Jouer à destin pour changer de vie

Il est temps pour moi de vous avouer quelque chose ; je n’ai jamais joué à un autre Civilisation. Les Endless, Humankind, Ara, Stellaris et autres Age of Wonders sont pourtant tous passés entre mes mains. Tel le hypster des 4X, je me suis toujours évertué à esquiver le roi du genre, sans aucune autre excuse à donner que celle d’avoir loupé le coche. Et aujourd’hui je dois également vous avouer que je regrette ; parce que si cette septième itération de la licence phare n’est pas parfaite, je dois bien admettre que c’est celle qui m’a le plus convaincu. J’ai beau retourner ça dans tous les sens, trouver des dizaines de bons points aux autres jeux du genre, ce Civ7 est celui qui synthétise le mieux la formule 4X à mes yeux.

« C’est de toute beauté ! » La tour de Babel infernale, 650 avant Effef 14

Je pense que les amateurs du genre ne renieront pas ce que je m’apprête à écrire ; les graphismes ne sont finalement pas si importants dans ce type de jeu. Nous autres les passeurs de tour, nous pourrions jouer avec un tableur Excel si les chiffres connaissaient la diplomatie. Alors franchement, avoir de jolies animations, des tuiles magnifiques et de beaux personnages charismatiques, c’est un peu surfait non ? (Pour les deux Trumpistes du fond, c’est de l’ironie). Parce que oui, le jeu en jette, c’est indéniable. Je ne suis pourtant pas le genre de joueur à passer mon temps à zoomer sur le moindre détail pour le plaisir des yeux, mais force est de constater que sur l’aspect graphique l’équipe a su mettre le paquet. Que ce soit les troupes, les bâtiments, les quartiers ou encore les décors naturels, c’est à la fois beau et précis. Je pourrai chipoter que parfois la profusion de détail peut masquer une falaise et pousser à l’erreur, toujours est-il que je préfère cela aux animations de combats d’Ara (#neverforget).

Le truc qui ne passe pas par contre, c’est l’interface beaucoup trop grossière et simpliste. Ce sont très probablement les versions consoles qui ont dicté un tel état d’esprit, cela n’en reste pas moins dommage au vu du travail abattu sur le reste du jeu. Probablement l’un des points sur lequel j’attends le plus de changements : je suis d’accord pour que l’on rende le logiciel plus accessible et volontairement plus affriolant pour un néophyte, mais il est vraisemblablement contreproductif de cacher certains chiffres essentiels à qui souhaite apprendre ou mieux comprendre les mécaniques. Clarté ne rime pas forcément avec simplicité.

« L’Histoire est écrite par les vainqueurs. » Roi Tiflam

Visiblement, il y a un certain rejet d’une partie de la communauté quant au réalisme historique de cet opus. Le joueur est en effet amené à changer de civilisation deux fois en cours de partie, lors d’un changement d’âge impliquant également la mise en place de nouvelles mécaniques. Je veux bien que Charlemagne le perse qui évolue en Charlemagne le chinois puis en Charlemagne l’américain, ça fasse un peu brouillon, même pour un pokéfan de la première heure comme moi. Soit. De mon point de vue, jouer un dictateur immortel qui parcourt 10 000 ans d’histoire à la tête d’une nation, c’est au moins tout aussi bizarre mais oublions ce détail un instant. Si je résume bien la grogne actuelle, Charlemagne le chinois ce n’est pas rôle play, mais Charlemagne le constructeur de pyramide des steppes mongols dans sa capitale de Paris nichée au bord de la cordillère des Andes et de ses ressources stratégiques de jade estampillées Made in France c’est OK (Civ6). Lors de ma prochaine partie je joue Mauvaisefoi, le personnage me semble super fort.

Juste pour info, rien ne vous oblige à faire le grand écart civilisationnel ; c’est même plutôt l’inverse, puisque le jeu vous poussera naturellement vers un peuple qui correspond « géographiquement » à ce que vous jouiez dans la période précédente. Je tiens à rappeler que les 4X sont avant tout des jeux de type « bac à sable » : jouez et amusez-vous comme bon vous semble ! Si vous êtes du genre à vouloir tout optimiser, quitte à perdre en crédibilité historique, grand bien vous fasse. Et si vous préférez vous tenir à une ligne de conduite préétablie, rien ne vous empêche de le faire non plus.

