Assez loin dans le jeu, dans un dialogue en apparence anodin, Monomi (un lapin kawaii rose bonbon qui se prétend magicienne) reproche à Monokuma (un ours noir et blanc bipolaire, kawaii et flippant) d'avoir un discours sibyllin à force de mélanger les tons et les genres. L 'ours répond alors que tant que c'est fun, il ne voit pas pourquoi il se priverait.
Cette petite réplique, mine de rien, résume pas mal le plaisir assez difficile à décrire que l'on ressent en jouant à DraganRonpa 2. Lorsque l'on est, comme moi, un débutant en visual novel biberonné à la littérature occidentale, on peut être révulsé par son écriture fragmentée,inorganique, toujours excessive. Les ruptures de tons sont légions, des genres opposés s'entrechoquent, des personnages stéréotypés jusqu'à l'abstraction interagissent avec d'autres au caractères subtil, etc. Cette dislocation est aussi thématique, on sent bien une volonté de parler solennellement de sujets sociétaux tels l'élitisme, le mérite, compétition, ou encore la peine de mort (toujours en vigueur au Japon, rappelons-le), tout en prenant ses distances avec toute prétention, que ce soit en brisant fréquemment le 4e mur ou en assumant le plaisir simple d'un gag graveleux et d'un whodunnit bien construit.
C'était déjà le cas avec Daganronpa 1, mais le huit-clos et les twist révélés tardivement rendait ce dernier bien plus sobre et homogène.
En résulte un object fascinant qui part dans toutes les directions. Très inégal et parfois agaçant certes, mais traversé par suffisamment de fulgurances pour considérer l'ensemble comme réussi, voire même supérieur à son prédécesseur.
Avoir joué à ce dernier avant, avec lequel il possède un lien très fort, le genre de celui qui connecte MGS1 à MGS2, est quand même très fortement recommandé. Pour des raisons scénaristiques évidentes , mais aussi pour des raisons de gameplay. Les mini jeux et les procès gagnent en complexité et avoir fait Daganronpa en guise de tutorial ne sera pas du luxe.
Trêve de tergiversation et de terme génériques, place au spoiler.
PROLOGUE
L'introduction de Daganronpa était déjà longue, celle de Daganronpa 2 l'est encore plus. Tout commence par une première scène dans une salle de classe très semblable à celle du premier opus, puis brutalement, Monomi apparait et nous embarque dans un cadre radicalement nouveau : une île paradisiaque accueillante où l'objectif est de se lier d'amitié avec les quinze autres élèves. Bye bye l’oppression constante et le huit clos, Daganronpa 2 joue davantage sur les contrastes. Ce qui est loin d'être déplaisant.
Concernant le nouveau casting, il s'avère supérieur au premier opus par bien des aspects, même si certains d'entre eux ne dépassent pas le stade de la caricature (le coach, l'éleveur, le cuisinier, la pop star...). Il est bien sûr encore tôt pour pouvoir juger leur potentiel. En tout cas, Nagito a l'air sympa.
Evidemment Monokuma finit par troubler ces vacances et relancer le jeu des procès. Ses interactions avec Monomi sont à la fois drôles et cocasses, mais j'ai un peu de mal avec le running gag où il la frappe. Il s'agit de deux poupées, OK, mais ça me laisse toujours un goût un peu rance une vanne où un homme tabasse une femme. Bref, hormis ce détail , cette mise en bouche égale celle du premier, et le changement d'environnement amoindrie la redondance. Vivement qu'on attaque les choses sérieuses.
CHAPITRE 1
Erf, Erf, Erf. Le premier chapitre est l'un des plus faibles pour tout un tas de raisons. Pour une mise en jambe, on pourrait espérer que l'intrigue démarre tranquillement, que nenni. Il y trop de trucs dans ce chapitre. Trop de rebondissements, trop de persos, trop de tout. On atteint déjà un seuil de complexité bien au dessus de la moyenne de celui du 1. Le meurtre a lieu dans une grande salle où presque l'intégralité du casting est présent, et vu qu'on a pas encore mémorisé tout à fait qui est qui, autant dire qu'on galère a peu. A cela s'ajoute l'introduction des nouveaux mini jeux, eux aussi bien ardus à intégrer du premier coup. Puis vient la découverte au sujet de Nagito, môssieur "j'aime tellement l'espoir que Je vais venir en aide au désespoir", et bah putain, moi qui le trouvais sympa, voilà qu'il devient insupportable, un ersatz de Genocide Jack.
Le coupable est le cuisiner qui voulait rentrer chez lui, pourquoi pas. Pas de quoi s'en relever la nuit non plus.
La seule qualité scénaristique de ce chapitre se trouve dans le choix de la victime. En choisissant de supprimer le leader bienveillant d'entrée de jeu, un personnage qui s'appelle byakuya togami de surcroit, le sentiment d'urgence et de chaos est palpable. On reste quand même très loin du premier meurtre de DanganRonpa 1, beaucoup plus impliquant pour le personnage principal.
