RPG : des combats au tour par tour, des statistiques et sorts à foison avec leurs lots de synergies, de l’exploration, des pelletés de dialogues, des tests de compétences, du loot, et des choix, toujours des choix. Mais ici, pareil que pour la forme, tout est plus fluide, plus beau. Je ne citerai que deux exemples car je ne suis pas un wiki ; Exit l'amoncellement de flaques de feu, de sang et autres huiles rendant la visibilité difficile, bonjour les déplacements plus libres grâce à la mécanique de saut, permettant une verticalité mieux exploitée dans le level design. Deux exemples parmi légion qui montre la maîtrise de Larian sur son sujet, qui a peaufiné sa copie pour rendre son bébé abordable, appréciable et adorable. La jouabilité au pad était exemplaire, et je ne doute pas que ce soit encore mieux sur PC.
Et pour les défauts que je mentionnais en intro? Outre un final quelque peu expéditif (il paraît que Larian va sortir un patch pour un épilogue plus fourni), on aura bien quelques bugs sous formes de lignes de dialogues qui ne devraient pas être là, ou des soucis de caméra avec les différents niveaux de verticalité, mais rien qui ne soit pas oublié sous l’amas de trouvailles.
Non, définitivement, Baldur’s Gate 3 n’a pas volé la floquée d’éloges qu’il reçoit depuis sa sortie, sa place au panthéon annuel (qui a par ailleurs de fortes chances de tout rafler lors de la grande messe de décembre de Geoff Keighley), et son entrée dans ma liste des chouchous.
Gamers de tous bords, laissez-vous tenter, vous serez surpris.