Danganronpa est un trip. Soit on accroche, soit on lâche l’affaire, pas vraiment de place pour l’entre-deux.
Étant un jeu typé Visual Novel, il fallait qu’il nous donne envie de continuer son histoire, d’en voir le fin mot. Il y a donc trois points importants à développer : l’univers, les personnages et le scénario. Comme dit plus haut, Danganronpa a décidé de partir dans une direction et de s’y tenir jusqu’au bout, se coupant forcément d’une partie du public qui n’entrera pas dans son univers, un peu loufoque, glauque et s’amusant de tout un tas de clichés. Je vois parfaitement pourquoi on peut le détester. Pourtant, au-delà du fait d’aimer ou non, j’apprécie de base cette intention de ne pas faire de concessions ou de demi-mesure et donc d’y aller à fond. Résultat, malgré le concept initial sombre et malsain, un huis-clos où la seule issue est de s’entre-tuer, le jeu baigne dans un humour quasi-permanent, qu’il soit stupide ou ironique voire même parfois noir, se détachant du réalisme tout en restant crédible dans les bornes posées dans son univers. L’ambiance est donc un mélange étrange de tragique et de comique, qui détonne un peu. Sans concession.
Même chose pour les personnages, qui sont de véritables caricatures sur pattes pour la plupart. Danganronpa joue avec eux, parfois en poussant le cliché jusqu’à l’absurde, pour le meilleur comme pour le pire, mais également au contraire pour d’autres personnages en déconstruisant leurs clichés. Ainsi, tous les protagonistes de l’histoire sont très différents et il est assez aisé d’en trouver quelques uns susceptibles de nous plaire. Mais le scénario, les meurtres qui sont commis par l’un ou l’autre de ces élèves enfermés dans une école transformée en bunker aux mains d’un ours psychopathe, fait que certains personnages sont peu fouillés et qu’il est parfois frustrant de voir un personnage que l’on appréciait mourir. C’est une des limites du concept, mais on l’accepte et au fond le mode « School » permet de les creuser un peu plus, même si cela reste toujours plus sommaire que les personnages qui survivent jusqu’à la fin de l’histoire.
Notons également, toujours dans cet aspect "au bout des choses", un style artistique affirmé avec les représentations en pop-up des personnages et des séquences animées qui dégagent, à mon goût, une réelle identité que j'ai vraiment appréciée. Il a ce petit quelque chose dans son esthétique que je n'arrive pas à exprimer et qui marque.
La thématique centrale, celle de l’espoir et du désespoir, est plutôt bien utilisée, même si encore une fois, il faut accepter son parti pris et son omniprésence – que je n’ai pas trouvée dérangeante, loin delà, ça s’accorde parfaitement au trip de Danganronpa. J’ai particulièrement apprécié son traitement dans l’affaire finale, même si je reste frustré que l’univers « étendu » entraperçu dans le jeu ne soit justement qu’entraperçu, sans la moindre explication, nous laissant dans un flou désagréable. Il me fait clairement dire qu'à l'époque de la sortie du jeu, les développeurs ne savaient pas exactement comment le présenter, et qu'ils ont donc choisi de ne rien en dire, pour le faire dans les suites si jamais suite il y avait.
Pour ce qui est du reste, donc du gameplay, il y’a du très classique, avec les phases de recherches qui ne traînent pas trop en longueur et un côté dating sim assez simpliste (et pas franchement utile), tout comme il y a du un peu moins classique, avec les phases de procès qui sont assez dynamiques et s’amusent à diversifier le gameplay. Pour un genre qui est traditionnellement statique, je salue la volonté de rendre le gameplay amusant des petits gars de chez Spike Chunsoft.
Deux bémols à noter néanmoins. Premier point, le jeu est globalement très facile, ce qui est un peu décevant. Surtout que cela implique donc que l'on peut voir venir la majorité des twists assez vite, ce qui est dommage parce qu'ils ne sont pas inintéressants et le scénario dans l'ensemble est vraiment agréable à suivre. Deuxième point, les (très) rares fois où il est "difficile", c’est bien souvent par des formulations de phrases étranges qui rendent les déductions aléatoires. Frustrant.
En point en demi-teinte, parfois réussi et parfois décevant, les meurtres. Ils sont pour la plupart plutôt bien fichus, assez imaginatifs… mais il y a des éléments, dans certains d’entre eux, qui sont assez tirés par les cheveux et qui m’ont un peu dérangé. À voir si le second épisode tombe à nouveau dans ce travers ou non, je verrai bien.
S’il est difficile de dire si on va accrocher ou non avant de l’essayer, Danganronpa vaut quand même le coup d’œil. C’est typiquement le genre de jeu « Hit or Miss », à l’image du symbole du pistolet et des cibles que le jeu se plait à utiliser pour illustrer les arguments. Il pioche dans la culture japonaise actuelle – anime et jeux-vidéo – avec plus ou moins de succès pour en ressortir quelque chose qui peut, paradoxalement, être considéré comme unique tout autant que banal. Pour ma part, je me situe dans le camp de ceux qui ont été convaincus par cet essai, qui reste à confirmer avec les opus suivants.