Bravely Default
7.2
Bravely Default

Jeu de Square Enix, Silicon Studio et Nintendo (2012Nintendo 3DS)

« Aucun idéal ne peut être atteint en suivant la seule voie de la vertu »

Les JRPG c’est peut-être ce qu’il y a de plus surfait en matière de « c’était mieux avant ! » Si beaucoup de JRPG de la septième génération continuent d’essayer de moderniser les vieilles formules au point de les dénaturer selon certains, il y en a qui préfèrent reprendre les anciennes fidèlement pour conquérir leur public. C’est le cas de Silicon Studios avec ce Bravely Default, eux qui ne s’étaient alors illustrés qu’avec 3D Dot Game Heroes. Square Enix prend à mon sens une bonne décision, étant souvent à l’origine des JRPG AAA les plus controversés de ces dernières années, en éditant ce jeu qui sera vu par beaucoup comme le retour du JRPG d’excellence à l’ancienne qu’on attendait plus. La critique étant longue, moins que le jeu mais tout de même, je vous propose l’écoute du très relaxant thème The Immortal Country pendant la lecture.



GAMEPLAY / CONTENU : 8 / 10



Le système de combat au tour par tour est classique mais enrichi très efficacement par le système de Bravely et de Default. C’est une mécanique que je trouve très intelligente qui permet d’économiser un tour à jouer en se mettant en mode défense et d’utiliser des tours par avance pour lancer plusieurs actions normales ou alors une spéciale très puissante. Ça offre à la fois un aspect technique supplémentaire dans le combat et une option ergonomique pour ne pas perdre de temps sur les affrontements les plus élémentaires. Sur ce dernier point, le mode auto qui répète les derniers ordres données combiné à la vitesse accélérée rendent le jeu assez agréable en atténuant les phases de farming.


Les ennemis et les boss qui ne sont pas matérialisés sur la map avant de les combattre, c’est un défaut qui n’en est pas un car ça se justifie d’autant plus que l’on peut augmenter et diminuer la fréquence d'apparition des ennemis, possibilité absente de la version originale japonaise, pour une ergonomie là encore très appréciable. Par conséquent, s’il l’on veut farmer certains ennemis ça se fait très rapidement et si on reparcourt une zone déjà visitée on peut le faire sans être sans arrêt importuné par des combats dont on se fiche. Peut-être qu’il n’était pas nécessaire de pouvoir réduire la fréquence d’apparition à 0 dans les donjons par exemple, mais comme c’est laissé à notre bon vouloir ce n’est pas problématique.


L’une des plus grandes forces du gameplay c’est que les 4 personnages ont chacun un même style de jeu basique parfaitement personnalisable avec un système de jobs d’une grande richesse dans les possibilités de jeu. La classe à choisir en toute liberté a un réel impact sur la façon de jouer et le plus beau c’est qu’il y a possibilité de combiner différentes classes, parmi les très nombreuses à débloquer, sur différents aspects ce qui enrichit encore davantage cette multiplicité de façons de jouer. L’équilibrage avec les points d’expérience fait que l’on peut très vite améliorer une classe dans ses débuts pour bien comprendre ses forces et faiblesses, c’est juste comme il faut.


Si la durée de vie du jeu est énorme, autour des 80 heures pour les plus motivés, ce sont les 50 premières heures + les 5 dernières je dirais qui sont réelles, le reste c’est du farming et du recyclage dans une seconde partie d’aventure, facultative mais recommandée, très laborieuse puisqu’on doit refaire la même chose encore et encore en plus difficile avec très peu de variations. Si ça fait sens au niveau du scénario, pour le gameplay c’est très lourd et c’est bien dommage, plus de donjons et de boss répartis sur l’ensemble de l’aventure aurait été préférable à mon sens. Heureusement, l’essentiel de l’histoire peut se passer de cette phase, mais c’est frustrant qu’il faille autant jouer de façon répétitive pour finir par avoir toutes les infos pour bien tout comprendre, à titre personnel j’ai arrêté à 60 heures de jeu quand j’ai vu tout ce qu’il fallait encore que je fasse pour débloquer la « vraie fin, » un parti pris dans la durée de vie qui ne me va pas tout à fait même si je peux le comprendre.


