Dead Space 3
5.8
Dead Space 3

Jeu de Visceral Games et Electronic Arts (2013PC)

« Ce n'est pas l'abondance, mais l'excellence qui est richesse. »

Note 1 : cette critique a pour but de vous prouver que, sans changer les fondamentaux qu’il s’impose, DS3 aurait pu être excellent.
Note 2 : cette critique va contenir des spoilers. Néanmoins, si vous souhaitez économiser 70€ ou 3 jours de download, c’est maintenant ou jamais.
Note 3 : le contexte : j’ai plus que surkiffé DS1, et ce bien avant sa sortie alors que tout le monde s’en foutait à l’époque, et j’ai également adoré DS2, malgré sa fin un peu trop action un peu foirée. Je n’attendais rien de DS3.
Note 4 : le titre de la critique est destiné à EA, pour peu que le jeu ait des ventes décevantes (RE6 like). La citation est de Joseph Joubert.
EDIT : on dirait bien que ça se confirme !
http://www.gamekult.com/actu/dead-space-4-compromis-A107754.html


Commençons par un petit point scénaristique :

DS3 aurait pu être un trésor de mythologie. L’histoire des monolithes et des nécromorphes aurait pu être détaillée, enrichie. L’histoire de Tau Volantis, cette gigantesque ancienne planète océan, aurait également pu être au centre de l’intrigue.
A côté de ce background éminemment creusé, on aurait pu avoir une narration de haute volée du côté des protagonistes principaux, qui auraient pu être attachants. Sans aller aussi loin que The Walking Dead, les relations entre les personnages auraient pu être travaillées, vivantes, intéressantes. Visceral aurait pu prendre des risques, oser des choses horribles, faire souffrir ses personnages, les faire endurer pour ce qui est décrit comme étant leur ultime mission…

Mais au final, l’histoire de DS3 se concentre sur l’amour perdu entre Isaac (qui a visiblement complètement oublié Nicole en assez peu de temps, ça valait bien le coup d’en cauchemarder pendant tout le 2) et Ellie (qui a plutôt bien récupéré depuis son léger accident dans DS2), le tout perturbé à cause du méchant Robert. Oui, ROBERT. Parlons-en tiens. Le sergent renommé, pas méchant mais vraiment con, qui est trop amoureux pour comprendre que s’il ne va pas sur Thau Volantis détruire la source monolithique, le monde est foutu (et lui aussi par la même occasion), et qui ne pense donc qu’à rentrer chez lui avec sa douce.
Malheureusement, celle-ci est à fond dans la mission avec Isaac. Pas content du tout, ROBERT va donc trahir nos amis, en les vendant à Danik. Plus cliché, tu meurs.
Mais qui est Danik ? Bein lui, c’est le méchant, le chef autoproclamé des unitologues, ceux qui veulent la fin de la race humaine par convergence monolithique. On se le trimballe pendant tout le jeu, il n’apporte rien, mais le comble du comble reste comment il finit : cet abruti… se fait embrocher par la lune de Thau Volantis (oui oui, on va en reparler, ça c’est très lol aussi), et meurt. Et voilaaa. Il a convergé et puis c’est tout, il est content. Au final, ce type n’aura servi à RIEN. Le seul moment où il a attiré mon attention, ça a été quand il a commencé à palabrer à la section de paléontologie :
« Je suis un homme de science Isaac, pas un fanatique, et je vais vous prouver en quoi j’ai raison, et en quoi l’unitologie et la convergence sont la seule voie viable pour notre espèce »
Mais suite à cette superbe déclaration, rien. Ce qui suit, c’est du néant. Étant moi-même plutôt scientifique dans l’âme, cette déclaration m’intéressait d’autant plus. Mais non. Il ne nous prouve rien du tout. Là où des méchants hyper-travaillés comme le Joker dans les derniers Rocksteady, ou encore Konrad dans Spec Ops : The Line, vous aurait fait douter de votre action, aurait insinué ses petites idées malsaines dans votre cerveau… là rien, néant. On aurait pu avoir un méchant fou, dérangé, dérangeant. Mais non.

