Les développeurs français de Crying Suns (2019), le studio Alt Shift, décrivent leur jeu comme étant à la croisée de FTL (2012), Dune et Fondation. Un pitch séduisant —je suis un grand fan de FTL, Asimov et Herbert—, qui m'a conduit à m'intéresser au jeu dès sa démo. Et il faut bien avouer qu'Alt Shift n'a pas menti.
De bonnes inspirations, un résultat unique
Crying Suns est un roguelike à la structure proche de FTL : aux commandes d'un vaisseau de guerre que l'on doit sans cesse améliorer, on traverse des secteurs interstellaires en choisissant au mieux notre itinéraire, au gré des combats et rencontres. Sauf que là où FTL mettait l'accent sur le micromanagement de l'équipage et des systèmes, Crying Suns propose une expérience de RTS plus classique mais très efficace. Le ressenti est bon et les combats très divertissants, j'ai eu dans l'ensemble beaucoup de mal à lâcher la souris. Le jeu offre un challenge réel mais accessible (n'ayant perdu qu'une seule de mes 8 parties en mode normal, et ayant réinitialisé une autre par erreur).
L'autre grosse différence avec le fameux roguelike spatial de référence est une emphase nettement plus importante sur l'histoire : l'amiral que nous incarnons, Ellys Idaho, est cloné à l'infini, recommençant sans cesse son même voyage pour aller tenter de résoudre un mystère : celui de la disparition des IA, dont l'extinction inopinée a plongé un empire féodal multicentenaire dans le chaos. D’où l'inpiration de Fondation et Dune. L'univers est étoffé (même si ça pourrait être poussé un peu plus loin), avec plein de petits clins d'oeil sur les noms (Ellys -> Ulysse par exemple). Et si elle est poussive au début l'histoire devient vraiment prenante jusqu’à finir en apothéose. Un gros bon point ici pour Crying Suns.
D'autant plus qu'Alt Shift a trouvé un moyen intelligent de faire progresser une intrigue complexe sans proposer des runs de 20h : à chaque fois qu'on finit une run (3 secteurs, comptez 1h par secteur environ), on passe au chapitre suivant, la suite de l'histoire avec des protagonistes et des ennemis différents, de plus en plus difficiles. Un moyen original de créer de la persistance sans modifier vraiment l'expérience de jeu puisqu'on recommencera à zéro à chaque nouveau chapitre. Mais j'y reviendrai.
À noter également un pixel art et une DA très réussis (qui n'est pas sans rappeler Dungeon of the Endless), mélangeant élégamment 2D et 3D et nous montre entre autres des transitions très fluides entre les différents points d’interêts. En particulier, j'adore le visuel des expéditions planétaires.
Encore un peu de pain sur la planche...
Pour autant, Crying Suns est un jeu encore imparfait. Je dis "encore" car j'ai joué à la toute première version donc il y avait quelques plâtres à essuyer. D'abord la stabilité du jeu est très moyenne sur Mac, et il y a quelques erreurs dans le texte de la version française (un comble !), allant parfois jusqu'au contresens. Et parfois, certains personnages ne sont pas correctement introduits.
Ensuite, le contenu que propose le jeu en termes d'événements aléatoire est encore trop maigre. Pour finir l'histoire, quasiment d'une traite, je suis retombé sur certains d'entre eux une demi-douzaine de fois. C'est dommage d'avoir la sensation d'avoir fait le tour très rapidement. Il faudra doubler ou tripler le contenu pour garder de la rejouabilité. Ça vaut aussi pour le nombre de terrains spatiaux.
Parmi les problèmes plus importants, je compte l'histoire, du moins la première moitié (la fin est géniale). Les trois premiers chapitres sont très répétitifs, de type : "est-ce que le big boss de ce secteur a éteint les IA ? Non. Next." Ça mériterait un peu plus de rebondissements.
D'autre part, les runs sont trop courtes. Dans l'idéal, je pense qu'il faudrait au moins 4, si ce n'est 5 secteurs par chapitre. On a la sensation parfois de ne pas encore avoir atteint le plein potentiel de notre vaisseau qu'il nous est enlevé, et ça peut être frustrant.
Et enfin, les styles de jeu sont sympathiques mais assez peu nombreux et variés. On aura en gros le choix entre les escadrons et les armes, généralement les deux. Niveau rejouabilité encore une fois c'est pas top. À comparer avec la variété de FTL : armes aux effets variés, drones, abordage, mindcontrol, piratage, furtivité... Et comme une run de FTL est nettement plus longue, ça laisse le temps de se spécialiser beaucoup plus en profondeur.
Bref, s'il est encore un peu vert, Crying Suns ravira les amateurs de FTL, Dune et Fondation. Si ça vous branche, à acheter les yeux fermés. Avec quelques petits (et grands) changements, cette petite pépite pourrait même devenir un nouveau classique du genre. Je garderai un oeil attentif sur les prochaines mises à jour.
Fini en 22h en mode normal.