Remedy est un studio bien connu pour ses productions TPS, Max Payne et Alan Wake en tête de gondole, connus et reconnus par ses pairs. Toutefois le TPS dans sa globalité s’est franchement enlisé dans des modèles de jeu figés et insipides. Un seul mot me vient à l’esprit quand il s’agit d’évoquer un petit peu de folie dans l’univers terne du genre : Vanquish.
Malheureusement, ce petit plaisir de Mikami est une espèce d’îlot isolé, presque devenu imperceptible bien qu’il ai tenté de restructurer le plaisir de jeu que pouvait offrir le TPS. Et Control, à contrario, ne vient pas chercher plus loin que ce qu’il propose vainement dans ses premières heures de jeu, libérant ainsi les portes de l’ennui.
Si je mets 7 à Control, le dernier protégé de Remedy, c’est bien parce que le titre est emprunt d’un nombre de qualités assez désarçonnantes qui forcent le respect. J’ai aimé y jouer, j’ai aimé le découvrir et le finir, j’ai aimé ce qu’il promet. Sa principale plus valu est son univers. Un univers bureaucratique plongé dans une folie Lynchène délectable, à la croisée de Twin Peaks et Shining. Ce que propose et promet Control dans sa première heure de jeu c’est une divine expérience. Une expérience ou le level-design se joue de votre logique, ou la mise en scène emprunte à l’onirisme, ou le game-design se promet évolutif avec courbe de progression et mise en avant d’un gameplay émergeant comme saurait le proposer un Immersive-sim/TPS des familles comme Half-life ou Bioshock. Et on ne sera jamais bien ennuyé par sa DA, épurée et oppressante, qui ferait bon décor à nombre représentations kafkaïennes. Sans parler de ses personnages, de ses couloirs et ses décors, de ses grandes lignes et formes géométriques simples et prononcées et de son art-design, de ses monstres et ses manifestations perturbantes...
Mais bon Dieu que c’est frustrant, que c’est ennuyant, que c’est éreintant. Le game-design de Control reste totalement enclavé dans un modèle préconçu et prémâché, n’oubliant ni l’arbre de compétences inutile, ni le level-design répétitif, ni les vagues d’ennemis qui repopent encore et toujours. Parce que plutôt que d’oser un jeu court et intense, les gars de Remedy ont visiblement voulu respecter les règles, tirer la corde, allongeant déformant à foison la durée de vie du titre. J’aime bien taper des ennemis et profiter du gameplay mais il faut pas que ce soit constamment redondant. Faut être évolutif ou casser les boucles. Toute l’ambiance stressante, angoissante, dérangeante se retrouve prise en étau par un game-design appuyé par une liste de cases à cocher. On ne profitera alors guère plus de ce que Control a à proposer, étant toujours en mouvement (mais pas dans un mouvement vif, intense), toujours sur nos pas , toujours dans l’attente. Que ça change.
Mais parfois, justement, ça change. Il y a des séquences de jeux excessivement convaincantes, appuyées par une bonne mise en scène , par de bonnes idées de design (aussi bien dans l’architecture que dans le visuel), et ça fonctionne très très bien. C’est même complètement unique, rafraîchissant même. Mais c’est trop rare, mais c’est trop court, mais vous vous tapez des couloirs indigestes, des allers-retours et des combats chiants entre temps. Sans parler du lore, étalé inutilement sur des caisses et des caisses de dossiers et enregistrements inutiles quand la mise en scène et les cinématiques seules suffisent déjà bien amplement à insuffler à Control un habillage ambiant légitime….
On ne cesse de citer le passage de labyrinthe , qui intervient en fin de parcours et dieu sait que c’est réussi et jouissif. A la fois inattendu , ce simple moment de 10-15 minutes est une oasis dans un désert morne et artificiel. A tel point que cela décuple aussi cette frustration : si ils peuvent proposer ça, pourquoi ne pas être allé plus loin. Plus loin dans la mise en scène, plus loin dans l’arythmie, plus loin dans le level-design.
Typiquement, Control est un jeu très honnête, même un bon jeu bien rodé sur bien des points, Remedy restant un studio plutôt expérimenté quand il s’agit de mettre en place des boucles de gameplay efficaces (et ce gameplay, je peux vous assurer qu’il est efficace). Mais on reste en surface de ce que peut proposer le TPS (et le jeu vidéo en général). Fatalement, Control ressemble à une folie créatrice, unique, qui a été embourbé , étouffé par des besoins ludiques terre à terre. Le petit plaisir de Mikami était court, vif, intense, sans à côté, pas forcément ambitieux mais mature. Finalement, tout le contraire de Control.