Arrivé aux portes de la trentaine il y a un jeu que je me devais de faire, ce jeu vous l’aurez compris il s’agit de Catherine. Pourquoi ? Eh bien parce que ce jeu traite de la crise de la trentaine. Il met en scène un dénommé Vincent Brooks un peu perdu dans sa vie professionnel et dont la copine autoritaire Katherine (non ce n'est pas une faute ça s'écrit bien avec un K) lui met quelque peu la pression concernant le mariage et les enfants. Le soir même il se retrouve ainsi à boire au bar avec des amis pour oublier ses problèmes. Lorsque ses amis partent il reste un peu seul et c’est alors qu’une jeune femme très aguicheuse vient s’assoir face à lui. Le lendemain de cette soirée alcoolisée Vincent se réveille malgré lui dans les bras de la belle Catherine (avec un C cette fois ci), il n’en a aucun souvenir mais il vient visiblement de tromper sa copine. A la suite de cet événement Vincent ne cessera d’être hanté par des cauchemars dans lesquels il devra régler ses démons. Malheureusement pour lui, il découvrira bien vite que ces cauchemars n’ont rien d’illusoires, en effet, s'il meurt en rêve il meurt dans la vraie vie, de quoi ajouter encore plus de pression sur ses épaules... Serait-ce une malédiction pour le punir son infidélité ? Est-ce que sa copine est au courant de sa faute et lui a lancé ce sort ? Ou est-ce que Catherine est en réalité un succube qui se joue de lui ? Ou bien est-ce que ce mal a été envoyé par quelqu’un d’autre encore, sachant que plusieurs hommes semblent être touchées par le même phénomène ? Le doute plane. A qui accorder sa confiance, qui de la Katherine autoritaire le condamnant à une vie bien ranger ou de la Catherine frivole et dévergondée lui apportera la paix intérieure ? C’est exactement là qu’est le propos du jeu, chaque K/Catherine représentant une part de sa personnalité et une fracture dans sa vie, Catherine est l’innocence, l’insouciance et la liberté de la jeunesse tandis que Katherine représente la maturité et le conformisme sociale. Un choix par lequel on passe tous inévitablement un jour.
A priori, ma vie n’a rien de comparable à celle de Vincent Brooks. Premièrement, je ne vie pas au Japon, par conséquent, le poids de cette pression sociale normative est moindre (mais je reviendrai sur ce point). Deuxièmement, je suis actuellement célibataire (Si vous êtes mignonne envoyé moi un MP svp T-T) et concrètement je n’ai jamais vraiment eu de relation réellement sérieuse et suffisamment durable pour évoquer des engagement comme le mariage, les enfant ou l'achat d'une maison... Pour être honnête mon profil aujourd’hui se rapproche plus de l’Hikikomori que du Salary Man. Pourtant le propos me correspond car, comme je l’ai souligné, il reste assez universel (bien qu’un peu trop masculino-centré malheureusement mais j’y reviendrai aussi) car on subit tous des pression, réussir à l'école, avoir son permis, trouver un travail, subir des remarque sexiste ou raciste à longueur de journée, etc avec toute la charge mentale que ça implique. Je suis d'ailleurs déjà passer par cette crise, suivis d'une depression/burnout à 25ans (d'où mon profils d'hikikomori) je ne suis même pas sur d'en être sortie, même si j'ai repris le travail et un certain rythme de vie qui fait du bien au morale, je me sent encore étranger à ce monde, je n'ai toujours pas "trouvé ma place", je ne supporte pas cette idée de formatage sociale, je refuse d'être un code-barre dans un monde capitaliste en mode "métro-boulot-dodo", je veux vivre en homme libre, comme dirais notre cher président Macron, je suis de "ceux qui ne sont rien" (cette critique est décidément beaucoup trop personnelle ^^'). Bref, vous l' aurez compris, si à première vue le propos du jeu tourne autour de la sexualité et la fidélité, je pense qu’il va au-delà de ça, il questionne plus généralement le passage à l’âge adulte, les responsabilités et la fin de l’innocence. Sous son apparence assez psychédélique le jeu est surtout très allégorique, les cauchemars consistant à gravir une tour (9 niveaux pour les 9 cercles de l'enfer j'imagine) symbolisant son ascension vers la maturité sociale...
Je n'avais jamais fait l'original car le système de jeu ne m’attirait pas du tout malgré sa singularité. Le principe de gravir des tours de bloc en les agençant de manière à créer des escaliers tout en évitant des pièges et en respectant certaines contraintes/règles me paraissait assez chiant. J’avais également ouï dire que la difficulté du jeu était plutôt relevée ce qui ne m’avait encore moins encouragé à m’y investir, malgré mon attrait pour les puzzle games. Ce remaster ayant l'avantage de proposer des modes de difficultés plus abordable, voir même de skiper ces scènes qui en ont rebuté plus d'un à l'époque, je me suis finalement convaincu de l'acheter. Au final je ne regrette pas du tout car j'ai même fini par apprécier le gameplay qui fut moins redondant que ce à quoi je m’attendais (même s’il peine un peu à se réinventer sur la longueur) et la difficulté n’a finalement rien d’insurmontable, pour être honnête j’ai même trouvé ça plutôt simple en mode normal (je n’ai pas encore testé le mode difficile).
