Sept ans après sa sortie, on peut déjà dire que Dead Space est l’un des jeux cultes de la génération PS30 : le casque aux néons bleus d’Isaac est passé à la postérité et le jeu est reconnu comme l’un des meilleurs « survival horror » de ces dernières années. Plutôt à raison.

Déjà, le soft de Visceral Games est issu d’une nouvelle licence, et se paye même le luxe d’avoir un univers original pour un jeu (d’horreur) : l’espace. Avec quand même un cadre bien restreint qui sera le vaisseau Ishimura, pour permettre une unité de temps et de lieu qui permet d’être bien imprégné d’une ambiance particulière (cf Resident Evil et son manoir).

Dead Space pousse d’ailleurs assez loin l’immersion, puisqu’il ne dispose pas d’un encombrant HUD, et même les menus sont incorporés aux phases de jeu : tout se fait par hologramme. Et il n’y a d’ailleurs que très peu de cinématiques, puisque la plupart des informations sur le scénario ou sur les quêtes effectuées sont dispensées par des vidéoconférences holographiques sans jamais restreindre le joueur dans une passivité totale. L’idée rappelle BioShock, et les deux jeux ont effectivement des points communs en termes de narration, que ce soit l’absence de cinématiques donc, ou la recherche facultative de bandes audio pour en apprendre plus sur le background du jeu.
Et celui-ci est relativement riche, on sent qu’il y a eu une réelle volonté de créer un univers cohérent et sérieux, mais le manque de charisme des différents protagonistes et le mutisme d’Isaac font qu’on a bien du mal à se passionner pour les aléas du scénario, ou même les morts « importantes » d’autres personnages, et du coup on ne joue clairement pas à Dead Space pour son scénario.

Parce qu’Isaac est effectivement très seul, et ses rencontres avec d’autres humains se soldent souvent par une fin atroce (et probablement douloureuse) pour ceux-ci. Sans doute pour appuyer la solitude du héros, qui déambule dans ces sombres couloirs sans l’aide de quiconque, et pour renforcer l’immersion du joueur ; Isaac ne parle sans doute pas d'ailleurs dans ce but.

Cependant, cet univers spatial a beau ne pas être extrêmement bien exploité par le scénario, il l’est toutefois par le gameplay, alliage intelligent de classique, d’idées nouvelles et de tendances typiques de la génération précédente. Comme cette volonté d’inséminer une composante RPG dans à peu près tous les genres de jeux (avec les points de compétence à répartir pour les armes/équipement), le level-design volontairement dirigiste pour mieux distiller les scripts effrayants ou ce côté shooter, parfois mal assumé. Et au niveau des idées « nouvelles », ou à défaut plutôt originales, il y a évidemment les phases sans gravité, plutôt renversantes et appropriées vu l’univers, tout comme celles se déroulant en extérieur, avec de l’oxygène limité et une insensibilité totale au bruit (l’effet est assez bluffant) ou encore les pouvoirs de « stase » ou de télékinésie qui sont autant utiles pour résoudre des énigmes que pour se battre. Les combats sont d'ailleurs plutôt originaux, puisque la manière la plus efficace d'éliminer un monstre est de le démembrer, ce qui donne lieu à des combats plutôt insolites.

Et le déroulement du jeu, en niveaux bien segmentés, est assez sympa, avec un tramway qui amène à chaque fois Isaac dans une nouvelle partie du vaisseau, ça a presque un côté touristique, et c’est amusant de voir toute la structure du vaisseau, de ses dortoirs aux générateurs, en passant par les étonnantes serres botaniques. Le revers logique à cela, c’est qu’on ne peut pas se déplacer librement au sein de l’Ishimura et que rarement un jeu aura été aussi strictement linéaire. C’est bien simple, quand le joueur a le choix entre deux portes différentes, il est pratiquement certain que l’une mène vers une carte magnétique, et l’autre vers la porte qui s’ouvre avec. A tel point que les autres portes sont bloquées tant que le joueur n’a pas emprunté un certain chemin, voire n’a pas éliminé tous les monstres de la pièce (ce qui contrevient un peu à « l’esprit survival », puisqu’on ne peut généralement pas éviter les combats). Et l’une des forces du premier Resident Evil était justement de proposer un manoir ouvert et labyrinthique, qui forçait le joueur à employer sa carte, à se repérer, à comprendre la structure du level design pour avancer intelligemment (et pour éviter certains monstres aussi). Dans Dead Space, le joueur peut se contenter d’avancer sans réfléchir, en suivant les couloirs et les indications des différents pignoufs dénués de charisme qui lui parlent régulièrement, sachant qu’à tout moment il peut voir sur sa carte « le bon chemin » : impossible de se perdre. Et c’est dommage de ne pas avoir joué davantage sur ce sentiment d’égarement.

