Arrête ton char, Ramsès !
Comment ça, une déclaration de guerre de Ramsès II ? Mais enfin, on ne lui a rien fait ! Certes, il n'a pas apprécié notre annexion de Bruxelles, mais c'était il y a au moins trois ou quatre siècles. Et ce n'est quand même pas de notre faute si l'armée de ce voisin soi-disant neutre menaçait Washington, notre capitale. Et c'est un peu le même souci avec Copenhague, qui s'amusait à bombarder nos ouvriers dès qu'ils s'approchaient de trop près. Le problème, c'est qu'avec sa politique expansionniste, l'Égyptien est une menace sérieuse. Heureusement, notre avance scientifique nous permet de poster des canons à Boston et à New York, ce qui devrait pouvoir tenir à distance ses arbalétriers et spadassins d'un autre âge. Tour suivant.
Le premier Civilization, imaginé en 1991 par le génial Sid Meier, a posé les bases d'une saga qui est restée très fidèle au concept de départ : prendre le contrôle d'une civilisation à son origine (4000 ans avant J.-C.) sur une carte imaginaire et l'emmener à la victoire. Une victoire qui, à l'inverse de la plupart des autres jeux de stratégie, n'est pas forcément liée au contrôle hégémonique de la planète et à la destruction des adversaires. On peut gagner grâce au progrès scientifique et plus généralement par un score qui prend en compte l'état d'évolution de son peuple. Autre spécificité, il s'agit d'un jeu au tour par tour. Pas de stress, on peut prendre son temps, réfléchir posément à ses actions avant de laisser la main aux civilisations contrôlées par l'ordinateur en cliquant sur « tour suivant ».
D'ailleurs, est-ce bien judicieux, de cliquer sur « tour suivant » ? Tout est-il en ordre ? C'est que maintenant, Ramsès II s'apprête à lancer ses troupes. Et l'orientation scientifique prise par notre civilisation américaine, si elle nous donne un avantage certain au niveau de la puissance militaire, nous laisse quand même un peu démuni en terme d'effectifs. On aurait dû écouter notre conseiller militaire qui pleurniche depuis douze ou treize siècles au prétexte qu'on néglige la défense de notre territoire. Mais l'arbre des découvertes scientifiques est si tentant ! Après la machine à vapeur, on peut s'attaquer aux chemins de fer puis, pour peu qu'on ait découvert la dynamite et les pièces détachées, se concentrer sur la combustion. Qui permet de lancer la fabrication de chars d'assaut. Et là, Ramsès II, il fera moins le malin... dans une trentaine d'années. Mais, à l'heure actuelle, il faut convenir qu'une unité d'infanterie et une d'artillerie, ce n'est pas bien lourd. Alea jacta est. Tour suivant.
Un épisode de Civilization est un événement ludique. Et ils sont nombreux à prévoir de s'enfermer durant plusieurs jours pour pouvoir rejouer tranquillement l'histoire de l'humanité. Car Civilization est hypnotique et chronophage. On s'immerge totalement dans la gestion, en créant des villes grâce aux colons, en développant leurs infrastructures, en les reliant par des routes et en aménageant le territoire. Il faut construire des fermes, bâtir des théâtres et des universités, et penser à subvenir aux besoins d'un peuple qui ne cesse de grandir. Et une partie lancée en début de soirée a vite fait d'emmener le joueur jusqu'au petit matin. Sans qu'il ne songe le moindre instant à décrocher. Et même si cette drôle d'idée venait à l'effleurer, il y a toujours une petite voix qui semble lui murmurer : « Tour suivant, tour suivant... »
L'armée égyptienne était imposante, mais la résistance a tenu. C'est une des grandes nouveautés de ce cinquième épisode : la stratégie militaire est devenue déterminante. Auparavant, il était possible de constituer une puissante armée sur une seule case et de la promener tranquillement sur la carte. Aujourd'hui, chaque unité occupe une case. Il faut donc déployer ses troupes en gérant les contraintes de topographie et d'organisation, une armée désunie étant bien plus vulnérable. La partie militaire se rapproche donc d'un wargame classique, et même la forme des cases, hexagonale, participe à cette évolution. L'heure est à la contre-offensive. Le char est sorti de l'usine, le bombardier B17 ne va plus tarder. Bizarrement, Ramsès II veut signer un traité de paix. Dans tes rêves ! Tour suivant.
Comme dans tout grand jeu de gestion, les paramètres à prendre en compte sont nombreux, mais on finit toujours par en comprendre les rouages. De partie en partie (compter quand même plusieurs dizaines d'heures de jeu), on affine sa technique, on apprend de ses erreurs. D'ailleurs, c'est la panique. Après avoir conquis sans mal Copenhague et rasé Memphis sans essuyer de pertes, l'invasion était en marche. Et c'est le moment choisi par notre peuple américain pour faire part de son mécontentement. La révolte gronde. Il ne faut jamais négliger le bonheur de ses ouailles. Sous la contrainte, il faut donc signer la paix. Mais rien ne dit qu'elle soit durable. La découverte prochaine des mass médias va permettre de construire des stades (eh oui !). Idéal pour divertir les citoyens. Et reprendre l'offensive. Tour suivant !
Cet utilisateur l'a également mis dans ses coups de cœur.