Autre défaut, cette fois-ci plus mineur et encore plus personnel : les fonctions en ligne. Je suis un peu déçu qu’elles soient autant présentes et qu’elles viennent se substituer à des éléments que j’aurais préféré liés au solo. Le village que l’on développe au fur et à mesure de l’aventure est le bon exemple : j’aurais préféré qu’il évolue selon nos actions dans l’aventure plutôt qu’en se connectant en ligne pour y glaner des ouvriers. On devrait faire des quêtes annexes par exemple qui nous débloque des personnages scénarisés supplémentaires qui se retrouveraient dans le village et ce dernier s’agrandiraient selon notre avancée dans le chapitrage de la trame, je trouve que ça impliquerait plus et mieux le joueur, mais c’est personnel. En dehors de ça, le système de jeu est très bien pensé et très riche, alliant le classicisme à la modernité très pertinemment, c’est ce qui compte et ce que je retiendrai.



RÉALISATION / ESTHÉTISME : 7 / 10



Évidemment, la 3DS est une chouette console mais qui a ses limites techniques et considérant celles-ci, Bravely Default s’en tire assez bien sur ce plan technique. Le niveau de détail des graphismes est tout à fait correct, sans être époustouflant, le jeu ne devient magnifique que dans les villes, les donjons… avec le dézoom qui se fait automatiquement quand on est immobile, qui offre souvent une bien jolie vue sur l’environnement. C’est un style graphique assez particulier, aux allures peintes ou dessinées à certains moments qui a le mérite de conférer une identité visuelle particulière à l’ensemble, ce qui est toujours bon à prendre.


Je sais que beaucoup dise le titre magnifique visuellement, à titre personnel ce n’est pas mon cas, je le trouve joli et ça s’arrête là mais c’est déjà une bonne chose et c’est pas la seule. Il était très ambitieux et original de lancer le jeu avec une cinématique en Réalité Augmentée qui a tous les défauts possibles de ce genre de technologie mais c’est assez amusant et ça permet une entrée en matière qui marquera forcément tellement tu ne t’y attends pas. Pour le reste, les cinématiques se font rares et à la mise en scène très sobre, on n’est plus trop habitué à ça en 2012 mais ça n’empêche en rien certaines scènes d’être très fortes en émotions.


C’est juste dommage que tant de cinématiques superbement foutues aient été réalisées à des fins purement commerciales, la patte de Square Enix. Mais cette patte-là elle s’accompagne souvent de certains avantages comme une OST grandiose et c’est le cas ici. Si le compositeur fait partie d’un groupe de musique qui n’est pas habitué à travailler sur les jeux vidéo, Revo a fait un excellent travail en la matière. Il y a juste une réutilisation un peu trop excessive de certains thèmes mais c’est à lier au recyclage de situations de jeu précisé plus tôt. Pour en finir avec l’audio, le jeu propose à la fois les doublages anglais et japonais, ces derniers étant de très bonne qualité comme souvent même si beaucoup de dialogues ne sont malheureusement pas doublés.


Si tout ça est très positif, il y a des éléments qui seraient un peu plus en dents de scie en ce qui me concerne. Le chara-design des personnages comme des créatures, par Akihido Yoshida qui avait travaillé sur Final Fantasy XII, peut être très inspiré comme assez générique, c’est très inégal mais jamais mauvais on est bien d’accord. Il y a aussi un certain décalage assez prononcé entre les artworks plutôt détaillés et matures et les modèles 3D plutôt lisse et Shibi, un décalage qu’on avait quasi-systématiquement dans les jeux d’antan mais aujourd’hui je trouve que ça donne un rendu assez étrange, il y avait peut-être mieux à faire pour homogénéiser le tout.


Un détail qui m’agace un peu pour pinailler c’est que les tenues, nécessairement liées aux classes et non à l’équipement pour la majeure partie de l’aventure, mélangent le sérieux stylé et le n’importe quoi rigolo de sorte que tu te retrouve par moment avec des scènes dramatiques en tenue grotesque que tu es obligé de porter pour être efficace au combat précédant, ce n’est pas un choix très pertinent à mon sens. J’ai donc pas mal de petites réserves personnelles et de petits griefs à porter ici et là mais il y a de belles forces techniques et esthétiques à faire valoir.



