Je suis on ne peut plus d'accord avec le test d'Exserv quand il dit que ce DS est vraiment un jeu capable du pire comme du meilleur tant ce dernier est inégal, hétérogène et inabouti.

D'un côté je voudrais encourager la démarche pour l'ambition du concept et pour le message cynique envoyé à l'uniformisation et à l'aseptisation du AAA actuel mais de l'autre il est évidemment impossible de passer outre ses innombrables défauts qui avec le recul finissent de rendre l'expérience un peu amère.

Je vais commencer par évoquer les points forts. Il y a d'abord tout ce qui représente le coeur du jeu, à savoir son game-design ingénieux et exigeant qui se renouvelle constamment au fur et à mesure de l'aventure.
J'ai vraiment apprécié le sentiment de progression et d'accomplissement qui se met en place grâce à tous les outils et constructions que l'on débloquent pour apprehender la carte et te faciliter la vie (mention spéciale aux tyroliennes et aux divers exo-squelettes). Toute la philosophie de gameplay du jeu est dans la volonté de nous faire comprendre que l'intérêt ne réside non pas sur la destination mais sur le voyage pour y parvenir et je trouve qu'il réussi plutôt bien ce côté "bac à sable" qu'il semble avoir entrepris. J'ai bien aimé globalement la faculté qu'a le level-design (relief et topographie de la map) à se mettre au service de ce game design. Tout n'est bien sûr pas parfait mais je pense que Kojima Productions tient quelque chose d'excellent là dessus. Surtout avec ce multijoueur asynchrone bien intégré et gratuit.

Au delà de ça les environnements sont superbes et le rendu du relief est bluffant. Et même si on a une DA qui se veut réaliste ça nous offre au final des panoramas bien diversifiés comme j'aime avec des zones arides, rocheuses et volcaniques, une belle région montagneuse enneigée, de la forêt, des plaines, de la zone agricole...

Le côté comptemplatif avec cet effet de solitude dans ce monde fait son petit effet et les musiques accompagnant le tout sont assez jolies. Bien que la représentation et que l'illustration visuelle du côté post-apocalyptique d'anticipation frôle un peu le néant en terme de recherche et d'inspiration, on ne va pas se mentir. Ça manque clairement de narration environnementale.

Mais il y a aussi pleins de points ultra frustrants qui m'ont déçus. La narration très paresseuse, laborieuse et insupportable à base d'hologrammes randoms et d'interventions intempestives via le codec (sans parler de tout le lore approfondis via les e-mails et entretiens). Ça passe son temps à se répéter, à parler pour rien dire, ça casse le rythme, ça insiste ultra lourdement sur sa thématique de la connexion sans aucune subtilité, ni nuance ni inspiration. Et ça finit par nous détacher de l'histoire tant tout est inutilement sur-expliqué alors qu'avec un jeu du genre un peu de mystère et un petit côté plus cryptique aurait été bien plus pertinent. Les derniers chapitres, notamment un en particulier, sont parfois un véritable calvaire tant et si bien que vers la fin on a envie de tout rusher pour en finir tellement on n'en peut plus. Et quand tu as envie d'en finir au plus vite je pense que c'est plutôt mauvais signe pour le dit jeu. Mais avec ces deux ou trois gros allers-retours de la fin de la trame principale comment pourrait-il en être autrement ?

C'est con, parce que sinon question mise en scène c'est dans le haut du panier et parce que les personnages sont de bonnes factures et tous plutôt bien exploités, mais tout est régulièrement plombé par cette narration insupportable. Je pense notamment à ces innombrables cinématiques qui s'éternisent pour pas grand chose, surtout dans les dernières heures.

Kojima aurait largement gagné à épurer son récit aussi tant toutes ses thématiques de SF et d'anticipation partent dans tous les sens sans que ça ne fasse au final énormément corps.

Kojima ne faillit pour moi pas à sa réputation de game designer de génie ni à sa réputation de bon metteur en scène (bien au contraire)mais en terme d'écriture avec ce jeu j'estime que ça ne le fait pas trop. Comme en témoigne certains dialogues assez ridicules et superflus. D'ailleurs c'est drôle parce que j'apprécie beaucoup les jeux narratifs mais là ce n'est donc pas l'histoire qui m'aura trop accroché, mais les livraisons fedex et les diverses aventures et imprévus (pas assez nombreux) qui en découlent. Je retiens quand même la relation avec Lou, son arc, peut être ce qu'il a de plus émotionnel, pur et limpide du jeu je trouve, avec cette belle fin sobre et efficace. Même si j'aurais apprécié quelque chose de plus percutant.

Niveau mise en scène par contre il y a des fulgurances assez notables, les phases où on affronte Clifford Unger. Alors ok, les gunfights et les combats en eux-mêmes ne sont pas top, mais il ne faut pas oublier qu'un combat de boss c'est un ensemble, un tout. Et sur tout le reste ça claque méchamment je trouve. Que ce soit pour la mise en scène des passages, l'ambiance, la musique, la DA et le sound design des arènes, la classe et le charisme de Mikkelsen... Tout est génial. Mais heureusement qu'il y a ces passages dans la trame principale, car même si ce ne sont indéniablement pas des grands moments de gameplay au moins ça reste mémorable pour tout le travail autour.

Sinon j'ai été aussi bien déçu du côté découverte et exploration inexistant de l'open world. Au fait c'est vide et il n'y a rien à faire ou à découvrir, aucune surprise, rien. Et le côté post-apocalyptique n'excuse pas tout. Quoi de mieux par exemple que tomber sur une station service abandonnée avec à l'intérieur un ennemi special et une quête annexe scénarisée qui s'enclenche via un terminal ? Tomber sur un petit centre commercial ou un hôpital désaffecté ? Pourquoi ne pas avoir penser à ça ? Je trouve que c'est dommage.

Bon évidemment il y a aussi ces menus contre intuitifs et anti-ergonomiques au possible, ces soucis de physique et de collision, ou encore ce maniement de vehicules à s'arracher les cheveux... tous ces manques et problèmes ternissent au final pas mal l'appréciation globale du bousin. Peut-être est-ce de la faute de cet effectif de développeurs assez faible (80 personnes plus 70 devs de Guérilla pour le moteur graphique) ? Je ne sais pas, mais en tout cas avec un deuxième opus qui améliore et pousse drastiquement le concept (comme le côté survie par exemple) il y a à mon sens véritablement de quoi faire un pur chef d'oeuvre qui peut fermer des bouches. Il y aura du boulot. Là en l'état il y a aura malheureusement toujours ce sentiment d'avoir affaire à un jeu assez ambitieux d'un côté (game design/gameplay) et très peu original sur les autres aspects.

Cela dit je resterais en désaccord complet avec tous ces joueurs qui, du fait de leur vision étriquée et simpliste du média, conchient le jeu juste parce qu'ils ne conçoivent pas le médium autrement que via du plaisir simpliste et immédiat sans se douter que ce qui fait la richesse de tous les arts c'est leur propension à se diversifier et à offrir des expériences en tout genres histoire de varier les plaisirs.

En tout cas j'ai rarement eu autant de mal à noter une oeuvre. Le concept reste perfectible et très inégal mais inédit et plein de potentiel.

MrShepard
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le 3 déc. 2019

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MrShepard

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