Et à cause de ce scénario centré sur des relations ratées entre les personnages (qui sont d’ailleurs lourds, lourds, mais louuuuuuuuuuurds (« je ne veux pas mourir pitiééé », « je suis pas ton ami », …)), le background passe à l’arrière plan, et on en vient vite à ne plus comprendre grand-chose.
Codex, machine, Rosetta, Serrano… On finit par comprendre ce que tout cela signifie, mais suis-je le seul à avoir eu l’impression qu’on me disait de reconstituer Rosetta sans qu’on m’ait expliqué d’où venait cette info ? Qu’on me disait qu’il fallait réactiver la machine sans qu’on m’ait parlé de la machine auparavant ?
D’ailleurs, à ce sujet, on se paye tout le chemin jusqu’au centre de la machine pour y foutre le codex et détruire les nécromorphes… Mais quand Danik le fait, ça déclenche la fin du monde. Oh wait, pas de soucis, Isaac s’empresse de courir à la verticale jusqu’à la lune pour… RETIRER LE CODEX. Bah bien sûr. Donc on fait tout le chemin pour mettre le codex, quand on le met c’est la fin du monde, mais quand on le retire on tue la lune (lol). NORMAL. Peut-être qu’il aurait fallu tourner le codex à droite et non à gauche, qui sait ? J’ai sûrement loupé un épisode, et j’ai pourtant été attentif. Cela est peut-être dû au fait que les quelques bribes d’histoire trouvées dans les nombreux documents m’intéressaient cent fois plus que l’histoire du jeu elle-même.

Dernière chose : les rares moments prenants, les rares moments où le scénario nous fait sourciller, sont complètement sabotés par Visceral eux-mêmes… En fait, je ne sais pas pourquoi j’utilise le pluriel car il n’y en a qu’un : la mort supposée d’Ellie. Franchement, j’y ai naïvement cru. Je me suis dit
« Chaud, j’ai bourriné le QTE par réflexe, et en faisant ça j’ai sacrifié Ellie. Chaud »
Sauf que non, évidemment Ellie s’est téléportée et a survécu. Ce sabotage de fou. Du coup, quand Isaac meurt à la fin, je n’y ai pas cru une seule seconde. Et le post-générique m’a confirmé ce second sabotage.

Bref, au lieu d’avoir un scénar inconsistant, lourd, pas centré sur les bons points, et au potentiel complètement gâché, on aurait pu avec les mêmes ingrédients, bien mélangés, avoir un background complexe et super intéressant, des personnages discrets mais attachants, une aventure prenante et épique. Raté.


Après ce (long) aparté sur les pendants scénaristiques du jeu, passons à ce qui a fâché nombre de joueurs, à juste titre : le jeu n’a plus grand-chose d’un Dead Space, encore moins d’un jeu d’horreur, et encore moins d’un survival. C’est un jeu d’action violent (et encore). Qu’à cela ne tienne, même si je désapprouve évidemment totalement ce revirement, ce n’est pas l’objet de cette critique. Admettons donc que le jeu soit orienté action.

Eh bien on aurait pu avoir un jeu en coop vitaminé et fun, et un mode solo bien plus pesant, avec de grands moments de vide, de suspense, pas de nécromorphes… et puis d’un coup la déferlante. On aurait pu avoir des moments sales et dérangeants, entrecoupés de grosse sections de fight. Et ça, c’était parfaitement possible. Le milieu du jeu le prouve : l’arrivée à Thau Volantis, puis la découverte dans la cave de ces nécromorphes tous noirs vivants dans l’obscurité, est vraiment sacrément bien foutue. C’est à ce moment, après un début que j’ai trouvé on ne peut plus moyen, que je me suis rendu compte que le jeu avait en réalité un vrai potentiel. A ce moment, et uniquement à celui-ci, le rythme est parfaitement dosé. Le jeu aurait pu alterner de nombreuses séquences géniales comme celle-ci, à de bonnes grosses bastons avec de méchants nécros.

