Fin 2008, alors que le monde entier (moi compris) attend Resident Evil 5 pour redonner ses lettres de noblesse au Survival Horror (on connait malheureusement la triste suite de l'Histoire), débarque une nouvelle licence qui change la donne. Cette nouvelle licence s'appelle "Dead Space" et propose un Survival Horror en bonne et bue forme qui arrive à retrouver les sensations d'antan (horreur sans limite, ennemis coriaces, level design astucieux offrant des situations bien stressantes) tout en offrant un emballage moderne (caméra-épaule, intégration de l'interface transparente, gameplay relativement souple).
Le Survival Horror "Next Gen" venait de trouver son meilleur représentant.
Autrefois outsider qui n'avait rien à perdre (nouvelle licence, studio n'ayant pas vraiment fait ses preuves, genre délaissé) la licence revient en 2011 avec le statut de blockbuster qui ne doit pas se rater.
"On prend les mêmes et on recommence", c'est peu ou prou ce qu'on pourrait se dire avec "Dead Space 2" : même héros, même moteur, mêmes mécanismes, mêmes ennemis, même trame principale... mais le tout dans un décor différent puisqu'on troque le vaisseau fantôme pour une colonie spatiale. L'occasion de proposer de nouveaux décors (une église, un quartier résidentielle, une crèche !).
Pourtant, dès la première minute de jeu, on constate immédiatement un changement. Là où "Dead Space" commençait par une intro lente et progressive, "Dead Space 2" s'ouvre par un massacre sauvage et une course poursuite effrénée.
Pan, dans ta gueule. Un crédo que ne démentira pas la suite du jeu, bien plus speedé que son aîné. Qu'on se le dise on est ici dans une logique très hollywoodienne, le fameux "Bigger, Faster, Louder" vanté par tant de producteurs.
Les affrontements sont ainsi plus fréquents et surtout plus massifs, plus que jamais les réflexes et/ou la bonne connaissance de la salle seront mis à profit pour survivre.
L'action était bien sûr présente dans "Dead Space" mais dans "Dead Space 2" elle est ici vraiment au centre du jeu.
Paradoxalement le jeu n'est pas plus dur, c'est peut être même l'inverse puisque les crédits et les munitions pleuvent, que ce soit dans les placards, les boites, les cadavres, il est très rare d'être à court de munitions suffisamment longtemps pour que ça devienne dangereux. L'absence de boss (en dehors du boss de fin) y est aussi pour quelque chose dans cette sensation de relative (car on meurt tout de même régulièrement) facilité.
Il est bon de noter que le jeu a aussi étoffé son catalogue d'armes mais, comme dans le premier "Dead Space", certaines armes sont d'une efficacité tellement redoutable qu'on reste sans arrêt avec les mêmes. Le fameux cutter plasma emblématique de la licence restera votre compagnon inséparable et la surpuissance du lance mine fait qu'on ne jure plus que par lui une fois qu'on l'a essayé (merci l'IA en bois qui ne repère pas les lasers des mines). Les ennemis ne semblant pas spécialement réagir mieux ou moins bien aux différentes armes on en vient à rester scotché au mêmes tout le long de l'aventure.
Plus nerveux le jeu l'est assurément mais il est également plus démonstratif.
La peur joue beaucoup moins sur l'angoisse, l'attente mais plus sur les montés brusques d'adrénaline, le stress du nombre d'assaillant. Débarrassé de la sensation d'être une simple proie on avance plus franchement même s'il nous arrive de sursauter encore souvent.
Idem au niveau de l'ambiance puisque "Dead Space 2" arrive à être encore plus gore que son aîné, pourtant déjà bien servi à ce niveau là. Que ça soit à travers certains nouveaux adversaires ou à travers des scripts particulièrement gratinés le sang coule à flot. On se retrouve avec un jeu plus brutal mais moins dérangeant.
Une partie du charme de "Dead Space" venait de la distance, de la froideur avec laquelle était considéré Isaac Clarke (le personnage principal). Un héros muet et victime jusqu'au bout. Dans "Dead Space 2" il parle mais ça ne s'arrête pas là... il parle tout le temps ! On se sent ainsi beaucoup isolé qu'auparavant, beaucoup moins étouffé et le comble du comble est de l'entendre jurer comme un chartier en plein combat comme dans "Unreal Tournament" (Entendre ses "fuck you" à la chaîne lorsqu'il achève les monstres à coup de pied est plus ridicule qu'utile).
