J’ai deux jeux dans ma ludothèque PS4. C’est un peu pauvre. Deux jeux traditionnels du moins, des grandes aventures épiques qui viennent dans des petites boîtes bleues. Du coup, parfois j’y joue, souvent je fais autre chose : j’utilise ma PS4 pour Netflix (sans le chill) et je perds mon temps à voir de séries que je ne veux pas vraiment voir (j’ai revu Millenium il y a pas longtemps).
Tout ça pour dire que je me sens un peu revenu en enfance, quand tu n’as qu’un jeu que t’explores de fond en comble parce que t’as pas trop le choix, mais de toute façon à tes yeux c’est le meilleur jeu de tous les temps. J’ai donc beaucoup joué à Bloodborne, même en l’ayant trouvé un peu décevant, faute d’avoir quelque chose de plus intéressant à me mettre sous la dent. Je l’ai fini une fois, deux fois, trois fois, j’ai parcouru les Donjons et j’ai finalement obtenu le trophée platine si convoité.


La première fois que j’ai parcouru cet univers j’étais désenchanté, voir insatisfait, par un bon jeu qui n’atteint pas le génie de Dark Souls. Déstabilisé par l’agressivité poussive des combats, je n’y voyais qu’une frénésie brouillonne. L’univers paraissait moins cohérent, moins fouillé, plus tiré par les cheveux. Surtout je ne retrouvais pas cette fantastique osmose entre jeu et narration, entre mécaniques et univers, entre systèmes et thèmes.


Ce que j’ai aussi remarqué, c’est qu’après l’avoir fini, plus je jouais à Bloodborne, plus je l’appréciais.


Peut-être les attentes avaient besoin d’être modérées : être déçu pour enfin prendre l’objet pour ce qu’il est et non pas pour ce qu’on projette sur lui. Ce n’est qu’une fois que je connaissais Yharnam par cœur que je me suis mis à sentir l’aura de cette ville hantée, me sentant confortable à m’arrêter sur mon trajet pour contempler la Lune. Ce n’est qu’en les affrontant une deuxième fois que j’ai pu voir la poésie émanant de rencontres comme celles avec Gascoigne ou Logarius ; et ce n’est qu’en était pleinement familier avec les mécanismes du jeu, ce n’est qu’en étant vraiment dans la peau de mon chasseur, que j’ai pu voir la beauté des combats tels des danses macabres.
Si ma première visite à Yharnam m’avait laissé un goût amer dans la bouche, en y passant plus de temps je me suis retrouvé à vouloir y revenir, presque comme une obsession.


Et c’est là, je crois, que se trouve la différence fondamentale avec la série des Souls. Bloodborne reprend bien les codes de son illustre aîné. S’il en développe un aspect, c’est cette recherche de la perfection dans le jeu. Dark Souls nous exigeait d’être bon pour créer l’épique, pour le mériter. Dans Bloodborne, il faut être parfait. Etait-ce le jeu qui était décevant ou était-ce ma manière de le juger qui était erronée ? Je crois que le problème est que j’y jouais comme un Souls. Bloodborne n’est pas un Souls. Je le comprends enfin. Et pourtant le jeu ne se veut-il pas punitif ? Un jeu dont on ne profite que lorsqu’il est joué à la perfection, quand il devient facile, mais qui oblige à mourir et recommencer ? C’est comme s’il était presque paradoxal, il nous pousse à l’hystérie, à la frénésie mais nous punit dès qu’on se laisse aller. Finalement, tout fini par s’emboîter, du moins dans mon esprit (touché par la lucidité des Great Ones ?). Ce n’est qu’au deuxième ou troisième run que Bloodborne s’est emparé de moi car c’est quand le jeu devient facile, quand on le connait par cœur qu’on le maîtrise enfin. Je suis plus investi que jamais parce que je me retrouve finalement dans le rôle de mon chasseur. L’endurance et la souffrance qui nous ont amené jusqu’ici maintiennent les enjeux : c’est en esquivant avec facilité un coup qu’on se rappelle combien de fois il nous a touché, et l’agilité dont on fait part ne fait que nous impressionner d’avantage. Mon erreur était d’avancer dans cet univers comme je l’aurais fait à Lordran ou Boletaria, à tâtons, sur la défensive, écrasé par ce monde où la perte de sens occupe une place centrale, mais inspiré par ce sentiment d’aventure et de découverte.


Je ne sais pas si l’erreur était vraiment d’avancer d’une telle manière ou plutôt de juger le jeu sous cette lumière. Bloodborne est un jeu qui nous supplie de le maîtriser, et c’est sous cette lumière que tout son univers prend sens. L’osmose retrouvée, on peut enfin comprendre comment le joueur, et non seulement son avatar, sont impliqués dans ces histoires de bêtes intérieures qui se déchaînent, d’érudits qui cherchent la perfection à en devenir fous. Le sang qui boue, les obsessions qui revienent, la ville qui m’hypnotise…


We are all born of the blood. Made men by the blood. Undone by the blood.

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le 17 mars 2016

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Vagabond

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