L’autre problème qui en découle, c’est que le level-design est très prévisible, comme dans un shooter, on s’attend donc à devoir affronter une armada d’ennemis lorsqu’on trouve trop de munitions d’un coup, ou juste après un point de sauvegarde un peu trop bien placé, et … c’est bien plus dérangeant que dans un Gears of War, parce que du coup on s’attend au danger. Et globalement, le jeu est très prévisible, que ce soit ses twists scénaristiques, ses moments de « surprise » ou son level-design donc. On finit très vite par anticiper le moment où les monstres peuvent débouler, et ça me semble être un défaut majeur pour un jeu qui joue sur la peur. Un exemple flagrant : à un moment on se retrouve dans un ascenseur étonnamment large par rapport à ceux déjà employés auparavant, le trajet est un peu trop long et il fait un peu sombre, MAIS QUE VA-T-IL SE PASSER ? Bah oui, 2-3 monstres qui tombent du ciel pour provoquer un jump-scare peu subtil. Je suis loin d’être un fan de films d’horreur, mais les ficelles m’ont semblé bien trop grosses que pour être réellement effrayantes.

En fait, le seul chapitre vraiment « flippant » du jeu, c’est le 5ème, qui se déroule dans une pénombre presque totale, et dans lequel Isaac fait la découverte d’un monstre « invincible ». Pourquoi ça marche ? Parce qu’on n’y voit pas à deux mètres, que l’ambiance sonore est fantastique (mais j’y reviendrai) et que ce brave Isaac a beau avoir un arsenal digne d'un Gears, là il ne peut que fuir et gagner du temps. En gros, c’est ce qui a fait le succès d’Amnesia, la plus grande frayeur est provoquée par les monstres qu’on ne peut affronter. Mais hormis ce chapitre, et quelques séquences ponctuelles, Dead Space sera nettement plus « stressant » que flippant, et je trouve ça un peu dommage.

Parce que les artistes de chez Visceral Games ont fait un boulot de fou, que ce soit au niveau graphique ou sonore. Le jeu est toujours magnifique en 2014, ses effets de lumière n’ont presque aucun équivalent sur PS360 et l’Ishimura transpire la crasse, le sordide et l’environnement technologique déshumanisé. L’ensemble est saisissant, et est appuyé par des bruitages fabuleux (parce que comme tous les jeux d’horreur, Dead Space se joue avec un casque évidemment), mélange de bruits glauques plus ou moins permanents (pour maintenir une certaine tension), d’annonces robotiques et de sons d’alarme assez stressants. Et le plus saisissant, évidemment, ce sont les moments où l’on n’entend plus rien, et c’est là qu’on ressent paradoxalement toute l’importance des bruitages, ne serait-ce que pour repérer les ennemis qui attaquent par derrière ou entendre s’ils ont bien été touchés. De grands moments d’ambiance.

Du coup, Dead Space est un jeu qui a étonnamment très bien vieilli, son univers original et son ambiance valent toujours le coup en 2014, et si le jeu a des lacunes relativement préjudiciables, comme son côté TPS trop prononcé (qui fait qu’on se sent un peu trop puissant) ou l’aspect horrifique un peu loupé à cause de la prévisibilité des situations, il demeure l’un des jeux les plus emblématiques de la septième génération. Tout ça en proposant un gameplay efficace et bien pensé, et en ayant le mérite d’avoir lancé une nouvelle série.
Floax
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le 9 sept. 2014

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