La contre-partie évidente à cela est que notre héros est plus humain, moins désincarné qu'il y a 2 ans. D'ailleurs une grande partie du jeu tourne autour de sa folie mais là encore les gros sabots sont de sortie. Dans "Dead Space" cette folie était présente mais bien plus diffuse, masquée et il fallait attendre très tard dans le jeu pour réussir à distinguer la part de folie de la part de réalité dans les événements, achevant de donner une tournure tragique à l'histoire.
Ici on sort les filtres de couleur, la bande son qui sature, les sautes d'images, les voix déformées et les ectoplasmes ensanglantés aux yeux luminescents. Il ne manque plus que le gros panneau "attention : hallucination" pour que la panoplie soit complète. Un procédé rentre dedans qui possède une certaine efficacité mais qui reste un poil trop grossier. Surtout qu'à côté de ça le scénario n'est pas très épais et recycle nombre de ficelles du premier épisode, si bien qu'on devine la fin assez vite.
"Dead Space 2" est à "Dead Space" ce que le "AlienS" de James Cameron était au "Alien" de Ridley Scott : on retrouve la même formule, en plus bourrin mais avec toujours un certain plaisir. Si le jeu est un peu trop spectaculaire (comme en témoigne les nombreux affrontements scriptés en QTE) et un peu moins renversant que son aîné il reste agréable à jouer... du moins jusqu'à un certain point.
Car une fois arrivé au chapitre 10 le jeux se prend à son propre piège, celui de la surenchère. Le level design se fait moins inspiré et on se retrouve à enchaîner les espaces plus ou moins confinés en repoussant des vagues de monstres jusqu'à l'écoeurement. Le jeu perd alors toute sa dimension oppressante et on se retrouve à nettoyer les pièces comme Chuck Norris nettoyait la vermine communiste.
Un problème qui ne vas qu'en s'amplifiant jusqu'au 15ème et dernier chapitre. Le point culminant étant le chapitre 12 où on se retrouve dans une situation grotesque d'un point de vue mise en scène et scénario et sans intérêt d'un point de vue ludique.
L'envie de faire toujours plus incroyable fini par plomber le titre puisqu'on y franchit la ligne rouge : celle au delà de laquelle ça devient simplement pénible à jouer. Les salles bourrées à craquer d'abomination s'enchaînent sans la moindre lueur de renouvellement.
"Dead Space2" reste un jeu acceptable : la technique est solide (les effets de lumière sont fabuleux, les décors très beaux, le travail sur le son remarquable) et le gameplay est bien rodé. Mais ce volet peine à maintenir l'intérêt tout le long du périple comme en témoigne un dernier tiers particulièrement insipide.
Un sentiment d'autant plus mitigé que la mythologie fait du sur-place. Le scénario se contente de transposer les évènements du 1 dans un autre lieu et de multiplier par 4 le nombre d'éléments pour faire croire qu'il y a du nouveau. Exemple révélateur : le monolithe de "Dead Space" faisait 4 mètres de haut et bien celui de "Dead Space 2" fait la taille d'un gratte-ciel ! Mais fondamentalement ça ne change rien, c'est juste plus impressionnant.
"Dead Space 2" ressemble à un exercice de vulgarisation de "Dead Space", un produit plus bruyant, plus "awesome", plus calibré mais moins inspiré, moins singulier, moins marquant.
Sans véritablement dénaturer la licence on a l'impression que "Dead Space 2" essaye de rentrer un peu dans le rang, dans des canons plus identifiables.
Le jeu se fend même d'un mode multijoueur inutile et tout pourri comme si ça allait intéresser quelqu'un... le vrai problème de "Dead Space 2" c'est qu'il coche des petites cases dans un cahier des charges.
Je pense qu'on était en droit d'attendre plus d'ambition pour cette suite qui, en dehors du nombre de cadavres empilés en fin de partie, apporte moins que son prédécesseur.