« Les voies de notre dirigeant sont impénétrables » Les rouleaux de Wololo 1er du nom

Cet opus se distingue de ses prédécesseurs par un découpage de la partie en 3 phases et des remises à zéro intermédiaires qu’elles engendrent. Durant chaque ère, il sera nécessaire d’engranger des points dans un ou plusieurs des 4 axes de victoires principaux (économie, culture, guerre et science) et chaque type de victoire se fera par le biais d’une mécanique propre à l’âge en cours (une victoire économique à l’antiquité se veut différente d’une victoire économique à l’âge moderne). C’est probablement le point le plus clivant de cette version numéro 7 de Civilisation. Soit vous adhérez à ce gameplay et le dynamisme qui en résulte (par les choix et les crises qui en résulteront), soit vous préférez le classicisme des vieux pots. Pour ma part j’apprécie l’idée de rendre les parties plus nerveuses à court terme, avec des objectifs intermédiaires poussant à davantage de petites décisions. Les soft reset à la fin de chaque ère peuvent être déroutants au départ, mais outre le fait que vous conservez tout de même un bon paquet de ce qui faisait votre civilisation d’avant, c’est aussi une façon pour le joueur en « retard » de se remettre en selle plutôt que de subir les 20 heures suivantes sans grand espoir de l’emporter. Une modification qui prend tout son sens pour le multijoueur compétitif ? Des entractes qui permettent de diviser les sessions de jeu de façon plus fluides pour les parties avec les copains ? C’est mon avis.

« Il est l’or Monseigneur, l’or de se réveiller. » Louis de Présages Funestes, célèbre marchand français

Une fois n’est pas coutume, je parlerai brièvement du prix du jeu à sa sortie : 60 euros. Pas 80, ni 100, ni 1 million de pokédollars comme vous pourrez le lire ailleurs, mais bien 60. Soit le prix classique d’un jeu triple A actuel. Alors oui, bien sûr, il y a des versions collector avec des machins en plus et cette fameuse version à 100 balles pour les streamers qui ont besoin de lancer le jeu trois jours en avance pour faire un max de vue. Personnellement lancer le jeu un mardi plutôt qu’un dimanche soir, si cela me permet d’économiser 40 billets, je trouve ça plutôt honnête. Néanmoins je veux bien entendre qu’on nous prenne pour des roucool avec cette fameuse version « Day -3 », même si personne ne nous oblige à l’acheter. A la limite je peux comprendre que pour un jeu online comme un MMO avec du leveling, du farm ou un accès limité à des serveurs, on puisse se laisser corrompre. Mais sur un 4X ? Un jeu solo ? Je ne sais pas, j’ai comme un doute sur la pertinence. Alors soit vous êtes un fan hardcore et de toute façon le prix n’est pas un problème, soit vous attendez la sortie « officielle » et il n’y a pas plus de débat que ça (ou alors vous attendez trois mois de plus les soldes Steam et il coutera 10 euros comme tous les jeux de stratégie mais chut faut pas le dire).

« …Et il devint ainsi immortel. » Le tombeau des Miqote

Au moment d’écrire cette conclusion, mon compte Steam me crédite de plus de 50 heures passées sur le jeu en 3 semaines. Il serait mensonger de ma part de dire que le jeu ne m’a pas plu. Certes son gameplay atypique ne conviendra pas à tous les joueurs et je pense ici en particulier aux plus anciens fans de la licence. Cette mouture se veut volontairement plus accessible, plus simple, pour des parties plus courtes et avec potentiellement plus de rebondissements. C’est quelque part le média du jeu vidéo au grand complet qui prend cette voie, au risque de perdre les plus hardcore d’entre nous. J’aimerai pouvoir dire que je regrette ce bon vieux temps à jouer 1000 tours d’une partie que je mène depuis le tour 300. La réalité est que je préfère pouvoir terminer ma campagne en duo en un week-end et en relancer une autre celui d’après, plutôt que de l’abandonner en cours de route. Oui j’ai vieilli et oui mon temps est devenu plus précieux que dans ma prime jeunesse. Peut-être que mon appréciation vient de cet état de fait, à moins que ce ne soit mon manque de recul sur une série que j’aborde avec son dernier numéro, sans aucun autre comparatif possible que celui de ses malheureux concurrents. Prenez donc cette critique pour ce qu’elle est ; c’est à dire peu de choses en comparaison de votre propre conviction.