On ne va pas se mentir, c'est un des titres les plus faibles auxquels j'ai pu jouer sur PlayStation VR. Pourtant, enquêter sur des décès prématurés, explorer sournoisement l'habitat d'autrui, m'angoisser dans des décors où la mort rôde et le faire en immersion totale dans mon casque, c'est un peu la came de ma came. Sauf qu'un pitch, il faut l'exécuter correctement. Et en terme d'exécution, Dead Secret prend la flotte de partout.
Déjà commençons par le plus bas niveau de complainte: ça n'est pas particulièrement jojo en terme visuel. Autant les modélisations et textures relativement sommaires font un travail suffisant pour représenter ce que l'on regarde. Autant, côté lumière, c'est carrément désespérant. La platitude de cet éclairage blanc qui n'offre aucune ombre jette un froid immédiat sur l'atmosphère qui pourrait se montrer glauque. Dans un débat sur le stéréotype le plus usité des jeux d'aventure horrifique à la première personne, je serais le premier pourfendeur de la lampe torche Lidl qui éclaire à cinquante centimètres devant soi. Seulement le fait est qu'une scène de crime éclairée comme l'intérieur d'un frigo, ça casse carrément l'ambiance.
Le problème se cumule en plus avec une navigation particulièrement laborieuse en VR - je n'ai pas testé le mode normal. La plupart des jeux en réalité virtuelle offre soit de se téléporter où l'on veut via un réticule, soit de marcher soi-même avec des contrôles conventionnels, au risque de VR sickness. Dead Secret opte pour un mode de déplacement proche d'un Versailles ou autre jeu d'aventure Cryo Interactive. Chaque pièce nous permet d'avancer à quelques endroits scriptés (devant le bureau, devant le canapé, devant la bibliothèque), d'où on peut regarder la pièce. On ne peut pas marcher librement. Là où ça pose problème, c'est déjà dans le fait que ça limite l'exploration qui est pourtant un des plus indéniables de la VR. Un point&clic avec un casque sur la tronche devrait normalement amener le joueur à organiquement regarder le décor, à se rendre compte de l'échelle des pièces en marchant, à se pencher pour ramasser un objet coincé derrière un bureau, à tourner les pages d'un manuscrit dans sa main etc. Le rapport au jeu doit devenir tactile pour renforcer l'immersion. Au lieu de ça, on se contente d'un personnage qui ne s'arrête pas quand on a malencontreusement cliqué vers l'autre bout de la pièce (on ne peut pas annuler l'animation de déplacement) et d'une exploration des décors artificielle à l'extrême. En effet, si un objet n'a pas d'importance en terme d'interaction, on ne peut pas aller devant - exemple dans la chambre de gauche, au premier étage, on peut se placer devant la table de nuit à gauche du lit pour ouvrir les tiroirs parce qu'ils sont interactifs et contiennent un document, mais pas devant la table de nuit à droite du lit dont les tiroirs sont ouverts, vides et ne proposent pas d'interaction.
Et comme en sus, la disposition des objets "cachés" et des traditionnelles pages de journal (qui sont le stéréotype n°2 des jeux d'aventure horrifiques en vue à la première personne) est particulièrement insensée, l'exploration n'a aucun saveur ni aucun mystère.
Pour finir sur la partie "technique" de l'affaire, les menus sont faits en dépit du bon sens. On ne peut pas se servir des joysticks, il faut regarder ce que l'on veut consulter. Sauf qu'étrangement, le menu est placé en haut du champ de vision du joueur. Il faut donc constamment lever la tête pour choisir ce que l'on veut voir. D'une manière général, rien n'est vraiment placé en plein milieu du champ de vision et il y a toujours un léger inconfort quand on regarde quoi que ce soit (pas catastrophique néanmoins). La répartition des documents se fait aussi avec plein de sous-catégories, et on ne peut pas revenir en arrière dans les menus. Il faut à chaque fois quitter puis rouvrir les documents que l'on veut voir. Bref, c'est étonnamment encombrant, à la fois en terme de déplacement ET de menuing pour un jeu aussi simple en terme d'interactions.
Alors le titre pourrait être sauvé par son histoire et sa narration. Seulement, encore une fois, je me vois contraint de mettre de gros bémols.
Le prémisse en soi est parfaitement acceptable. On arrive dans une maison isolée en rase campagne, scène de crime jamais résolu. La protagoniste que l'on incarne est une jeune journaliste aux dents longues qui pensent avoir dégoté de nouvelles informations qui pourrait l'aider, si ce n'est à élucider l'affaire, au moins à l'éclairer de nouveau sous un nouvel angle. On a donc une liste de suspects (les mêmes qu'à l'époque du meurtre) et on va fouiller la maison pour trouver ce qui s'est réellement passé...comme aurait du le faire la police au moment du crime finalement.
C'est un peu le clou dans le cercueil de cette histoire qui démarre à peine. Clou que j'évoquais déjà comme un problème de gameplay et d'exploration: le placement des documents n'a aucun sens quant à la diégèse du jeu. Ne serait-ce qu'avec trois morceaux de papiers qui sont littéralement posés sur le bureau, dans la bibliothèque (même pas entre deux livres) et sous un coussin de canapé (en dépassant du coussin), la police aurait déjà du avoir un vrai suspect. Sauf que notre journaliste ne fait jamais mention de ces détails dans l'enquête initiale de la police. Soit elle fait un travail de cochon, a été capable de trouver le rapport du légiste mais pas le reste, soit la police n'en avait rien à carrer au moment du meurtre et n'a pas enquêté. C'est tout de même une sacrée pilule à avaler.
Cela se combine avec la plupart des problèmes habituels des jeux de ce genre trop scriptés. Le personnage avatar refuse que l'on aille dans telle ou telle pièce tant que l'on a pas fait autre chose ailleurs, rendant très artificielles les découvertes. Les documents donnent de manière incroyablement commode les informations au compte goûte. Les personnages du passé écrivaient tout dans leur journal y compris les secrets qu'ils pensaient compromis et qu'ils avaient gardé pendant près de vingt années. Et, sans vouloir être encore plus pédant, car je trouve le fond sympathique et au moins suffisamment accrocheur pour vouloir savoir le fin mot de l'histoire, ça n'est pas non plus écrit avec une élégance folle dans la forme. Beaucoup de répétitions dans les structures de phrase et d'utilisation de vocabulaire basique pour des personnages qui sont censés être très érudits donnent la sensation de lire une creepy pasta un peu banale. Pas dégueulasse ou illisible, juste un peu banale.
Et la banalité d'écriture combinée à une exploration moins que médiocre, ça ne vaut certainement pas le prix d'entrée. Clairement mon premier regret d'achat sur ce support et un titre qui aurait plus eu sa place à très petits prix sur Itch.io ou bien même gratuit sur Gamejolt tant il fleure bon le coup d'essai du jeune game-designer. Passez votre chemin, dans ce genre surpeuplé, il y a bien mieux en VR ou pas.