Deus Ex.
J'en avais entendu du bien, je savais que ça mélangeait un peu les genres, et que des efforts étaient effectués pour que le joueur ait un peu de liberté.
Première remarque : Le jeu étant sorti en 2000, il est possible qu'il s'affiche mal sur un PC récent. Je ne m'en suis pas rendu compte immédiatement, mais initialement le jeu était trois/quatre fois plus sombre qu'il n'était censé l'être sur ma machine. Si vous vous renseignez sur le net, vous trouverez un launcher alternatif et des instructions qui règlent tous ces problèmes.
En regardant la jaquette, je trouve qu'il y a un vague air de Keanu Reeves, avec un soupçon de Terminator.
Hop, on lance le jeu.
La vague ressemblance avec Keanu se confirme.
Commençons par quelques-uns des points négatifs (mais pas tous).
Le jeu n'est pas monstrueusement beau, même pour l'époque. Personnellement, cela ne me dérange pas tant que ça, mais comparé à No One Lives Forever, sorti la même année, la différence se ressent un peu.
Le doublage est parfois moyen. Disons que certains accents ne sont pas terriblement bien imités. Le reste du temps, pas de soucis. La musique ne m'a pas marqué, quelques pistes ici et là étaient sympathiques, un autre morceau ou deux se répétaient trop souvent. Ce n'est pas du tout un facteur essentiel du jeu, elle sert plutôt d'accompagnement ambiant que de véritable support à l'atmosphère.
Ah si, un petit détail : lancer une conversation qui ne soit pas un one-liner (qui cause donc un changement de plan de caméra) relance le morceau en cours. Cela n'est qu'un petit détail, mais c'est légèrement dommage.
L'IA est... Hmm. Elle est clairement loin d'être parfaite. Je pense cependant que les contraintes de l'époque et le côté très expérimental et novateur dans le gameplay peuvent excuser en partie les soucis d'IA.
Les PNJ effectuent certaines actions très correctement, mais il est souvent possible d'exploiter des failles dans son raisonnement.
L'aspect principal du jeu qui m'ait séduit, c'est sa volonté de placer le joueur dans un univers crédible et de donner un pouvoir de décision au joueur.
Il m'est arrivé plusieurs fois dans le jeu d'effectuer des choix sans le savoir. Il m'est arrivé une fois ou deux de ne m'en rendre compte qu'en fouinant sur le net.
Cela paraît tout bête, mais c'est puissant et tellement jouissif. Et cela contraste radicalement avec les jeux récents, où très souvent le choix est explicite, et se caractérise par la sélection d'une réponse différente à un morceau de dialogue. Much realistichism, very immerchion.
On a du coup tout de suite beaucoup plus l'impression d'influer de façon naturelle sur le monde qui nous entoure. Sans pour autant que le personnage contrôle s'efface au profit du joueur. JC Denton garde une identité et un caractère spécifiques.
Et le plus beau dans tout ça, c'est que la plupart des choix ont un impact proportionnel à leur 'importance'. Certaines petites décisions auront de petites conséquences, d'autres se ressentent bien plus.
Dans certains cas, les conséquences ne seront que psychologiques pour le joueur, et n'auront pas de répercussions dans l'histoire. Et on ne débloque pas d'achievement steam à la con quand on effectue une action inhabituelle par rapport au joueur moyen.
Le jeu possède du coup un aspect 'roleplay' peu commun, exacerbé par les différentes possibilités de gameplay apportées par les choix d'armes, de pouvoirs et de gadgets. On peut décider de jouer un bourrin très con, un type très discret qui cherche à tuer le moins de monde possible, ou autre.
Les pouvoirs sont très bien pensés, et certains d'entre eux sont très originaux. Le côté nano-augmenté du personnage principal permet d'une part de justifier les compétences un peu surhumaines du joueur, et les upgrades et pouvoirs que l'on peut débloquer sont pour la plupart introduits de façon crédible. Et chaque pouvoir a son intérêt, de sorte qu'il faudra parfois réfléchir un peu à la façon dont on souhaite développer son personnage.
On sent en tout cas immédiatement la différence lorsqu'on effectue une upgrade ou que l'on teste un nouveau pouvoir.
J'ai également trouvé le côté piratage du jeu très intéressant. L'idée de fouiller pour récupérer des mots de passe est originale, et si on décide de développer des compétences de piratage, le fait d'avoir un temps limité pour accéder aux informations a un côté stressant qui prend aux tripes. Des petits détails comme celui-ci font une bonne partie du charme du jeu, et quand la sauce prend, elle prend très bien.
