Barbie’s Return

Ce matin, alors que comme d’habitude je peinais à m’extirper des bras de Morphée, v’là t’y pas qu’on sonne à la porte… Quel était donc le manant qui osait venir troubler ma sacro-sainte quiétude matinale vous demandez-vous ? Et bien, c’était tout simplement le facteur, venu livrer un étrange et minuscule colis m’étant personnellement adressé. L’observant plus attentivement après avoir promptement congédié l’auroral gêneur, mon sang ne fit soudain qu’un tour : c’était l’écriture de Barbie ! Elle se souvenait de moi ! Et moi qui pensait m’en être débarrassé pour de bon !

Deux choix s’offraient ainsi à moi : brûler le colis de suite, me purifier en me flagellant d’orties fraîches puis déménager à l’autre bout du monde…ou l’ouvrir. J’optai évidemment pour la seconde solution (car je suis un mec normal). À l’intérieur, une lettre rosie par des dizaines de coeurs pastels dessinés à la main, accompagnée d’un jeu vidéo megadrive intitulé Barbie Vacation Adventure. Rien de vraiment suspect à première vue donc, aucun danger potentiel justifiant de ressortir ma salvatrice injonction du tribunal… La sérénité retrouvée, je lus finalement l’intrigante missive…

"Chair Wywy [surnom que je suppose affectueux], commant sa va ? J’espair que tu n’est plus facher contre moi. Comme tu le sait probablemant déja, ma carriaire prometeuse dans le manekinat s’est finalemant terminet plus vite que praivu. Daprai mon manageur, je suie super bonne, mais aparamant pas assez pour défilé. Sa a été un tel tromatisme pour moi que j’ai décidé de ne plus jamais travayer de ma vie, je laisse sa au povres, comme toi. Mais comme tu le sait, mon fumeu contra avec les homme en caustume trop choupinou porter sur deux jeu vidéos, et j’ai donc proposai au dévlopeur de prandre comme suget le tour du péis que j’avai décidé d’entreprandre afin de me remaître de cette aiprouvente expériance. Sa tombai bien, Papa m’avai justemant ofert un neuviaime cabriolait, rose bien entandu (ma cooler préférai!), pour me consauler…

Comme tu a pu le constaté, je t’es envoyé un examplère du résulta final avec cette letre, et j’ai vrémant hatte que tu me done ton avie écléré deçu (on sa pelle quant tu veut). J’ai mis un doigt d’honeur à y inclure absolumant toute les fabuleses activitais que j’ai fée pendant mon pairiple, mes fans seront heureu·se·x·s, et ils verront en plus que j’ai dégouts tout ta fée banal, tout comme e·lle·ux·s. Et tout es vrai. Dans le Wyoming par example, j’ai vraimant réussi a monté ma tente moi-même comme une grande. Ken n’araitait pas de rigolé en me disant que lui aussi, il savait monter sa tente…j’ai toujours pas conpris la blague…

J’ai égalemant fait du cheval pandent mon saijour au Texas. Sa tombai bien, j’ai toujours été une excelante cavaliaire, Ken me le répète daiyeur trait souvant. L’épreuve de chamboultou dans laquel j’ai assuré en Iowa est aussi vairidique, mes là encore c’est pas vraimant un exploi, j’ai toujours métrisé les jeu de boules… Entre autres choses, j’ai fait de la plongé sous Marine ou encore du bitch-volé avec Midge lorsque j’étais en Floride, mais je ne t’en dit pas plus, je préfaire te lésser découvrir le reste par toi-m’aime grasse au jeu. Les gas se son vrémant surpacé pandent ses trois dernier moi, ils y ont mi tou leur queur, et le jeu me paré cette foi si trait trait bon. J’espaire que toi aussi, tu l’après cira a sa juste valeure. Bizous."

Ouf, elle ne souhaitait que mon simple avis "d’expert" sur un jeu vidéo ! J’ai vraiment cru un instant qu’elle était revenue des US, et surtout qu’elle voulait me revoir. Je pense que je n’y aurais sans doute pas survécu cette fois-ci ; c’est que c’est très difficile, surtout pour les nerfs, de tenir un semblant de conversation avec Barbie… Enfournant alors la fameuse cartouche, il ne me fallu pas plus d’une demie heure pour constater l’étendue (attendue) des dégâts. Mon verdict prêt et mes idées bien en place, je pris donc ma plus belle plume (c’est tellement out les stylos) et commençai à rédiger ma réponse…

"Chère, que dis-je, onéreuse Barbie, j’ai bien reçu ton colis. Tout d’abord, je suis ravi de voir les efforts que tu fais pour t’intéresser au monde roturier, en particulier celui près de chez toi. En ce qui concerne ton jeu, je n’irai pas par quatre chemins : c’est très mauvais. Certes, le résultat est un brin au-dessus de l’abyssal Barbie Super Model, mais est-ce vraiment un exploit de surpasser le néant ? Alors oui, je ne suis certes pas la cible visée, mais justement, à qui est sensé s’adresser un soft aussi médiocre ? Aux fillettes de 10 ans ? Pour les dégoûter à vie du jeu vidéo ? Pour après déplorer qu’en grandissant, les femmes ne s’intéressent que peu au jeu vidéo, en dehors des trucs sociaux du style Farmville ou Bejeweled ? Enfin bref, laisse-moi donc t’expliquer plus en détails pourquoi ton jeu sent le pâté…

