D'abord, soyons clair. Juste faire un jeu vidéo entièrement dessiné à la main dans le style des cartoons des années 1930, c'est une idée de ouf. La réalisation du point de vue visuel et sonore est juste top ; personne d'autre n'a fait ça et personne d'autre ne va probablement égaler l'oeuvre du Studio MDHR. C'est l'un des jeux les plus beaux des 10 dernières années, point barre.
Après vient le gameplay. Nous avons environ une vingtaine de boss (dont 4-6 aériens) plus six niveaux de plateforme classique. Le niveau de difficulté est assez relevé : le jeu ne te tiens pas la main et t'oblige à refaire le niveau plusieurs fois jusqu'au moment où t'auras appris le pattern des projectiles et autres ennemis qui remplissent l'écran. Du die & retry en somme. Les développeurs mentionnent Gunstar Heroes, Contra, Mega Man et Thunderforce comme inspirations pour leur oeuvre (ainsi que... Street Fighter III : 3rd Strike - il y a en effet plus d'une référence au jeu, parmi lesquels évidemment le parry), Metal Slug aurait été approprié aussi. Mais on l'a compris : on est dans le domaine des vieux jeux d'arcade, ceux qui étaient durs bien avant que Dark Souls n'existe, à une époque où tu déboursais des dizaines de balles pour une cartouche et il fallait que ça dure des semaines. Certes Cuphead concède bien des choses à la période contemporaine du prémâché - il contient même un tuto, encore que certains journalistes ont du mal à le terminer - mais il reste relativement dur, et c'est honnêtement bien ainsi.
Cela dit, il me faut mettre un bémol sur la question de la difficulté. Créer un jeu difficile ce n'est pas un problème tant que l'on peut apprendre à reconnaître le comportement des ennemis et à trouver des solutions contre les attaques les plus puissantes ou alambiquées. Le souci c'est que dans plusieurs boss tardifs de Cuphead la difficulté est artificiellement produite sous forme de RNG : battre un boss ce n'est plus une simple question d'apprendre à répondre à ses attaques, mais plutôt de recommencer jusqu'au moment où il ne va sort pas une combinaison merdique et absolument imparable. Aucun apprentissage ne va te permettre d'esquiver un ennemi qui vient d'un côté pendant que des projectiles remplissent l'écran et l'attaque du boss t'oblige à sauter au millième de seconde près pour ne pas être touché. On ne peut pas développer un jeu de contre dans ces conditions. Et si Dark Souls et Mega Man ont été aimés par leurs respectives générations, c'est bien parce qu'ils ne donnent jamais l'impression de se foutre de la gueule du joueur par des éléments aléatoires omniprésents. On pourra toutefois accepter ce défaut de design compte tenu du temps modeste qu'il faut pour finir le jeu en mode normal (10-15 heures tout au plus).
Il y a d'autres petits détails qui pourraient déranger, comme l'absence de multijoueur en ligne (qui est à l'étude par les développeurs en ce moment) ou la hitbox du parry qui semble un peu faire ce qu'elle veut parfois. Mais globalement, un si beau jeu vendu à un prix si contenu et offrant suffisamment de challenge pour ne pas avoir l'impression d'avoir perdu son temps est quelque chose qu'il faut saisir. Il n'y aura pas mille Cuphead dans l'avenir, mais - on l'espère - autant de jeux qui transpirent la passion comme celui-ci.