Call of Duty Ghosts, le jeu fantôme
Modern Warfare 3, annoncé comme un savant mélange des deux (excellents) premiers épisodes de la saga, avait cristallisé l’attente de nombreux joueurs déçus par le Black Ops de Treyarch. Mais l'équipe d'Infinity Ward, dépouillée de ses meilleurs éléments (partis à cause d'un contentieux avec Activision), avait livré un résultat fade et bâclé; la déception des fans n’en fut que plus grande. Autant dire que le retour aux manettes (de ce qu'il reste) du studio ne laissait rien présager de bon.
Surtout que, pendant toute la période qui précède le lancement de Ghosts - synonyme de teasing intensif -, s’installe un air de déjà-vu. Activision multiplie les annonces en grande-pompe, mais contrairement à la dernière fois, où a peu près tout le monde s’était fait berner, on sent bien que quelque chose cloche. Les promesses faites par l’éditeur, serveurs dédiés et nouveau moteur graphique en tête, ont du mal à estomper la méfiance des fans.
Comme un symbole, quelques semaines avant la sortie du jeu, les langues se délient. Le tout nouveau moteur graphique devient "une nouvelle version largement améliorée du moteur actuel" et ce qui est présenté comme des grandes nouveautés - la possibilité d'incarner un chien en solo, un personnage féminin en multi - paraît dérisoire. Même les plus influençables ne sont pas dupes et l'engouement habituel qui précède la sortie de chaque Call of Duty ne naîtra jamais.
Le jeu est finalement arrivé, et tel que l’on le craignait. Graphiquement toujours aussi laid sur les consoles "old-gen", il se paie même le luxe d’être déjà dépassé sur PS4 et ONE. L’IA est comme à son habitude apathique et les progrès effectués sur Black Ops 2 en terme de liberté d’action n’ont, à mon plus grand regret, pas été pris en compte dans la conception de Ghosts. Heureusement, le rythme soutenu de la campagne et quelques missions dépaysantes (dans l’espace ou sous l’eau) parviennent à faire oublier les carences techniques et scénaristiques du titre.
Côté multi, le jeu reprend les fondements de Modern Warfare 3. Entendez par là un gameplay facile d’accès - au détriment du feeling des armes -, des environnements grisâtres et un système de killstreaks absurde. Tout aussi absurde, la taille des maps (immenses, pour du Call of Duty) en comparaison du nombre de joueurs pouvant les arpenter (limité à 12). Mais Infinity Ward a fait plus incompréhensible encore en abandonnant volontairement nombre d’incontournables de la série : les modes Démolition, Capture Du Drapeau, Quartier Général et Recherche & Destruction (même si ce dernier sera réintroduit après un gros coup de gueule des aficionados). Pour compenser cette perte, les développeurs ont certes apporté de nouvelles idées, mais trop inégales pour combler le trou béant laissé par les disparitions susmentionnées. Du coup, on se retrouve vite à jongler entre quelques modes seulement. Lassant.
Vous l’aurez compris, le multijoueur de Ghosts n’est pas une grande réussite. En cherchant bien, on parvient tout de même à lui trouver des aspects positifs, comme son système de progression. Méritoire, il permet en plus d’accumuler jusqu’à soixante classes de personnalisation (contre dix dans les précédents opus). De quoi avoir la totalité de l’arsenal du jeu sous la main.
Citons aussi les problèmes de réseau, point noir historique de la saga, qui ont été quasi-entièrement gommés (et ce malgré l’absence des serveurs dédiés qui avaient été promis). Très peu de lag subsiste et il n’est que rarement pénalisant. Il en va de même pour les déconnexions intempestives, plus rares que par le passé.
C’est désormais connu, un Call of Duty moderne contient également des niveaux à parcourir en coopération. Dans le cas présent, c’est à des hordes d’aliens qu’il faudra se frotter. Pour être honnête, je m’attendais à une pâle copie du délirant mode zombies de Treyarch. S’il en reprend effectivement les mécanismes, Extinction se distingue de par ses extraterrestres tenaces, bien plus imprévisibles que leurs homologues morts-vivants. Ajoutez à cela un système d’amélioration des compétences semblable à celui proposé en multijoueur et vous obtenez un mode diablement accrocheur, même si l’on sera, à force, lassé de refaire encore et encore l’unique carte disponible dans le jeu de base.
Ghosts est donc sauvé par des extraterrestres sortis un peu de nulle part. Mais, une fois passée la belle surprise que constitue Extinction, il faut bien se tourner vers le centre névralgique du jeu, et là, le bât blesse. D’une pauvreté technique affligeante pour une série de cette envergure, le solo ne peut s’appuyer sur le savoir-faire et les (quelques) bonnes idées de ses prédécesseurs. Même constat pour un multi qui ne s’avère ni fun, ni compétitif. Autrefois nerveuses et addictives, les parties en réseau ont sérieusement perdu de leur attrait.
Et pourtant, ce déclin qualitatif n’a rien d’étonnant tant Activision, l’éditeur de la saga, semble plus proche de ses sous que ses fans depuis quelques années déjà. Sauf que cette fois, ces derniers ne s’y sont pas trompés et la sanction est tombée : une chute brusque des ventes qui, on l’espère, devrait obliger la firme à revoir sa stratégie pour Advanced Warfare. Un titre dont l’arrivée approche mine de rien à grands pas.
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