CHAPITRE 2
Découverte de l'île centrale, des robots géants font leur apparitions, poussant encore plus loin le délire nawak, l'univers du Hope's Academy passe désormais pour un modèle d'austérité. Les personnages apprennent qu'on leur a volé la mémoire,une révélation déjà vue dans l'opus précédent, dont le jeu se moque volontairement, avec l'aveu qu'il s'agit là d'une facilité d'écriture. Excellent Gag quand on sait à quel point les twists de fin de Danganronpa 1 ont pu décevoir.
Concernant l'enquête, elle est bien plus plaisante. En dépit d'une introduction laborieuse, entre jeu dans le jeu et sortie plage qui s'attarde bien longuement sur les corps des persos féminin, une fois l'enquête lancée, c'est du tout bon. L'espace est plus étriqué, la fausse piste évidente mais sympa à contrecarrer, et le coupable ainsi que mobile apporte de la profondeur au personnage du jeune yakuza. Enfin, Nagito est resté ligoté tout le long donc même lui ne parvient pas à gacher la fête.
CHAPITRE 3
Comme le précédent, une enquête qui ne fait pas beaucoup avancer le fil rouge, un peu laborieuse a mettre en place avec son histoire de virus dont les symptômes varient en fonction du porteur, mais bien écrite et très plaisante à jouer. L'utilisation d'une vidéo caméra pour brouiller les pistes, une mise scène savamment étudiée pour diriger le spectateur/joueur vers de fausses conclusions, m'a même fait penser à du De Palma, c'est dire. Et Nagito dans tout ça ? Encore une fois, on ne l'entend par trop vu qu"il est agonisant pendant toute l'exposition. En plus, A partir de la phase d'enquête, son altruisme et ses déductions pertinentes le rendent bien moins antipathique. On tient le bon bout.
CHAPITRE 4
Un excellent chapitre qui part d'une idée géniale, à savoir une intrigue reposant presqu'intégralement sur le level design . Ce qui explique que ce le niveau soit moche et vide car l'essentiel n'est ni dans les motifs du papier peint (des fraises et des raisins mouvants), ni dans l'agencement de ses meubles, mais dans son architecture même. Il s'agit du chapitre le plus ludique, avec une phase escape game digne d'un vrai point & click et un changement de point de vue. Car oui, on n'incarne plus simplement Hajime mais aussi Nagito pour l'occasion! Cette toute petite parenthèse approfondi beaucoup le personnage, on commence à comprendre sa démarche, tordue certes, mais non dénué d'intérêt à force de développements incessants.
Scénaristiquement parlant, le chapitre à le mérite de se débarrasser des derniers personnages sans relief, à savoir l'éleveur de hamster et le coach en version robotisé. Peu d'émotions à la découverte de l'identité de la victime et du meurtrier donc, mais qu'importe , on s'amuse tellement qu'on oublie bien vite ce bémol.
CHAPITRE 5
Chef d'oeuvre. Un sommet de perversité et de dégueulasserie autant qu'un énorme crève-cœur. Le décor de la dernière île, avec sa base militaire et fabriques industrielles désertes, renoue avec l'oppression des débuts. Dès son exposition, Nagito prend le joueur et le reste du casting en otage, nous plongeant dans une tension qui ne faiblira pas jusqu'au dénouement du chapitre, incroyablement cruel.
La victime est cette fois-ci Nagito, la meurtrière Chiaki, soit les deux personnages les plus fouillés et attachants. Mais il y a t'il vraiment une victime et un bourreau dans cette affaire? Pas vraiment, ni de gentil ou de méchant d'ailleurs, mais une rivalité idéologique aux conséquences funestes. Désormais, le joueur se retrouve seul. Les survivants restants étant psychologiquement bien trop faible pour espérer y trouver une épaule rassurante.
CHAPITRE 6
Pourquoi continuer ?
Cuz It's game !
Une conclusion semblable au premier épisode. Le dernier chapitre ne respecte plus la routine des meurtres à résoudre et assume totalement sa volonté de nous raconter une histoire. ça twist, re-twist, et re-re-twist à un rythme effréné tout en tenant bien la route, en tout cas bien plus que le premier volet, qui explosait sa diégèse trop brutalement. Le fait de jouer des bad guys amnésique qui jouent leur rédemption est un excellent rebondissement, remettant tout en perspective.
Sinon, le retour à Hope's Academy et celui des personnages de Danganronpa 1 tititlleront la fibre nostalgique, les révélations sur les motivations de Nagito en feront un personnage tout simplement fascinant, et le dernier au revoir à Chiaki permettra d'atteindre un niveau d'émotion jamais atteint jusqu'ici dans la saga. What else ?
CONCLUSION
Vivement Danganronpa v3