Nul n'aurait pu deviner que la petite série lancée en réponse à Medal of Honor finirait par avoir l'importance qu'elle connait aujourd'hui. Oh, c'est certain, c'est une importance factice fabriquée autour d'une campagne publicitaire annuelle qui ne prend que sur les plus crédules d'entre-nous. Mais l'exercice a porté ses fruits : l'offensive Call of Duty a bel et bien installé la série - mais pour combien de temps? - au calendrier des sorties annuelles presque toujours similaires dont tout joueur sérieux est lassé depuis des années mais qu'il se doit de goûter pour rester dans le coup. L'idée, je crois, consiste à vérifier le niveau d'intellect du joueur moyen. (Vous savez, celui qui déjà à l'école faisait baisser la moyenne.) Or, cette année, ils ont fait fort.
Il est presque totalement inutile de résumer le scénario du jeu afin de comprendre ce dont il est question. Non, c'est un exercice futile. Mais je peux vous donner une bonne idée de ce dont il est question : Lex Luthor - nouveau président de l'OCP - est bien décidé à faire régner sur Terre la paix pour laquelle son fils est mort sous les drapeaux. Ah, et vous jouez un protagoniste doublé par Troy Baker dans un futur où il n'est pas Joel de The Last of Us. Comme d'habitude, c'est un FPS - cette fois-ci simili-futuriste - où vous pouvez tirer sur des trucs. C'est l'idée de base. Vous avez des gadgets avec des LEDs dessus et un bras en plastique car vous êtes en fait un estropié de la guerre bien décidé à faire la guerre aux Horreurs de la Guerre car, après tout, vous n'êtes jamais que militaire. Et un militaire; ça fait la guerre. Demandez à Rambo voir si il est d'équerre.
J'ai toujours trouvé cette série plutôt soporifique et assez nauséabonde. Autant l'admettre. Sa philosophie digne d'un Tom Clancy paranoïaque n'a jamais réellement réussi à me faire oublier les conflits bien réels - ou indéniablement potentiels - qui sous-tendent son action arcade. Mais, dans ce cas-ci, deux personnes d'intelligence supérieure ont été ajoutées au conflit pour le rendre plus aisé à avaler. Aux commandes de la série le joueur aguerri retrouve Glen Schofield et Michael Condrey - autrefois architectes d'E.A. Redwood Shores la compagnie responsable du premier Dead Space. Ils ont visiblement suggéré de placer l'action de ce titre dans un futur proche susceptible de désamorcer l'aspect politique-fiction de l'ensemble. La technologie fantaisiste rendue possible par ce petit re-cadrage temporel leur permet d'essayer divers artifices qui sans être révolutionnaires tendent à donner plus de personnalité à ce titre. Ce qui est toujours appréciable à une époque où le "jeu de guerre vaguement futuriste ou pas" est devenu le canon majeur responsable de la survie de ce pan de l'industrie vidéoludique.
En osant raconter une histoire stupide de manière intelligente tout en épousant de manière efficace la technologie moderne cet Advanced Warfare aura au moins mérité son nom. Ce n'est jamais qu'une évolution temporairement agréable d'une série éculée mais elle dispose d'un élément dont la plupart des autres titres de la série étaient dépourvus : une vague et intangible sensation de fun. Tirer sur des ennemis à travers un mur en plâtre pourri après les avoir identifiés à l'aide d'une grenade magique; c'est fun. Regarder Kevin Spacey soliloquer à pleine puissance par l'entremise d'une poupée sans vie dotée de son visage; c'est fun. (L'imaginer livrer ces lignes d'une qualité ridicule avec sérieux tout en étant engoncé dans une combinaison de plongée et en portant un nombre incalculable de Swarovskis destinés à la mocap faciale est bien entendu encore plus fun.) Jouer à un titre décomplexé dont la technique répond à la perfection? C'est fun. Et très stupide. Comme un blockbuster hollywoodien bien réalisé; en somme. Ce n'est pas un jeu prétendument profond sur la dépression où un titre indé où des donuts dodelinent en dinant près de la Digue du Dodo; mais c'est un jeu vidéo efficace, bien réalisé, auquel l'on se surprend à prendre plaisir pendant quelques heures. Ce qui, en soi, n'est pas si mal.