Même Bioshock ne résiste pas à l'ouragan Call of Duty.
Avant de me faire assommer sous une masse de dislikes, oui, la fin est grandiose. Probablement une des dix meilleures fin que j'ai pu voir dans ma vie, tout médias confondus. Elle est exceptionnelle et me marquera au fer rouge durant un long moment. Je tiens aussi à dire que ça me fait chier de mettre une telle note. J'aurais aimé vivre une expérience hors du commun qui me transcende à vie, j'aurais aimé pouvoir dire que ce jeu m'a grandi ou que sais-je, mais non, ça n'a pas fonctionné, et je ne prends pas plaisir à écrire ces mots pour aller à contre-courant de la majorité des gens.
Mais Bioshock Infinite, ça reste un jeu vidéo, et pas juste un final. Un jeu vidéo qui dure facilement une bonne douzaine d'heures, et dont cette magnifique fin ne représente finalement qu'une faible portion. Et je suis désolé, mais je ne peux pas croire que les gens pensent sérieusement que tout le jeu est à la hauteur magistrale du final.
Déjà, pour le préciser tout de suite, j'adore les Bioshock. Je les aime profondément par leur level-design, par l'inventivité du background, par la découverte artistique de ces lieux atypique, et par le scénario, toujours bien plus riche qu'il n'y paraît. Les plasmides ont été une révélation pour moi qui prouvaient que les FPS pouvaient être plus que de simples jeux de guerre, et la richesse et la complexité des niveaux m'ont mis en jouissance de longues heures durant.
Malheureusement, Bioshock Infinite est un jeu récent, autant dans la date de sortie que dans l'âme. Le jeu m'a franchement fait penser par moments à un Call of Duty qui serait réussi et ambitieux, mais ça reste en-dessous de ce qu'on peut attendre d'un jeu de la série. Où est passée l'exploration ? J'ai failli en pleurer, le jeu est archi-linéaire et les quelques zones annexes se limitent désormais à des couloirs ou a des pièces, exit les pans entiers de niveaux purement facultatifs. D'ailleurs, là où le level-design des anciens Bioshock permettait une utilisation ingénieuse et stratégique des plasmides pour préparer des affrontements et les gérer efficacement, ici ce n'est plus possible, dès qu'on voit un combat, on est dedans, car le level-design dirigiste n'amène plus cette observation et cette préparation.
Mais de toute façon les plasmide aussi se modernisent : il n'y en a plus que des offensifs (là je fais une première crise cardiaque) et d'un nombre très limité. D'ailleurs certains se payent le luxe d'être franchement dispensables ou en tout cas moins intéressants que leurs comparses. Là où ces pouvoirs étaient le centre névralgique des anciens jeux, ils se voient désormais relégués à de simples outils offensifs pour les combats. Les larmes coulent.
D'ailleurs les combats, parlons-en. Exit l'inventaire avec les armes à récupérer au long de l'aventure, maintenant on ne peut en ramasser que deux à la fois et il faut donc changer en scrutant le sol comme dans les jeux actuels. Deuxième crise cardiaque (j'ai d'ailleurs fait un déni en pensant que ma touche R2 déconnait et que la roue des armes n'apparaissait pas).
Et franchement ces combats, ils sont chiants. Là où les anciens Bioshock avaient 60% d'ambiance glauque et 40% de combats qui restaient rapide, confidentiels, et qui se bouclaient vite et sans longueurs, ici on se tape les trois quarts du jeu à buter les fesses d'un bestiaire convenu au possible pour convenir aux normes actuelles (autrement dit des humains bêtes comme leurs pieds avec un gun à la main), et ça en devient même vomitif à certains moments car le jeu abuse d'enchaînements de gunfights et c'est vraiment long à force. En plus, histoire d'en rajouter une couche, je trouve que les différentes armes sont franchement conventionnelles, le petit cachet steampunk laisse place à du vu et à du revu. J'emmerde les normes du jeu vidéo actuel.
Mais parlons quand même des points positifs, car ce jeu en a beaucoup : déjà le scénario est vachement bon, même si la moitié du soft souffre d'allers-retours inutiles et qui font stagner un scénario qui est alors encore tout timide et renfermé sur lui-même. Les personnages sont d'une écriture remarquable, même si le grand méchant est un peu trop effacé à mon goût, et la relation avec Elizabeth est réellement une plus-value qui rend le jeu plus sympathique et les gunfights franchement plus digestes (notamment avec le système de failles, une bonne idée très peu exploitée au final).
Les doublages français sont également d'un très bon cru, c'est à saluer, et le jeu reste plutôt long malgré sa linéarité. Par contre, du coup la collecte d'objets se fait trop omniprésente et un peu lassante vu que tous les éléments interactifs sont proches (à cause des zones moins ouvertes). C'est bien d'avoir voulu garder des éléments propres aux premiers Bioshock, mais dans un level-design complètement différent, ça fonctionne moyennement.
Enfin, la ville est sympathique à découvrir, mais tout est concentré dans la première partie et les surprises se font ensuite rares, il n'y a plus vraiment d'ambiance : sans le côté horreur/glauque des premiers, on se retrouve à vagabonder entre deux gunfights en bavant devant les panoramas, mais rien ne prend aux tripes, on se contente d'apprécier le dépaysement. Petite régression aussi donc.
Tout ça pour dire que Bioshock Infinite est un bon jeu sacrifié sur l'autel du modernise, et ayant un scénario (surtout vers la fin) d'une qualité rarement touchée du doigt dans n'importe quel média. Et ça me fait chier. Ca me fait chier parce que ça aurait pu être tellement mieux .... merde quoi, je suis dégoûté, j'ai envie de pleurer presque. Ca aurait pu être tellement parfait, ça aurait pu atomiser complètement les deux premiers Bioshock, il aurait même pu prétendre à une entrée dans mon top 10 jeux vidéos ! Mais non, parce que derrière ce final et ces personnages attachants, on se mange quand même des phases de jeu lourdingues, un bestiaire quelconque, le tout dans un level-design convenu et qui se prostitue dans un modernisme que je vomis. Bioshock Infinite est un très bon produit, attention, je suis surtout négatif car des critiques qui l'encensent, il y en a en suffisance, mais je reste très déçu à cause du fait qu'il frustre plus sur ce qu'il fait mal que de plaire sur ce qu'il fait bien. Tant pis.
EDIT : je remonte la note d'un point pour saluer l'ambition du scénario qui mérite très sincèrement tous les honneurs, pour ainsi dire ça fait des jours que je me délecte à lire toutes les théories et timelines qu'on peut dénicher ici et là. Malheureusement, ça n'enlève rien aux (nombreuses) critiques ci-dessus. On ne peut pas tout avoir !
EDIT : J'ai beaucoup réfléchi, beaucoup hésité, mais finalement je pense que ma première impression était la bonne, le 7+ me semble résumer parfaitement cette critique. Puis le hype est retombé, ça passera mieux.