SCENARIO / NARRATION : 7 / 10



Alors, si Bravely Default est une suite d’un spin-off méconnu de Final Fantasy sur DS nommé The 4 Heroes of Light, je vais l’aborder ici comme une nouvelle saga, ce qu’il recherche lui-même dans son titre finalement qui gomme toute notion à la fameuse licence. Le scénario, écrit par Naotaka Hayashi salué quasi-unanimement pour son travail sur Steins;Gate, est porté par les 4 personnages jouables qui sont donc une représentation de ces 4 héros de lumière. Tiz et Agnès donnent tout de suite le ton des héros très classiques qui se distinguent d’abord et avant tout par leur grandeur d’âme et leur innocence, ce qui évolue assez peu si ce n’est qu’ils prennent de plus en plus confiance en eux-mêmes et entre eux, pas terrible à mon sens.


Un peu plus intéressant, Ringabel reprend le cliché de l’amnésique pour amener des révélations cruciales à l’intrigue à un moment donné, un peu lourd en répétant un peu toujours les mêmes effets comiques en revanche. Beaucoup plus intéressante mais seul personnage jouable à m’avoir parfaitement convaincu : Edéa la guerrière blonde censée être ennemie qui se retourne contre son camp dès notre rencontre par ses principes moraux, mais qui ne s’appelle pas Célès curieusement. Parce qu’elle fait écho à mon personnage préféré de Final Fantasy VI ou pour ce qu’elle est dans ce jeu, forte, courageuse... je ne saurais pas vraiment le dire, à mon avis c’est le mélange des deux qui fait que je l’apprécie autant.


Les apparences manichéennes sont grandes mais quelques petits passages viennent alerter à ce sujet, « il n’existe aucune certitude dans cette vie, le bien et le mal ont un sens différent pour chacun d’entre nous et il en va de même du vrai et du faux. » Tout comme la citation en titre, c’est un dialogue avec Edéa qui amène ce genre de réflexion qui est ce que j’ai le plus apprécié dans l’écriture. S’il faut pousser la réflexion sur sa trame principale :


L’inversion de la quête des 4 héros de lumière qui sont en fait manipulés pour servir un mal absolu qui se sert de l’obéissance aveugle de nos protagonistes disciplinés : c’est une excellente idée ! Ça permet de troller tous ces jeux où l’on incarne des héros qui ne s’interrogent pas vraiment sur le pourquoi de leur quête si ce n’est qu’ils sont gentils et qu’ils combattent les méchants parce que les apparences pourraient le laisser croire. Après dans l’exécution il y a des facilités scénaristiques un peu grossières : le jeu fait exprès de nous faire affronter beaucoup de personnages excessivement antipathiques pour nous aveugler, de retarder ad nauseum la révélation qui aurait pu arriver beaucoup plus tôt si les personnages s’étaient un peu plus parlé...


La trame principale est également un prétexte à un schéma narratif très convenu dans ce genre de jeu : nous faire passer de ville en ville associée systématiquement à un problème spécifique à résoudre et une morale sans subtilité qui en découle : ça dénonce tout d’abord la cupidité à tout prix, puis le narcissisme à l’excès, ensuite le militarisme conquérant cruel… Les messages étant plutôt intelligents c’est sympa, peut-être un peu trop simpliste pour y parvenir mais c’est pas très grave. Par contre, il y a quelque-chose que j’ai vraiment beaucoup apprécié avec cette narration : les quêtes annexes introduites dans la quête principale.


Il est essentiel de faire les quêtes annexes pour bien comprendre tout ce que le scénario a à offrir et pour terminer des arcs narratifs introduits dans l’aventure incontournable, un procédé très efficace auquel il manque l’impact de faire ou non ces quêtes sur la trame principale en elle-même mais c’est tout de même très bien comme ça. En revanche, un gros problème de rythme se pose : pendant très longtemps c’est le même rythme certes très prévisible mais bien calibré, puis le jeu gère très mal l’arrivée de sa fin qui met des plombes à venir et qui occupe assez lourdement en attendant. C’est dommage de finir sur une note aussi maladroite, la fin en elle-même n’est pas mal du tout mais on l’attend tellement qu’elle a manqué d’impact en ce qui me concerne.



CONCLUSION : 7 / 10



Bravely Default est bien un JRPG à l’ancienne dans l’âme et assez moderne dans ses mécaniques avec une grande richesse dans le gameplay, une très bonne idée centrale pour le scénario, une excellente OST… mais les dernières dizaines d’heures excessivement laborieuses, trop de personnages jouables génériques dans la forme comme dans le fonds, des facilités scénaristiques un peu grossières pour que l’histoire fonctionne et s’étire… en font un JRPG que j’ai trouvé dans l’ensemble sympathique mais pas un incontournable du genre ou de la console.

damon8671
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le 9 mars 2018

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