[Un peu de contexte: j'ai fait tourner le jeu sur PC, AMD Ryzen 3600X, Nvidia RTX 2070S. Pas pour flexer, mais pour dire que le jeu tournait bien avec presque tous les réglages au max et de manière fluide. Donc, à part des crashes, je n'ai pas eu les soucis rencontrés par les joueurs console, la version du jeu sur PS4 et Xbox One est à fuir comme la peste et est malheureusement honteuse]
Le contexte, viteuf
Vous connaissez le concept de Cyberpunk 2077: RPG à la première personne, où l'on incarne un personnage créé par le joueur, dénommé V, dont le but est de devenir une légende à Night City, mégapole pleine d'opportunités plus ou moins dangereuses. Après une opération qui tourne mal, V se retrouve en possession d'un programme qui va littéralement le faire mourir de l'intérieur.
Le jeu est développé par CDProjekt RED, connu pour la saga The Witcher (surtout pour le 3). Véritable chouchou des joueurs, avec ses politiques "no bullshit, no greed" (CàD: on fait des jeux solos, à gros contenus, pas d'arnaque), le studio était attendu au tournant pour son premier jeu non estampillé The Witcher.
La communication du jeu était louche, on va pas se mentir. CDProjekt ne montrait que la version PC, souvent sans laisser les commandes aux journalistes (ils ne le feront que très peu de temps avant la sortie du jeu, toujours sur la version PC avec tous les paramètres à fond).
Les bugs
Bon, tout le monde le sait: le jeu est bugué. Personnellement, je m'en fous un peu des objets qui restent dans les airs de temps en temps ou d'un téléphone qui se dédouble pendant un dialogue. Pour un jeu prenant place dans une gigantesque ville, des bugs, on en aura toujours.
Les plantages à des moments aléatoires, c'est déjà un peu plus indicateur d'un gros manque de finition et très peu agréable. Également, au bout de plusieurs dizaines de minutes de jeu d'affilée, les performances deviendront d'un coup médiocres. Ne vous inquiétez pas, c'est certainement un problème de mémoire (le jeu gère pas bien la mémoire de votre ordinateur et va la surcharger, rien de dangereux). Sauvegardez, quittez, relancez, ça sera comme neuf.
Bon, allez, on se dit que les bugs c'est relou, mais on y a déjà assez passé de temps.
Le manque de finitions
Le jeu n'est malheureusement pas complètement terminé sur d'autres points que l'optimisation ou la chasse aux bugs. L'interface est jolie mais très peu ergonomique. Le jeu explique mal, voire pas du tout, certaines de ses mécaniques (j'ai passé l'entièreté du jeu sans utiliser le crafting, qui a l'air pourtant pas mal fichu). Les arbres de compétences sont globalement intéressants, avec pas mal de possibilités super classes et une progression plutôt pertinente. Mais les explications sont parfois confuses. On peut aussi citer le tutoriel sur le combat qui est vraiment pas fameux. Certes, c'est 5 minutes dans l'expérience de jeu mais il vend particulièrement mal un gameplay qui est somme toute sympathique (on en reparle juste après).
Dans The Witcher 3, CDProjekt avait créé Novigrad, une des meilleures villes jamais vues dans un jeu vidéo. Night City, elle, profite d'une architecture au top, de quartiers très distincts, mais possède également un système de trafic routier médiocre, une gestion des passants très, très peu immersive (ce ne sont que des marionnettes, apparaissant au besoin pour créer des foules, mais pas de système d'emploi du temps, de routine), et des forces de l'ordre à l'ouest. Je ne vais pas trop juger la conduite (au mieux passable), ayant fait le jeu au clavier, l'outil le moins adapté à la conduite.
Également, une partie du jeu semble amputée. Au début du jeu, il y a une ellipse de 6 mois, résumée par un montage. Techniquement, ça fonctionne, ça ne pose pas de gros problème de rythme, mais plus tard, l'impact de certaines scènes est réduit car le joueur n'a pas "vécu" ces 6 mois d'aventures.
Enfin, quelques quêtes secondaires auraient mérité d'être plus étoffées: le jeu nous présente des pistes géniales, et les laisse en plan (La quête Dream on par exemple, pour ceux qui ont fait le jeu).
Donc, au delà des bugs, on a quand même des défauts d'ergonomie, des petits problèmes de rythme, et le jeu ne va des fois pas au fond de son propos.
Pourtant, c'est super bien!
