Le rasoir d'Arkham

J'ai détesté. J'avais joué 5 ans plus tôt à Arkham Asylum, j'avais déjà signalé de nombreux défauts, mais globalement j'avais été conquis par l'ambiance du jeu qui m'avait poussé à octroyer un généreux 8. En gros je considérais que le gameplay était nul mais rattrapé par l'univers et l'atmosphère... mais ce n'est pas le cas dans cette suite. Le gameplay est loin d'être contrebalancé par quoi que ce soit.

L'histoire

Pour commencer, le mode histoire est incroyablement expéditif (moins de 8h) et trouve quand même le moyen de sonner ultra artificiel. Nous sommes lâchés dans Arkham City, quartier prison de Gotham qui en soi est déjà absurde. Rassembler tous les patients psychiatriques de l’asile et tous les prisonniers de Blackgate dans un seul endroit à ciel ouvert et avec pour seule surveillance une milice externe n’a aucun sens… mais soit.

On comprend vite que tout n’est qu’une excuse pour nous bringueballer d’un vilain à un autre à l’aide de transitions ridicules. On commence sur Double Face sans raison, puis on se fait tirer dessus alors on remonte la piste vers le Joker, on tombe malade alors on va libérer Freeze capturé par le Pingouin, puis Freeze nous demande d’aller chercher du sang de Ras Al Ghul, … Le "scénario" est juste prétexte à remplir une checklist et c'est très (trop) visible. Le protocole 10 semble décorrélé du reste, c'était ce qui avait le plus de potentiel et pourtant c'est traité par dessus la jambe.

Même pendant la durée très courte de l’histoire on a l’impression que l’on passe son temps à remplir des objectifs remplissage. Par exemple pour accéder au Pingouin on voudrait bien pirater un terminal mais : oh non ! Il y a un système de brouillage ! Il faut sortir et désactiver trois brouilleurs dans la ville avant de revenir !

Autre moment d’anthologie, quand on affronte Mister Freeze suite à sa trahison. Immédiatement après qu’on le bat il se remet à nous aider comme s’il ne s’était rien passé, et nous on promet gentiment de retrouver sa femme. Incroyable ! On a l'impression que les personnages ne savent pas ce qu'ils font là et ne font aucun effort pour être crédibles.

De son côté Batman continue de foncer toujours tout droit dans cet épisode : sa stratégie est de tomber dans tous les pièges du monde, car il sait qu'il pourra toujours s'en sortir. Ca tranche un peu avec le fait que tout le monde nous glorifie du titre de "Meilleur Détective du Monde". Concrètement on ne fait que suivre les balles et les traces de sang et tomber dans toutes les embuscades possibles.

J'avais moins ressenti ça dans Asylum où on avait globalement une raison d’aller de l'avant. Le postulat de départ était cohérent, l'asile révolté se tenait plus naturellement que ce quartier prison.

On me dira : "oui, mais il y a des missions secondaires qui permettent de plus profiter de l’univers !". Je n’en ai pas fait beaucoup, mais celles-ci ne m’ont pas paru beaucoup plus intéressantes. La mission du Chapelier Fou correspond à un unique combat contre des mobs normaux, et hop ! C’est expédié. La mission du voleur d’identité consiste à suivre de bêtes traces de sang dans la ville. Rien de bien folichon. Je n'en ai pas fait d'autres.

Sound design

Sur ma version PS4, la VF était imposée. Je n’ai rien contre la VF, encore faut-il qu’elle soit bonne, et ici je regrette mais elle est désastreuse. A l’exception du Joker et de Batman, l’ensemble du casting est aux fraises. Les doubleurs ont semble-t-il manqué de consignes, car leur manque d’entrain ou de ton contextuel est évident. Il faut reconnaitre que les personnages sont desservis par des dialogues « cheesy » pour bien mettre en avant leurs personnalités, mais ça essaye globalement beaucoup trop fort et les blagues comme les punchlines tombent toutes à plat.

Le mixage sonore est particulièrement raté. Un coup les gens parlent trop fort, un coup on ne les entend plus à cause de la musique. Un coup on menace le maire, puis on le jette et il s’écrase au sol sans AUCUN bruit. Ca fait vraiment mauvais genre… C’est un problème commun parmi les AAA, les testeurs joueraient-ils sans le son ? Si c'est une question de configuration ou de setup audio, est-on censé deviner comment apprécier le jeu dans de bonnes conditions ?

Le gameplay

Batman est un tank qui par défaut marche à 1km/h et se cogne dans tous les obstacles. Je ne saurais expliquer pourquoi mais le gameplay qui ne m’avait pas déplu dans Arkham Asylum m’a ici paru imbuvable. Le chevalier noir est d’une rigidité absolue et je n’ai pris aucun plaisir à le piloter. La navigation dans la ville est pénible, on se cogne partout, le grappin ne s’accroche pas partout, en tout cas pas où on veut. D’ailleurs quand on se fait tracter Batman est droit comme un i, c’est très chelou.

