J'avais déjà joué à l'excellent Mod gratuit, il y a de cela des années, mais maintenant que ce Remake est enfin complet, avec l'ajout du dernier chapitre sur Xen, il était temps de le recommencer (et de récompenser aussi financièrement les créateurs pour ce bel effort).
Et puis, cela offre tout de même une consolation à l'idée de ne pas pouvoir célébrer véritablement le grand retour de la licence avec Alyx après une absence de douze ans, clairement la plus grande arlésienne que j'ai jamais connu dans cette industrie et pourtant dans le contexte mouvementé actuel, ce grand retour n'a malheureusement pas l'exposition qu'il mériterait.
Concernant mon avis plus précis sur ce Black Mesa, il est peut être bon de rappeler que si Half Life 2 est de mes jeux préférés, je n'avais pas une grande admiration pour son prédécesseur pour autant, les deux jeux ayant finalement une proposition très différente en matière d'immersion et d'univers.
Je ne devais pas être le seul fan à avoir ce sentiment car au delà d'être un remake du Half Life originel, il y a bel et bien de l'âme d'Half Life 2 dans cette relecture du mythe fondateur de Valve qui parvient notamment à atténuer différents écueils que je pouvais adresser au jeu originel :
-La narration, révolutionnaire à l'époque mais trop minimaliste aujourd'hui, a été largement enrichie pour accroître l'immersion du joueur. Un effort notable a été porté sur les différents PNJ, autres survivants malchanceux de Black Mesa, qui ne sont plus seulement les compagnons impersonnels nous invitant pour la vingtième fois à aller prendre une bière mais donnent au moins l'illusion d'être aussi désemparés que nous face à l'horrible situation qui échappe à tout contrôle.
-Le Level Design est beaucoup plus intuitif que dans l’œuvre initiale, offrant ainsi une progression bien plus fluide que par le passé malgré la redondance toujours aussi prononcée des décors du complexe géant.
-Des efforts notables ont été effectués pour apporter davantage de diversité à l'ensemble, les développeurs témoignant d'une véritable créativité digne des œuvres de Valve dans la manière d'utiliser intelligemment tous leurs outils interactifs pour offrir des situations variées.
Au delà ces ajouts forts appréciables, le Mod initial restait d'une grande fidélité à l’œuvre originelle, témoignant donc toujours des mêmes défauts quelques peu rébarbatifs, à savoir principalement une emphase sur les séquences de plate formes parfois laborieuse et une impression de répétitivité assez palpable étant donné l'absence de progression notable durant l'aventure et la similitude entre les différents environnements traversés.
Et puis Xen est arrivé, légitimant ainsi le basculement de ce Mod initialement gratuit à un jeu payant à proprement parler.
Et ce n'est alors plus de relecture dont il est question mais bien de réinterprétation puisque Black Mesa se paye le luxe de transfigurer la dernière partie du Half Life originel, réputée pour être la plus bâclée, pour en faire un tel monument d'adrénaline et de découverte qu'on en vient à regretter que l'intégralité du jeu n'ait pas bénéficié du même traitement.
S'il serait possible de trouver à redire sur la réinterprétation de la direction artistique qui lorgne un peu trop du côté d'Avatar quitte à être en décalage avec la dureté aride de cet univers, il est difficile de faire la fine bouche en revanche sur le nouveau Level Design qui rivalise d'ingéniosité pour offrir des situations aussi stressantes que variées, rappelant constamment au joueur que s'il s'imagine être à l'abri du danger, il est bien en bas de la chaîne alimentaire dans ce monde inconnu.
Mais le plus grand exploit de cette nouvelle Xen, et le meilleur témoignage de l'influence d'Half Life 2 dans cette réinterprétation, consiste dans le véritable sentiment de progression que cette nouvelle épopée parvient à véhiculer auprès du joueur, donnant non seulement le sentiment d'un acheminement épique vers l'objectif final que le jeu initial était incapable de faire ressentir mais offrant également une découverte progressive de l'univers dépeint, avec une emphase plus que bienvenue sur la narration par le gameplay.
Xen n'est plus simplement ce dernier niveau un peu bizarre d'Half Life, l'excentricité inattendue des développeurs d'un FPS, mais bien un monde cohérent dont le joueur comprendra progressivement les ramifications et cela sans avoir besoin de lui exposer la situation par des dialogues à rallonge ou des cinématiques intrusives, tout passera par la narration environnementale, les actions du joueur, le comportement des PNJ, autrement dit tout passera par le gameplay.
Et tout cela alors que Black Mesa ne renie pas pour autant tout l'héritage de FPS brutal d'Half Life, bien moins porté sur la narration et l'univers que sa suite, en offrant des séquences guerrières dont l'adrénaline semble évoquer le Doom de 2016, mais même ces scènes d'action sont parfois le théâtre d'une forme de narration.
Alors oui, Black Mesa peut sembler vieillot. Parce que le moteur Source a fait son temps. Parce qu'il porte les stigmates d'un jeu qui n'a pas résisté à l'épreuve du temps et dont un remake était justement nécessaire pour assurer la pérennité de son héritage. Mais c'est aussi l'incarnation d'une passion inébranlable, le catalyseur d'un scénario improbable où le travail des fans atteint la reconnaissance de leurs idoles, la fan-fiction interactive qui devient meilleure que son modèle originel.
Et en cela, Black Mesa aura toujours une âme qui lui est propre. Ce mélange contrasté d'amateurisme maladroit et de finition implacable, le Game Design vieillissant auquel il rend hommage et la modernité qu'il tente de lui insuffler. Un jeu en somme qui ne laisse pas indifférent.
Et c'est bien là qu'est la marque des véritables Half Life.