Bon alors déjà, c’est immonde visuellement parlant. Je déconne pas. Ça ressemble vaguement au rendu crayonné d’un Yoshi’s Island, mais sans aucune intention artistique derrière. À ce niveau de nullité, on pourrait presque parler de crime. Toi-même tu ne ressembles à rien, dans ton propre jeu ! On peut faire un constat similaire côté ambiance sonore, avec des morceaux simplistes constitués de trois notes qui se répètent en boucle ad vitam aeternam. La megadrive n’est certes pas réputée pour avoir un chip sonore de folie, mais, avec un minimum de talent, on obtient parfois de très bons résultats, les compositions de Nakamura Masato ou Kodaka Naoki en sont la preuve vivante… Et après, ça va s’étonner que les gamines d’aujourd’hui adulent des "artistes" comme Lady Caca ou Riz Anal…

Pour ce qui est du gameplay, ce n’est pas vraiment plus reluisant. C’est louable de vouloir proposer un minimum d’éclectisme, mais parfois, il vaut mieux s’astreindre à une mécanique générale et la travailler à fond, plutôt que de s’éparpiller et tout faire n’importe comment, comme dans ce Barbie Vacation Adventure. Déjà, absolument toutes tes mini-épreuves sont simplistes au possible, en mode mono-bouton, alors qu’un pad Megadrive possède quand même 3 boutons d’action. C’est fini l’époque de l’Atari 2600 tu sais… De plus, la moitié de celles-ci utilisent un système de réticule de visée typé pointeur, bien plus adapté à un gameplay souris qu’à un gameplay manette, qui plus est dépourvue de stick. L’autre moitié n’est pas spécialement meilleure, tant le challenge est aux abonnés absents. Sauf pour l’épreuve du cheval curieusement, mais dont la (relative) difficulté n’est pas due à un système de jeu intelligemment pensé, mais plutôt à une gestion des hit box plus que douteuse…

Et puis bordel, de la recherche d’objets, du puzzle, ça n’est pas spécialement amusant… Ça marche dans un point & click car ça reste de petites composantes de gameplay qui s’imbriquent entre elles dans un tout cohérent bien plus vaste, mais en tant qu’épreuves en elles-mêmes, ça n’a que peu d’intérêt… Mon dernier grief enfin, est que ton jeu semble vouloir se vendre comme un party game, en mettant notamment en avant une option multijoueurs, qui dans les faits ne s’applique vraiment qu’à l’épreuve de beach volley (au passage, j’espère pour elle que l’IA désastreuse de Midge ne reflète pas sa véritable intelligence, parce qu’il y a sinon de quoi gravement s’inquiéter). On est TRÈS loin de la convivialité d’un CTR, un Bomberman ou un Smash Bros, qui EUX sont de vrais party games.

En résumé ma chère Barbie, que dis-je ma dispendieuse Barbie, ton Vacation Adventure est tout moisi, à l’image de la grande majorité de la production vidéoludique estampillée "girly". Des jeux sans réflexion, sans challenge, sans fun et sans âme, qui prennent les gamines pour des idiotes incapables de faire face au moindre petit défi. Et c’est comme ça qu’en grandissant, elles deviennent parfois des princesses DisneyTM (quand ce n’est pas pire) qui estiment que tout leur est naturellement dû sans avoir à fournir le moindre effort, sans la moindre contrepartie, et finissent par fustiger tout discours dérivant de leur pensée unique et sectaire par des "argumentaires" au mieux erronés, au pire fallacieux. Toute ressemblance avec des faits réels et contemporains n’est évidemment pas fortuite…

Les "gameuses" d’aujourd’hui (car oui elles existent :p), dont beaucoup à l’époque ont eu à subir ce genre d’expériences "spécialement marketées pour elles" comme porte d’entrée dans l’univers vidéoludique, style des Passion Poney et autres Maison du Style (ou ton jeu donc), sont souvent de celles qui ont eu la chance d’avoir pu très tôt troquer ces daubes igniominieuses contre des jeux plus dignes d’intérêt, souvent grâce à un grand frère, un père ou un cousin lui-même joueur. Le jeu vidéo a en effet la chance d’être suffisamment riche et diversifié pour que chacun puisse y trouver son bonheur, quel que soit son sexe. En bref Barbie, aimer ses fans, c’est bien, leur montrer par de vraies preuves d’amour, c’est bien mieux…

Oh, j’allais presque oublier ! La prochaine fois que tu utilises l’écriture intrusive pour communiquer avec moi, je viens personnellement à ton domicile pour te tabasser à coup de batte cloutée en proférant des insultes en allemand…Bisous quand même!".