La seule chose que je trouve agréable, c'est de planer. La mécanique est fluide, se contrôle bien, Batman est silencieux. Un vrai plaisir (le seul).

Par ailleurs dans les phases au sol la caméra est toujours trop prêt du personnage, comme dans Asylum. On a un champ de vision extrêmement restreint, ce qui force à toujours alterner entre le mode normal et le mode détection, très invasif, et qui ne se désactive pas tout seul quand on rentre en combat.

Les combats, justement. Ceux-ci sont sympathiques pendant un temps mais finissent rapidement par s’avérer lassants et confus. Là encore j’en gardais un meilleur souvenir avant.
Les boss, c’est encore pire. Comme le système de combat est très pauvre, ils reposent plutôt sur l’observation et l’utilisation de l’environnement contre eux. En fait on passe son temps à fuir comme on peut avec notre tank et à déclencher des événements contextuels.
Cela donne lieu à des « combats » mous et fouillis, par exemple contre Mister Freeze on tourne tout autour de la salle pour trouver des objets à utiliser contre lui. Contre Solomon Grundy on doit poser des explosifs à trois endroits très précis sur le sol et le reste du temps on esquive comme on peut les attaques. Ce n'est vraiment pas très intéressant ni même crédible, car on se retrouve à mettre des géants à terre à l'aide de techniques de grosses fouines.

La quasi totalité des gadgets sont juste des gimmicks utilisés ultra ponctuellement au cours des missions principales. Le boomerang téléguidé sert dans exactement deux missions, la griffe sert à ouvrir deux trois trucs mais surtout à tracter un radeau avant d’atteindre le pingouin. Les explosifs doivent être bêtement utilisés quand sur un mur il y a marqué en gros : FAIRE EXPLOSER. Le pistolet électrique (que l’on trouve complètement par hasard et qui manque de punch) sert à ouvrir deux trois portes où à manipuler une grue dans une mission. Le boomerang inversé m'a servi à libérer un otage une seule fois. En fait les développeurs se sont embêtés à coder plein de mécaniques différentes en ne nous offrant que très peu d'occasion de les utiliser, et pas de manière organique ! C'est très curieux.

Monde Ouvert

Globalement je ne suis pas du tout convaincu par l’aspect monde ouvert de Arkham City. Il n’a aucun intérêt. Tout d’abord parce qu’un monde ouvert, il faut qu’on ait envie de le parcourir. Dans un Spiderman ou un GTA, on peut se balader pour profiter de la ville, admirer et escalader certains monuments connus. Dans Red Dead ou Horizon, on peut profiter de paysages à couper le souffle en toute tranquillité si on le souhaite.

Arkham City… déjà la ville est moche et ne donne pas envie de faire du tourisme. C’est tout de même un quartier à l’abandon qui frise le dépotoir et où quasiment tout se ressemble. Mais surtout, on n’a pas le choix que de se balader de toit en toit parce que dès qu’on met un pied à terre on se fait aggro par des hordes de prisonniers qui veulent nous mettre sur la tronche. Ca ne pousse pas vraiment à l’exploration, au contraire.

Au final les quelques séquences en intérieur se déroulent dans une toute petite poignée d'endroits, que l'on revisite plusieurs fois, comme le Musée. Il est beau le monde ouvert s'il débouche sur moins de 5 environnements fermés, linéaires, et recyclés.

Et je suis désolé, mais les gros points d'interrogation verts qui sont omniprésents à tous les coins de rue ne me donnent pas plus envie de me balader. Encore une opération remplissage avec des "énigmes" du Riddler qui n'en sont pas vraiment. Aucun intérêt à part étaler la durée de vie sur une biscotte décidément bien longue.

Les graphismes

Je vais finir là dessus sans m'étendre. Globalement les graphismes sont réussis. Ils ont un chouïa vieilli malgré le remaster, mais c'est correct. Rien à ajouter !

Je suis moins convaincu par l'UI qui, il me semble, a régressé depuis Asylum. Les biographies des personnages sont réduites à leur portion congrue. La carte n'est qu'un gros bloc vert qui n'aide pas trop à se repérer. Les upgrades dans le menu correspondant ne font pas envie.

Conclusion

Je n'ai pas juste passé un moment médiocre, j'ai véritablement passé un mauvais moment, à pester contre la rigidité des contrôles, à cringer devant la qualité des ressorts scénaristiques, et à me facepalmer devant les tentatives de remplissage archi-visibles. La forme est là, au moins superficiellement, mais le fond est aux abonnés absents.