Cyberpunk est d'autant plus frustrant parce que derrière tous ces défauts, on a vraiment quelque chose. Même si CDProjekt n'ose pas grand chose dans son propos politique (Les grandes corporations c'est pas bien, sans blague), les personnages accompagnant V sont vraiment bien écrits. Le casting est large, allant de la bande de nomades du futur au garde du corps haut placé d'une grande corporation, en passant par le flic déchu, les personnages sont tous attachants, au point où je lançais le jeu pour interagir avec eux plus qu'autre chose. Même le personnage de Johnny Silverhand, omniprésent dans le jeu, est presque toujours pertinent et très bien interprété par ce cher Keanu Reeves. Le jeu nous donne des moments intimistes, renforcés par le fait que l'on ait pas de changement de plan (on est TOUJOURS à la première personne). Pas d'artifice de "montage", de cinématique, tout se joue, le joueur est toujours impliqué à fond. Lors des premiers dialogues, on se prend une baffe, les animations faciales et la lip sync sont super convaincants et les comédiens de doublages sont au top. CDProjekt a su éviter la vallée de l'étrange à pas mal d'endroit, même si certaines animations auraient mérité un dernier coup de polish (on y revient). On est pas au niveau d'animation d'un jeu Naughty Dog, mais vu la quantité de contenu, il faut quand même reconnaître que le boulot est de qualité là-dessus.
Il y a plusieurs types de quêtes dans Cyberpunk 2077: les quêtes principales (évidemment), les quêtes secondaires (qui sont pour la plupart des missions du niveau de la quête principale et qui possèdent un vrai scénario et impactent la quête principale), et les "Gigs" (des missions simples du genre "voler quelque chose", sans impact sur le scénario). Il y a aussi du contenu plus de "remplissage" (objets à collectionner entre autres), mais il ne présente que peu d'intérêt. Le contenu possédant un scénario est vraiment bon, il y a de la variété dans les tâches à accomplir, dans les ambiances. Chaque personnage secondaire va avoir son arc scénaristique, entremêlant la quête principale et les quêtes secondaires, ce qui renforce l'implication du joueur et le pousse à effectuer ces dernières.
Les "Gigs" peuvent donner de bons moments de fun, mais restent un contenu plus superficiel (à quelques surprises près).
Bon, du coup, on a une bonne galerie de personnages, un scénario qui marche pas mal, des quêtes globalement intéressantes mais qu'en est-il du gameplay?
J'ai joué un personnage orienté vers l'infiltration et le piratage, et c'était bien! On pourra regretter que l'infiltration soit pas encore bien calibrée à certains endroits du jeu, mais l'expérience était correcte, avec l'utilisation de piratages pour déstabiliser l'ennemi, que ça soit pendant les phases d'infiltration ou les phases de combat. Pour les plus bourrins, les sensations de shoots sont bonnes même si on est pas au niveau d'un DOOM. Pour le corps-à-corps, par contre, on repassera, pas de peps, des hitboxes hasardeuses.
Mais honnêtement, ce n'est pas le gameplay qui m'a rendu accro à Cyberpunk 2077. Ce sont les moments qui peuvent paraître futiles, minuscules par rapport à la grandeur de Night City: préparer un bon plat avec un ami, en écouter un autre vous jouer sa nouvelle composition, discuter autour d'un feu de camp... C'est là que Cyberpunk brille, dans ces moments de calme avant la tempête, ces tête-à-tête, ces moments qui rendent le personnage que l'on joue et son entourage plus humain.
Ce qui est plutôt ironique, vu le marketing du jeu mettant en valeur trois choses: Keanu, les flingues, et le cul (il y a évidemment du cul dans le jeu, plutôt maladroitement fait dans les scènes que j'ai vu).
Au niveau de la durée de vie, pour finir la quête principale et les quêtes secondaires scénarisées, on m'indique une quarantaine d'heures au compteur. Ce qui est pour moi la bonne durée, le jeu n'a pas le temps de se répéter et de lasser.
Petit dernier point, sur la partie "superficielle" du jeu. Tout au maximum, c'est honnêtement un des plus beaux jeux actuels. Autant la partie technique (les technologies de lumière, de reflets, les matériaux) que la partie artistique (les modèles 3D, les textures) sont dans les meilleures de l'industrie. La bande son du jeu fonctionne super bien, que ça soit du côté "score" (la partition du jeu) que pour les musiques diégétiques (qui réussissent parfaitement leur mission d'être une "soundtrack to fuck shit up").
En conclusion
Cyberpunk 2077, je ne peux pas pleinement le recommander dans son état actuel (Le test a été écrit le 31 décembre 2020). Attendez les patches, les optimisations. Peut être même la version GOTY avec tous les DLC. Mais il y a quelque chose qui prend aux tripes avec ce jeu.
A vrai dire, je suis frustré d'avoir bien aimé le jeu! Il est bugué, pas prêt pour la sortie. Certains thèmes de Cyberpunk ne sont qu'effleurés, politiquement le jeu ne dit pas grand chose, et puis merde c'est bugué et ça manque de finition. Mais il a ce truc. Il y a cette carotte du prochain moment marquant, qui te touchera. De la prochaine mission épique! Du prochain dialogue sur le fait que la vie c'est de la merde, que Night City c'est de la merde, que la société va mal. Je crois que j'avais besoin d'entendre des personnages fictifs refaire le monde.