D’ailleurs puisqu’il est question du remaster ici, parlons des nouveautés. En plus de ces aménagements de la difficulté et de l’évidente rehausse graphique (du plus bel effet au passage, on ne croirait pas être face à un remaster tant le jeu est graphiquement dans l’air du temps), le jeu propose aussi un nouveau mode pour éviter la redite à ceux qui connaissent l’original. Mais ce n’est pas tout, la principale plus-value de ce remaster est l’ajout d’un nouveau personnage au trio amoureux qui fera virevolter le cœur de Vincent de plus belle. Ce nouveau personnage nommé Rin n’est pas là juste pour vendre le jeu, il apporte réellement quelque chose au propos et est parfaitement intégré à l’histoire qui s’en retrouve enrichie. Néanmoins, je suis resté un peu sceptique car son importance est telle qu'elle semble faire de l'ombre aux 2 autres protagonistes féminins ce qui casse surement l'ambiance que posait le jeu original. J’entends par là que là où on devrait s'interroger sur l'identité de "la sorcière" et quelle femme était la plus sincère, ici Rin se présente comme une porte de sortie facile à ce dilemme (perso je l'ai donc choisi dans ma première run ^^). Et puis, elle prend tellement d’espace dans l’intrigue que j'en suis venu à me demander parfois si les développeurs n’avaient pas supprimé certains éléments de l’histoire pour l'intégrer elle tellement le scénario semble centré sur ce personnage (néanmoins, d’après mes sources il semblerait que ce ne soit pas le cas je vous rassure). De plus, j’ai relevé quelques points assez dérangeants, à savoir qu’il n'y a aucune réponse sur sa présence dans les cauchemars et sa capacité de pianiste ni même sur son amnésie et l'énigmatique géant qui la poursuit dans l'introduction... Qui plus est, un événement scénaristique que j’éviterais de spoiler la fait disparaître vers la fin de l’intrigue et on ne reverra jamais le personnage si on ne choisit pas sa fin ce qui est un peu dommage et laisse un arrière gout de bâclé… C'est pour ça que je reste mitigé sur le personnage, on ne peut pas dire qu'il soit mal intégré vu son implication dans le scénario et la volonté de modernisme qu’il apporte au propos mais en même temps c'est assez maladroit quand on y réfléchit alors je ne sais pas trop quoi en penser...
Pour en revenir à la pression sociale japonaise que j’évoquais en début de critique, c’est un élément important à prendre en compte car le jeu s’adresse avant tout à un public JAPONAIS et le fait bien comprendre sur sa fin. Il faut savoir que le Japon a depuis quelques années un sérieux problème de croissance démographique (un sujet que j’avais déjà abordé dans ma critique de l’anime Shimoseka puisqu’il traite lui aussi cette problématique). Les Japonais sont tellement pris par leur travail et baignent dans un climat social tellement sexiste et normatif qu’ils ne couchent même plus ensemble. Ainsi, Catherine justifie sa malédiction par un démon (dont je ne dévoilerai donc pas l’identité) qui cherche à punir les couples qui n’osent pas s’engager et avoir des enfants. Ses propos sont d’ailleurs assez durs et peuvent être mal interprétés si on n’est pas au fait de la situation c'est pourquoi je voulais préciser tout ça. Il faut voir ce démon non pas comme une leçon de morale mais au contraire comme la représentation de toute cette pression sociale (d’où la violence crue de ses propos) que Vincent va combattre pour vivre sa vie comme il l’entend. Ainsi, nos choix au cours de l’aventure auront un impact significatif sur cette fin qui se décline en 14 conclusions possibles.
Je regrette néanmoins que ces répercutions ne concernent que la toute fin car j’ai souvent eu l’impression de ne pas maîtriser les événements. C’est certes cohérent avec le propos (non-maîtrise de sa vie et psyché déboussolée) mais j’aurai apprécié que nos interactions durant les interludes au bar, notamment les SMS et appels qu’on décide de faire ou non à notre copine et notre maîtresse, influencent directement sur nos relations. Là, on a un peu l’impression de juste cocher des cases qui détermineront la fin et c’est dommage car cela créée parfois une certaine dissonance avec les événements. Par exemple, si on décide de totalement ignorer Catherine et de répondre toujours favorablement à Katherine et bien le scénario nous mettra quand même dans des situations ou Katherine nous reproche d’être distants et Catherine prétend entretenir une relation sérieuse avec nous alors que ça n’a plus trop de sens… De même, dans les rêves on retrouvera fréquemment des questions-sondages qui nous paraissent parfois hors sujet et dont les résultats sont malheureusement trop peu détaillés et précis pour avoir un intérêt « scientifique ». Je suis franchement déçu par ces deux aspects du jeu car c’est principalement ce qui m’avait convaincu dans la démo, j’en attendais donc plus de profondeur…
En résumé Catherine est une œuvre plutôt singulière, clairement pas parfaite et pas forcément à mettre entre toutes les mains non plus à cause du public qu’elle vise (si vous avez 12 ans et que vous êtes une femme hétérosexuelle je ne suis pas convaincu que le sujet vous touche autant, même si à mon sens avec l’ouverture d’esprit et le recul suffisant cela reste assez universel encore une fois). Cependant, on pourrait presque considérer ce jeu à un remake tant il y a eu d’apports, clairement on ne s’est pas foutu de nous et, que vous ayez fait l’original ou non, ce jeu mérite d’alléger votre porte monnaie si vous êtes à la recherche d’originalité.