Le groupe l'avait annoncé, The Hunting Party marquerait un retour à des sonorités plus agressives. S'il faut toujours prendre avec des pincettes ces déclarations ayant pour but la promotion de l'album dont elles accompagnent la sortie, Linkin Park ne nous a, dans ce cas, pas menti.
Attention, ce n'est pas parce que les Californiens ont décidé de renouer avec la grinta ayant jadis fait leur renommée que nous avons ici droit à un véritable retour aux sources. Ne vous attendez donc pas à un Meteora-like (vous risqueriez d'être déçus), The Hunting Party est beaucoup plus proche d'un Living Things sous amphétamines.
Le changement de cap pris par le groupe, avec "heavy" pour mot d'ordre, ne peut évidemment se faire à coup de synthétiseurs. C'est donc la guitare qui en bénéficie directement. Cette dernière occupe une place prépondérante dans le processus de composition des titres en leur servant, pour la plupart, de fil conducteur.
L'exemple le plus réussi se nomme Guilty All The Same, dont l'intro se développe autour d'un riff monstrueux de Brad Delson plus d'une minute durant, avant de laisser place au chant de Chester Bennington. Un invité de marque, le rappeur Rakim, vient donner le coup de grâce en fin de morceau avec quelques vers bien sentis. Magistral. Wastelands, Until it's Gone et Final Masquerade peuvent aussi compter sur des plans de guitare inspirés et, une nouvelle fois, le reste suit comme par magie. Une osmose qui fait de ces trois titres de vrais singles en puissance.
Les autres chansons sont de bonne facture, quoique moins imprégnées de cette alchimie - celle qui faisait la force du LP d'antan - que j'ai évoquée plus haut. Il manque soit un brin de génie (celui que contient, par exemple, Guilty All The Same) soit l'efficacité « single » au reste de l’album pour qu'il excelle lui-aussi, mais les titres qui le composent ont quand même des arguments qui méritent d’être passés en revue.
Les deux premiers titres de la galette se distinguent par le retour de l'alternance des parties chantées et rappées. Un point qui ravira les adeptes. Sur Rebellion, Linkin Park sort l'artillerie lourde en faisant appel à Daron Malakian (System Of A Down) pour un résultat costaud, à défaut de génial. Quant à Mark The Graves, elle bénéficie d'un départ catchy mais s'essouffle assez rapidement. C'est tout l'inverse pour A Line In The Sand : elle l'emporte sur la durée grâce à sa progression intéressante. D'abord plombée par Shinoda, elle prend véritablement son envol grâce à un break tout en slam du même homme avant de se terminer en apothéose, clôturant de la meilleure des manières The Hunting Party.
Finalement, le seul faux pas de l'album se nomme War, un titre ouvertement punk, mais totalement raté. Comme d'habitude, c'est la guitare qui mène la danse. Problème : le riff au menu, déjà entendu mille-et-une fois, se retrouve qui plus est mal utilisé. L'arrivée de Bennington, irrité et irritant, ne fera rien pour arranger les choses. Avant de conclure, notons encore que la galette contient deux interludes instrumentaux qui sont, dans un registre différent, très réussis.
The Hunting Party est un disque de qualité qui réconciliera sans doute le groupe avec ses fans de la première heure. Cependant, les critiques très positives - en partie dues à l’engouement généré par le retour du groupe à un son plus brut - qui ont accueilli l’album ont du mal à m’ôter de la bouche un petit goût d’inachevé. Cette impression que, malgré toute sa bonne volonté, Linkin Park n’est pas redevenu la machine à tubes dévastatrice, si bien huilée, qu’il fut par le passé.
N’en boudons pas notre plaisir pour autant, Linkin Park semble sur le chemin de la rédemption et l’enthousiasme que cela a provoqué chez nombre d’entre nous n’est que légitime. Qui sait, peut-être que The Hunting Party représente la première pierre d’un nouvel édifice colossal.
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