Les plus assidus de mes lecteurs devraient reconnaître le titre. Millennia, le « Civilisation » de Paradox, est en effet apparu sur mon radar lors du dernier NeoFest. Les quelques lignes écrites pour l’occasion étaient plutôt flatteuses, surpris que j’étais de voir tant de bonnes idées développées dans une démo qui ne pouvait tout en montrer. L’ensemble n’était pas parfait bien sûr, certains points noirs étaient déjà décriés, mais il me semblait alors entendu que le jeu pourrait atteindre un très bon niveau de qualité, pour peu qu’on lui laisse le temps de se décanter. Je m’attendais à le revoir aux alentours de la fin de l’année, amélioré, peaufiné, purgé de ses aspects les plus sombres et honteux. L’histoire aurait pu être belle, avec un Miqote heureux comme pas deux devant son PC un soir d’hiver, accompagné de son genre de jeu préféré, le 4X. Mais comme la vie est une chienne (et que vous avez déjà vu ma note, petits malins), vous vous doutez bien que les choses ne se sont pas déroulées ainsi.


Millennia, c’est l’essence la plus pure du 4X. On part du néolithique avec sa bande de sauvage et on la fait évoluer jusqu’aux jours du réchauffement climatique, avant de gagner la partie en partant de notre planète polluée pour l’espace (Elon et Jeff ont dû jouer à des 4X c’est obligé). Pas de chichis non plus sur l’aspect graphique, on reste sur les bons vieux hexagones pour découper la carte et on s’aligne sur le standard « Civilisation » pour les villes et les troupes. Rien de neuf non plus pour les ressources, le quatuor nourriture, production, science et or étant de la partie, même si quelques spécificités poindront le bout de leur nez au fur et à mesure de notre avancée dans les âges. De l’ultra classique donc, pas forcément en faveur de Millennia, au vu des mastodontes présents sur le marché comme Civ, Humankind ou encore Old World, qui auront toujours le mérite d’avoir été là avant.


Là où Millennia tire son épingle du jeu par contre, c’est dans sa capacité à gérer les ressources présentes sur la carte. À la façon d’un jeu de gestion, chaque cité sera amenée à créer des flux de production (qu’ils soient internes ou globales) afin d’optimiser ses rendements. Petit exemple : la très belle cité de Strasbourg possède des champs de blé qui lui donne accès à de la nourriture. Sympathique, mais si on construit également un moulin, ce blé va désormais se transformer en farine, pour créer plus de nourriture pour le même niveau de blé. Doublement sympathique, mais si on termine cette fois une boulangerie, cette dernière va utiliser la farine pour faire du pain pour créer encore plus de nourriture ! Joie et félicité ! Et si jamais il n’y a pas de blé à Strasbourg, peut-être que la ville de Colmar d’à côté pourrait en fournir ? Ça paraît tout bête écrit comme ça, mais ce système est tellement malin ! On passe des tours et des tours à vouloir optimiser ses villes en fonction de leur besoin. De simple « gadgets », les ressources de luxe deviennent les fleurons des industries locales et amènent tout un tas de réflexion sur la façon dont la nation pourrait évoluer.


En parlant de nation, cette dernière va régulièrement devoir passer des paliers appelés « âges ». S’il existe une timeline dite « conventionnelle » et ressemblant globalement à l’histoire de l’humanité, il est possible sous certaines conditions de prendre des chemins « alternatifs ». Je ne vais volontairement pas vous gâcher la surprise de la découverte en vous parlant des plus réussies (à mes yeux), mais il est par exemple très vite possible d’accéder à un « âge des héros » ou au contraire à un « âge de la guerre » en fonction des actes de votre toute jeune civilisation. Âges qui auront le mérite d’apporter quelques bonus sympathiques tout en poussant la partie dans certaines voies (plutôt économique ou guerrière, etc) mais surtout de la rejouabilité. Petit bémol, l’âge choisi est dicté par le « premier arrivé », de quoi rendre tristoune quand on se fait coiffer au poteau alors qu’on allait rentrer dans un âge spécial.


Dernière bonne idée, le système de points d’expériences. Que ce soit via les constructions ou certaines actions, il est possible de gagner des points dans des branches spécifiques, exploration, guerre, gouvernement, culture pour ne citer que les premières. Points qui sont par la suite utilisés pour activer des pouvoirs liés à la branche, augmentant l’idée selon laquelle une nation se spécialise dans un certain type d’actes et donc de points forts et fatalement faibles. Il y en a pour tous les goûts, et évidemment, plus on joue avec une branche et plus on est fort dedans avec les risques que cela comprend en terme de déséquilibre (qui a parlé du manque de troupes ?).


Je n’ai très honnêtement pas grand-chose à reprocher à Millennia sur son gameplay. Le jeu a su tirer parti à la fois d’un certain classicisme sur la forme et faire preuve d’originalité sur le fond. Il est cependant difficile de lui trouver des excuses sur les autres aspects, à commencer par les graphismes. Si les illustrations sont plutôt honnêtes (celles des technologies par exemple), il faudra qu’on m’explique comment quelqu’un a pu valider les horreurs visuelles du mode combat. Certes, ce n’est pas l’écran qu’on sera le plus souvent amené à regarder, mais ces animations dignes d’un faux jeu pour mobile piquent les yeux. C’est d’autant plus dommage que la simplicité extrême des combats en automatique n’impose aucune contrainte technique. L’écran de fin de partie ou certains menus respirent le côté « cheap » avec une telle force qu’on se demande parfois si le stagiaire n’a pas codé certaines parties sous windows 98 (oui je suis aussi vieux que ça).


Le jeu semble également très mal optimisé dès lors que la partie s’éternise. Malgré ses graphismes du Moyen-Âge, Millennia réussit l’exploit de mettre à bout une machine faisant tourner un BG3 autrement plus gourmand. Sans exagération, je pense que je fais des « pass turn » moins long sur Total War Warhammer III et ses 300 factions que sur Millennia avec 7 AI en fin de partie. Cherchez l’erreur. Ajoutez à cela un certain déséquilibre parfois frustrant sur le « départ », sans qu’il ne soit possible d’y faire grand-chose vu le peu d’options mises à la disposition du joueur et vous commencerez à comprendre pourquoi ma note flirte tout juste avec la moyenne.


Ces défauts - malheureusement - étaient déjà là lors de la démo. Le problème, c’est que le jeu semble avoir été lancé dans le même état que la dite démo. Pas de mise à jour, pas de retouche après tests, pas de retours joueurs, rien. Le jeu aurait mérité 6 mois de plus au garage et il n’a bénéficié que d’un petit mois entre sa béta et sa sortie officielle. Alors que nombre de jeux sortent aujourd’hui en accès anticipé et le reste des années, j’applaudis toute volonté de sortir un jeu en mode 1.0, mais encore faut-il que cette 1.0 en ait l’allure. Une roadmap et ses améliorations n’a bien sûr pas tardé à arriver, et oui, beaucoup des points soulevés risquent d’être corrigés. Reste à savoir quand, à quel prix (coucou les DLCs !) et si les joueurs verront vraiment le bout du chemin.


En attendant, je note ce Millennia comme on me l’a donné : soit disant terminé, pour moi bâclé. Dommage, il y avait tellement de bonnes idées.

La nation Miqote a conquit les étoiles, fin

Yumiqote
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le 25 avr. 2024

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