Mais non, au lieu de ça on a un rythme complètement raté, avec des nécros qui nous tombe dessus tous les 5m, sans exagérer. Comment peut-on appréhender leur rencontre, quand on sait qu’un couloir de plus de deux mètres va forcément accueillir une énorme baston ? Et ça, cette surdose, est incroyablement lassante. Surtout au début du jeu, où on a que des armes moisies. Après, ça devient plus sympa, car on défouraille à tout va avec de puissants guns. Mais quand vous n’avez que votre cutter impuissant, démembrer des centaines d’ennemis à la pelle est anti-fun au possible…

De même, là où le jeu aurait pu assumer son côté action débridé entrecoupé de séances calmes et flippantes, avec un bestiaire dément et des Boss gargantuesques, il n’en est rien. Pour le bestiaire, on remplace les bébés par des chiens, les enfants par des adultes affamés, et on saupoudre le tout d’un peu de plagas sur certains ennemis, et vous avez exactement le même que dans DS2. Aucune idée, aucune innovation. Il en manque même (les brutes… en fait remplacées par les aliens infectés).

Même refrain pour les Boss : il y en a trois dans le jeu.
- Le premier, que l’on affronte trois fois, dont deux fois identiquement, dans une arène à chaque fois, assez peu réussi au final.
- Le second, la sorte de Reine Mère des Neiges déjà montrée 100 000 fois par EA dans ses trailers et autres gameplays, et de toute façon complètement pompée sur DS1.
- Le Boss final, la lune de Thau Volantis. Parlons-en tiens. Pour terminer le jeu, vous devrez donc CREVER LES YEUX de LA LUNE en lui BALANCANT DES MONOLITHES. Non mais sérieusement ??!! Sur ce coup je ne sais pas ce qu’ils ont fumé chez Visceral, mais c’était de la bonne. Il faut vraiment le voir pour le croire. Encore s’il y avait eu une mise en scène gargantuesque à la God of War 3, le délire aurait pu être sympa. Mais là on se retrouve juste à tirer des monolithes depuis une plate-forme fixe tout en démembrant de temps en temps un nécro qui se pointe. Ce qu’il faut pas faire pour sauver le monde décidément.

Le pire, dans tout cela, c’est que cette méchante lune, « Brother Moon », s’est réveillée assez longtemps pour appeler à l’aider ses potos. Ca, on le sait en regardant la première lettre de chaque chapitre, qui donne « Les lunes frères sont réveillées » (ou Brother Moons are awake, c’est mieux).
Donc en gros, dans DS4, Isaac devra à tous les coups aller affronter la ligue des lunes extraordinaires, du haut de son cutter plasma et de son lance-javelot. GOOD LUCK BRO.
Rien que pour le lol, j’ai presque hâte de voir ce que ça va donner.

Bref, je passerai sur le système de craft, qui est une idée géniale mais tellement mal foutue qu’elle en devient rébarbative, les munitions uniques qui sont là pour simplifier le coop mais pourrissent le solo, la save auto calibrée là encore pour le coop, mais complètement ratée : on y fait jamais gaffe, sauf qu’il y a de nombreux checkpoints, mais rarement de saves. Au final, il n’est pas rare qu’on veuille arrêter de jouer, mais qu’on soit incapables de dire de quand date la dernière save ! Sans parler de la fois où j’ai quitté après une save à la fin d’une mission secondaire… et que la save auto m’a ensuite ramené AVANT ma mission secondaire.

