Projet financé via Kickstarter, ce Broken Age annonçait le retour au point’n’click de l’un des pontes du genre, Tim Schafer, qui n’avait pas retouché à ça depuis Grim Fandango et la fin de l’ère LucasArts. Avec un objectif initial de 400 000$, le financement a rapidement atteint les 3,45 m$, en faisant à ce jour l’un des projets (tous types confondus) les plus hautement supportés par un financement public sur la plateforme. C’est dire si le produit était attendu au tournant !
Commençons par l’évidence, le jeu est magnifique. La patte graphique nous donne un alterné peint/crayonné main du plus bel effet, accompagné d’une animation fluide et de couleurs vivantes. Un véritable plaisir à regarder tant le tout flatte la rétine et se distingue de ce qui a pu être fait par le passé. La maestria est indéniable. Ajoutez à cela des doubleurs convainquants et aguerris (notamment Elijah Wood et Jack Black) et on a une direction artistique aux petits oignons.
L’univers ainsi dépeint est enfantin et mignon, mais reste assez superficiellement traité. Et le problème est bien là. Car qui dit Tim Schafer dit Grim Fandango, Full Throttle, Brütal Legend, et dans une moindre mesure Monkey Island. C’est-à-dire un humour qui fait mouche, et dont les sous-entendus sont clairement destinés à un public (jeune) adulte. Ici tout est gentillet, et même si l’humour est bien présent, il est toujours assez aseptisé, malgré la loufoquerie des personnages et situations. Le jeu semble cibler les plus petits, alors qu’il fait partie d’un genre quasiment inexistant depuis le milieu des années 90. C’est un choix pour le moins étrange auquel nous faisons face, et qui à mes yeux nuit plus au projet qu’autre chose.
En ce qui concerne les énigmes on est bien dans un héritage LucasArts, où logique et incongruité se marient. Lorsque l’on comprend ce que l’on fait et ce qui est attendu de nous le jeu est très agréable à jouer et on avance à son petit rythme. La gestion de l’inventaire est classique, et on se retrouve régulièrement à tester les différentes combinaisons possibles lorsque l’on se retrouve bloqué, jusqu’à ce que ça passe. Jusque-là rien d’anormal. Le gros point noir du jeu sont ces puzzles mal pensés qui vous feront vous arracher les cheveux (si tant est que vous en ayez). On pensera à une sombre histoire de nœuds ou un enchevêtrement de fils de fer. Ce genre de puzzles où l’on tâtonne au hasard, et où tout manquement vous demandera cinq minutes de backtracking pour pouvoir recommencer. Une plaie. J’avoue avoir sorti une soluce afin de finir ma partie tant la frustration commençait à monter en moi.
L’histoire quant à elle, bien que classique, nous réserve quelques retournements surprenants et se suit agréablement. On regrettera tout de même une fin abrupte tombant comme un cheveu sur la soupe, malgré qu’elle soit tout de même placée à un moment où l’on commence à la désirer du fait des frustrations rencontrées lors des énigmes.
Broken Age est un produit imparfait : une perle de direction artistique couplée à un univers trop enfantin et des énigmes tordues que n’aurait pas osé Day of the Tentacle. Bien qu’ayant un fort capital sympathie pour ce jeu, ainsi que tous ceux de Double Fine, je ne peux décemment le conseiller qu’à tout mordu de point’n’click ou aux enfants précoces.