J'imagine très bien une catégorie de joueurs jouer sans pouvoirs, sans tuer personne, et sans piratage, pour le plaisir que cela procure de jouer un personnage limité, et pour l'attention que l'on est obligé de porter aux détails et au texte.
Le level design sert parfaitement le gameplay. Les principales portions du jeu sont très ouvertes et le joueur peut s'y promener à sa guise, et il y a très souvent plus d'un moyen de régler un problème ou d'atteindre une zone. Le jeu comporte également des intrigues et des quêtes secondaires. Les différents pouvoirs multiplient également les possibilités pour le joueur.
Autant je loue ces aspects du jeu, autant il faut reconnaître que c'est imparfait sur la plupart des points.
Si beaucoup d'éléments de l'univers présenté au joueur sont convaincants, certains points m'ont tout de même interloqué.
Je trouve le rythme du jeu très légèrement bancal. L'histoire n'avance pas au même rythme tout le long de l'aventure, de sorte qu'une grosse phase d'exploration ou deux m'ont parfois éloigné un peu des subtilités de l'intrigue. Après, c'est peut-être lié à ma façon de jouer au jeu.
L'histoire ne m'a pas non plus séduit sur tous les points. L'intrigue n'est pas si originale que ça (peut-être l'était-elle un peu plus il y a quinze ans), et les comportements et opinions de certains personnages ne m'ont pas nécessairement parus tous cohérents ou correspondre aux autres aspects de ces personnages (désolé d'être un peu vague, je ne veux pas spoiler). Je trouve en tout cas que NOLF était quasi-parfait dans son rythme et son level design (et l'IA est plus convaincante au passage), mais que Deus Ex n'y est pas tout à fait. Ce dernier se rattrape ailleurs.
Un dernier point qui est un peu dommage, c'est qu'en fouillant les décors, on trouve souvent des objets utiles (comme des outils pour crocheter des serrures). Je comprends le choix des développeurs de procéder ainsi, mais c'est un autre élément qui n'est pas cohérent avec l'univers du jeu. Il n'y a pas de raison de trouver des outils pour crocheter des serrures à certains endroits, ni dans la plupart des cas que des personnages en trimballent sur eux, et j'aurais aimé que le jeu soit plus chiche à ce niveau-là. Mais bon.
De même, l'IA et les ressources limitées font que souvent les personnages secondaires se promènent dans le vide. Sur ce dernier point, le jeu peut probablement être excusé. Pour un jeu sorti en 2000, c'est déjà un bel effort. Peu de jeux en monde ouvert ou semi-ouvert étaient sortis à l'époque (Omikron : The Nomad Soul, Driver, Shenmue et les GTA en 2D sur PSOne pour citer quelques-uns des rares exemples).
En somme, un jeu qui a vieilli un peu, certes, et qui présente quelques défauts, mais qui vaut tout de même très largement le détour. Il fourmille de bonnes idées que pour la plupart il exploite très efficacement, et les possibilités offertes au joueur sont très nombreuses. La possibilité d'influer un peu sur le déroulement des évènements a un impact sur le joueur, et la variété des approches que l'on peut avoir dans différentes situation fait plaisir.
C'est tout de même un peu dommage qu'un jeu sorti en 2000 présente un univers et des mécaniques de jeu mieux fichus que 80% des FPS actuels, et que la volonté de l'équipe de pousser le jeu vidéo un peu plus loin en proposant une forme de narration et des éléments de gameplay inédits et qu'on ne pourrait pas trouver dans un autre médium, et que ces bonnes leçons n'aient apparemment pas été retenues par grand-monde.
Ca fait aussi du bien quand on laisse le joueur décider de la façon dont il souhaite vivre l'aventure. Avec beaucoup de jeux récents, même ceux qui se prétendent ouverts ou profonds, le game design ou d'autres artifices nous poussent à vivre l'expérience d'une certaine manière. Selon le genre de jeu, ce n'est pas toujours un problème. Mais la sensation de liberté que j'ai pu ressentir dans les FPS des années fin 90-2000 (et partciulièrement dans Deus Ex) n'est pas la même que celle, bien plus limitée, que j'éprouve en jouant à Half-Life 2, et celle dont j'ai constaté l'absence en jouant à Call Of très brièvement, ou à Goldeneye (le remake médiocre sur Wii). Dans les deux derniers cas, je sais pas exactement pourquoi, mais j'avais l'impression que le jeu me prenait un peu comme un con.
Je me suis renseigné un peu sur Deus Ex : Human Revolution, il semblerait qu'il soit plus limité que le 1 en matière de choix du joueur. Dommage.
Ah, et le speedrun du 1 est bien sympathique, au fait.