Allez, un dernier truc : le jeu avait, grâce à la glace, un potentiel de décors oufissime. Il l’exploite en partie, certains plans de Thau Volantis étant vraiment magnifiques, et le froid étant au début de la planète exploité à merveille.
Mais non seulement le jeu oublie ensuite complètement le fait d’être sur une planète gelée, mais on doit en plus se farcir auparavant (presque la moitié du jeu) de nombreux chapitres sur un putain de vaisseau, à shooter du nécro en masse. Et, malheureusement, contrairement à beaucoup de gens, le décor d’espace complètement figé fait sur paint ne m’a pas du tout fait bander, surtout en comparaison de ceux qu’on a dans le 2.

Il y avait du génie dans DS1 et 2. Vraiment. Des passages dont on se remémore encore la larme à l’œil. Cette révélation à la fin de DS1. Ce type qui s’explosait la tête contre le mur. Ces hallucinations dans la chambre à enfants de DS2. Et tant d’autres.
Même Extraction a prouvé, via par exemple un chapitre 1 génialissime, que Dead Space peut mixer jeu d’action, situations dérangeantes et narration ambitieuse.
(SPOILER rappel : on fait tout le chapitre en shootant tout le monde car les gens deviennent fou autour de vous à cause du monolithe et vous attaquent… et à la fin on comprend qu’en fait c’était nous qui nous transformions en nécromorphe et qu’ils se défendaient. Du génie à l’état pur – FIN SPOILER).
C’est tout de même une honte qu’un rail shooter mette sa misère à DS3 en termes de narration.
DS3, de par son cahier des charges, et malgré le côté action voulu par EA, avait un potentiel de malade. Il ne restait plus à Visceral qu’à ajouter cette étincelle de génie qu’ils avaient autrefois. Au lieu de cela, ils ont choisi de repomper à tout va ce qui se fait ailleurs, de la scène du train d’Uncharted 2 au chara-design des monstres de Lost Planet, pour citer deux exemples sur-flagrants. Je suis intimement persuadé que chaque scène de ce jeu, si ce n’est peut-être l’arrivée sur Thau Volantis, a été repompée sur un JV de cette gen.

Et je n’ai même pas mentionné le système de couverture non assumé qui n’en est pas un, et qui rend le gameplay de ces passages affreux. Tant pis, d’autres le feront pour moi. Mais tant qu’à faire un système de couv’ les gars, autant y aller jusqu’au bout.

Après tout cela, pourquoi 6 alors ? Ce qui reste une bonne note. Eh bien car malgré tout ce potentiel gâché, DS3 reste majoritairement agréable à parcourir. C’est un jeu sympa, bourré de défauts jusqu’à en être gangréné, mais qui se parcourt sans déplaisir. Et certains panoramas ou certains (très très rares) passages sont vraiment réussis. De plus, malgré l’absence inacceptable de jeu coop hors ligne, le mode coop doit vraiment être sympathique. Je ne me suis pas forcé pour y jouer.

Mais voilà, le jeu aurait pu être allongé sur deux chaises en même temps, de manière sereine et parfaitement équilibrée, transformant ces appuis de bois en un luxueux canapé en cuir. Au final, en oubliant l’horreur, et en étant on ne peut plus générique sur son côté action, il s’est assis entre les deux, et s’est ainsi cassé la gueule.


Résumons :

Dead Space 3 aurait pu être un jeu d’action au background intéressant, à l’histoire travaillée, au système de craft habilement conçu, avec des Boss Fights mémorables, des panoramas exceptionnels, des missions secondaires intéressantes, et des moments d’horreurs et de stress entrecoupant de mémorables assauts contre les nécromorphes.

Mais Dead Space 3 n’est qu’un jeu d’action presque lambda, à l’univers bâclé, au level design redondant et devenu classique au possible, à l’action rigide, mal dosée et mal amenée, le tout servi par un scénario risible au possible… annonçant un Dead Space 4 qui promet déjà d’être un mega-lol scénaristique.

C’te gâchis…
VGM

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