Introduction
Parler level design, ce n'est pas vraiment mon dada. J'ai déjà écrit deux articles sur la fonction des level design qui ont plutôt plu, alors je décide de pousser d'un cran avec les Open World qui sont très à la mode. On va donc traiter Burnout Paradise en premier, car c'est un cas d'école majeur sur cette thématique. C'est simple: il a scindé les fans, alors que ça reste fondamentalement Burnout. Serait-ce le level design le fautif ?
Burnout Paradise (2008)
Criterion (le développeur de la série depuis qu'elle existe) décide de compiler tout ce qu'il a accompli dans sa saga en un seul titre avec Burnout Paradise. La licence, dorénavant éditée par EA depuis Burnout 3, profite de cette occasion pour changer son level design linéaire en open world. Ce choix est-il la résultante d'une volonté de donner un sens global à ce projet ou celle d'un cahier des charges de l'éditeur ? Est-ce un open world "random" (wolfenstein 3D) ou un open world "pensé" (Doom II) ? C'est la genèse de cet article qui traitera de la question suivante en guise de préambule à l'analyse de Paradise.
"Qu'est-ce que Burnout avant son changement de level design ?"
Burnout sous Acclaim (2001-2002)
Le premier Burnout est un jeu de voiture rigolo dit "arcade" (opposé à simulation), avec des voitures irréalistes, que ce soit dans leurs contrôles ou leurs visuels (jeu vidéo mon ami). Pas de quoi casser trois pattes à un canard, mais pas de quoi avoir honte non plus. Leur univers est déjà marqué, non pas par des marques de l'industrie automobile, mais par son caractère fun et décomplexé (des mécaniques aux visuels) posant un concept. Je passe directement à Burnout 2 pour l'exposer. Cette suite n'est qu'une upgrade, mais une masterpiece de très haute qualité (Doom II syndorme!).
Exposition de la métagame de Burnout 2: Point of Impact.
Plus on prend de risques ( contre-sens < frôler les voitures < dérapages au frein à main < saut spectaculaire), plus on remplit une jauge de boost. Quand celle-ci est pleine, on peut la cramer partiellement ou en totalité. Si on l'utilise en totalité d'une traite (Burnout!), tout en prenant des risques pendant la consommation de celle-ci, on regagne du boost nous permettant d'enchainer les "Burnout" (vous venez de comprendre le titre du jeu!). Apprendre le circuit est donc nécessaire afin de prendre des risques calculés pour obtenir la jauge de boost nécessaire pour doubler les autres pilotes.
Les IA sont effectivement codées pour vous barrer la route. Elles n'hésitent pas à se suicider juste pour vous empêchez de gagner (ce n'est pas un jeu de simulation!). Le jeu vous dit clairement, ne cherchez ni justice, ni réalisme dans Burnout (visuel, contrôles, IA), cherchez à faire le circuit parfait, et vous gagnerez. Essayez autre chose, et vous ne finirez pas les dernières courses, même avec la voiture la plus performante à disposition.
Burnout 2 : Point of Impact, c'est des contrôles très simples (faire un drift à 90° ne demande qu'une connaissance intellectuelle, et non manuelle: savoir quand appuyer sur droite + frein à main) mais c'est une sensation de vitesse et d'adrénaline (contre sens, saut, drift) incomparables sur la PS2 à cette époque.
Burnout sous Electronics Arts (2004+)
Pour nombre de gens, Burnout 3 Takedown représente l'apogée de la série. A mes yeux, c'est le début de son déclin par un choix de game design. Un choix cohérent pour un jeu extrêmement fun et solide, mais qui impacte profondément la nature du héros (les mécaniques participent à la définition de la psychologie d'un héros de jeu vidéo, c'est la différence avec le cinéma).
Burnout 3, c'est le même univers iconique que ses prédécesseurs mais beaucoup mieux produit (EA a des sous?). Un titre encore plus joli, avec une excellente bande son (un cran au dessus du 2 qui était déjà bonne), et une nouvelle emphase. Crasher un adversaire (Takedown) donnera dorénavant du boost, et une bonne tonne de boost comparé à toutes les autres options de jeu. Quel intérêt de passer 20 ans à prendre des risques quand crasher un ennemi nous est bien plus profitable ?
Faire un circuit parfait n'est plus le coeur du jeu. Le coeur du jeu, c'est d'apprendre à crasher nos adversaires. Et ceci sera hypertrophié dans Revenge (2005) et Dominator (2007). Deux titres qui font plus ou moins l'unanimité sur leurs qualités déclinantes. Deux opus jouant la surenchère vis-à-vis de Takedown et Point of Impact, sans raison profonde. Un peu comme ces beat them all, qui nous montre du sang juste pour le plaisir de la chose, cachant la vacuité de leur discours ludique. Burnout 3 Takedown incite au Takedown plus qu'au Burnout, contrairement à Point of Impact.
Bilan: Pour tout un tas de fans, Burnout 3 réussi l'équilibre parfait entre violence et stratégie. Pour quelques autres rares -dont votre petit bonhomme en mousse que je suis-, Takedown a déjà changé de mythologie. Quand je joue à Burnout 2, j'ai l'impression d'être Paul Walker dans 2 Fast 2 Furious (conduite risquée pour scorer : gagner du boost), quand je joue à Burnout 3, j'ai l'impression d'être Machine Gun Joe Viterbo dans Death Race 2000 (tue tes adversaires pour scorer: gagner du boost).
Le level design des deux jeux est similaire, mais l'altération subtile de l'économie du titre vient changer profondément la nature du héros (du joueur). Ce qui me fait un peu peur, c'est qu'on soit peu à le ressentir, ce qui ferait du jeu vidéo un objet culturel plus dangereux à manier/consommer que la plupart des autres médias...
Conclusion
Est-ce que le fait qu'Electronics Arts soit le nouvel éditeur a un rapport avec le changement de discours ludique ? J'en sais rien, et je m'en fiche pas mal à vrai dire. Ce que je sais, c'est que Burnout part dans une direction "bizarre" dès Takedown (et c'est un fait que nous venons d'établir, peu importe la qualité du titre). Ce que je sais c'est que Burnout Paradise est le titre qui cherche à réconcilier le discours du Burnout d'avant Electronics Arts avec celui d'après. Ce que je sais, c'est que Burnout Paradise a divisé les fans, contrairement à Takedown.
A bientôt pour l'article de fond sur ce dernier.