Vous êtes Sonny Featherland, un inspecteur relevé de ses fonctions à deux plumes de la retraite. Alors que la douce idée de sombrer dans un verre de whisky vous fait frétiller la crête de coq, vous plongez à la place dans une enquête sordide mêlant pègre, club privé et gratin de la ville. Immanquablement, votre flair de poulet vous mène de coups fourrés en trous à rats, épaulé de votre fidèle acolyte. Si la piste démarre par quelques miettes éparpillées, votre appétit de vieux roublard de la police sera largement comblé. Ça tombe bien, maintenant les poules ont des dents.
Chicken Police est certes un jeu d'enquête, il emprunte à de nombreux genres. D'abord le point'n'click, lors des phases d'exploration de scènes où, au clic sur un objet ou une personne, un menu contextuel s'ouvre et vous autorise plusieurs actions, de l'observation commentée à des séquences de dialogue. L'aventure narrative ensuite, du fait des nombreux échanges avec les personnages, les dialogues bourrés de blagues et de références, permettant de faire avancer l'histoire mais sans l'influer. Le jeu d'enquête enfin, où les interrogatoires bien menés couplés à des pièces à relier sur un tableau de liège permettent à notre héros de résoudre progressivement ce puzzle. Tout cela sans grande difficulté : les interrogatoires peuvent plus ou moins bien se passer mais en influant juste sur votre réputation de fin limier. Pour progresser, vous explorez différents lieux : le commissariat, le cabaret, la maison close, une maison de week-end, un restaurant qui vous sert de QG... Mais sans avoir à les explorer de fond en comble ni assembler de manière aléatoire des objets à la Sam & Max. Seule l'ouverture d'un coffre-fort qui fera appel à une énigme liée à votre observation dans un autre lieu nécessitera de faire fonctionner vos méninges et votre flair. Pour le reste : installez-vous confortablement et profitez du film.
Au-delà des opportunités proposées par l'anthropomorphisme avec des dialogues animaliers à double sens, Chicken Police m'a étonné par la trame de fond qui se dessine sur ce thème. En effet, de manière classique, les animaux anthropomorphiques ont des problèmes malheureusement bien connus de nous tous : certains groupes sont dévalorisés, voire ghettoïsés, tandis que d'autres portent des pseudo-valeurs de pureté. Dans les dialogues, j'ai pu déceler des inquiétudes concernant les mœurs en vigueur : l'opposition des traditionnels qui prônent le concept de race et ne veulent pas se mélanger, contre ceux plus ouverts qui n'ont aucun problème à être en couple avec un animal d'une autre espèce. Un sombre écho à la réalité de l'époque transposée dans le jeu. Par ailleurs, une surcouche m'a sidéré : l'évocation de créatures mythiques, bipèdes et à visage humain. Comme si cette aventure se déroulait des siècles après la disparition de l'espèce humaine, qui aurait légué la Terre à des êtres anthropomorphes issus de laboratoires puis développant leur société intelligente par la suite. Les mythes fondateurs des villes sont évoqués, l'histoire est fortement présente : décidément, Chicken Police est plein de surprises.
Test réalisé pour Gamatomic (lire en version intégrale)