La magnifique histoire d'amour entre Franck et Sophie
!! ATTENTION SPOILERS !! (si vous n'avez pas lu le livre, vous êtes prévenus).
Lorsque l'on donne son avis sur robe de marié, ce n'est pas un mais trois romans qu'il faut prendre en compte.
Le récit est donc séparé en parties bien distinctes. Chacune d'entre elles offre une tonalité inédite, ainsi que son lot de rebondissements et de renversement de rapport de force.
La structure est très astucieuse et savoureusement cynique. Si l'on n'était pas face un thriller, on pourrait croire à une oeuvre romantique lambda. Les deux premières parties détaillent la vie avant la recontre. L'une du point de vue de la femme, l'autre celui de l'heureux élu. La troisième suit quant a elle la vie quotidienne des jeunes mariés, ou chacun tentera de prendre le dessus sur l'autre. Sauf qu'évidemment, ce n'est pas une histoire d'amour mielleuse qui est ici décrite, mais l'affrontement à mort des deux conjoints. Le salut viendra pour celui qui manipulera le mieux son conjoint, donnant ainsi naissance à un suspense jubilatoire.
La première partie suit donc les traces d'une meurtrière en fuite et ose l'identification. Si elle n'égale pas les mastodontes du genre ( Un tueur sur la route d'Ellroy, ou les 150 premières pages des Racines du Mal de Dantec), ce premier tiers a le mérite de faire démarrer l'histoire sur des chapeaux de roues ( le premier meurtre au bout intertvient au bout de la 3e page seulement !) . Et Lemaitre possède un style alerte fort bien adapté aux situations de panique et d'hésitations parsèmant cette première partie.
La seconde, n'y allons pas par quatre chemins, c'est de loin l'apogée du roman. En adoptant le point de vue du marié, l'auteur repousse les limites du voyeurisme, de la perversité ,de la manipulation et de la cruauté à un niveau rarement atteint. On retrouve toute ici la force des grandes oeuvres voyeuristes ( Hitchcock, De Palma évidemment, mais aussi le récent et très réussi Malveillance de Balaguero) et on en ressort soufflé, ecoeuré, boulversé devant tant de sadisme.
Enfin la dernière partie, pleine de promesses pourtant, déçoit. Après une seconde partie aussi puissante, l'auteur nous livre dénouement classique et efficace, sans plus. Les motivations du mari, une basique histoire de vengeance avec une génération de retard, tombent comme un cheveu sur la soupe, en plus d'appauvrir le personnage. Il aurait été tellement plus efficace de rendre cette relation hors norme plus ambigue. Le lecteur prend donc clairement le parti de Sophie, la gentille de l'histoire. Ce choix réduit drastiquement la tension du climax final, et le roman perd de son coté malsain.