La première victime de la simplification à outrance ?
Il faut parfois savoir surmonter sa déception et rester honnête avec soi-même. Fondamentalement, Deus Ex Invisible War n'était pas un mauvais jeu. C'était un jeu moyen, portant son lot d'éléments désolants et quelques bonnes parts de choses intéressantes. La comparaison avec son prédécesseur est par contre très douloureuse.
Pour moi, l'échec du jeu tournait autour d'un élément : la technique. Là où Deus Ex n'était techniquement qu'un gros mod d'Unreal, les développeurs choisirent de modifier très lourdement le moteur graphique pour l'adapter à leurs besoins. À l'époque, gérer des ombres dynamiques et intégrer un moteur physique, c'était une première. Invisible War était l'un des premiers jeux, avant Doom 3, à gérer les ombres avec autant de réalisme. Si seulement on n'avait pas l'impression persistante que la machine allait s'écrouler sous la charge et le manque de fluidité...
C'est d'autant plus malheureux que le jeu a été développé pour la Xbox et le PC. Et comme toutes les consoles, comparée à un PC, la quantité de mémoire était juste ridicule. Si l'on en croyait les développeurs, cela avait ajouté pas mal de contraintes au niveau de la taille des niveaux. Et c'est ça qui a été fatal au jeu. Outre des temps de chargements bien trop longs pour être supportables par le joueur moyen, cela étouffait le gameplay.
Comme pour son prédécesseur, chaque problème pouvait être résolu de plusieurs façons, le gameplay est assez souple pour intégrer discrétion, fusillades, dialogues, voire un mélage. Sauf qu'avec des niveaux si petits, impossible de mettre trop de monde dedans, imposible d'avoir un terrain assez vaste pour se cacher un peu, de mettre quelques passages dérobés pas trop évidents. Le jeu a eu droit à l'un des premiers exemples de simplifications par le vide, à savoir la disparition de l'expérience, de l'inventaire à la Diablo, de la gestion des munitions, des modifications d'armes ou encore, de la gestion de compétences.
L'étroitesse des niveaux rendait les choix cousus de fil blanc, évidents, faisant disparaitre la difficulté et raccourcissant la durée de vie. Cela devait décevoir pas mal de monde. Les joueurs sur PC étaient pénalisés par des limitations consoles, les joueurs consoles gouttaient à une expérience très inférieure à ce que le nom du jeu laissait penser et moins d'un an après, Eidos fermait Ion Storm.
Pourtant, Invisible War avait quelques qualités indéniables. Le scénario savait reprendre habilement un peu toutes les fins de Deus Ex, poursuivait la réflexion sur le Pouvoir, reprenait les thèmes conspirationnistes et parvenait à construire un univers nouveau sur les ruines de l'ancien. L'apparition de thèmes SF (téléportation, arcologies...) marquait la différence avec Deux Ex : comme s'en étaient vantés les développeurs, Deus Ex, c'était 5 minutes avant l'apocalypse, Invisible War, 5 minutes après.
Mais comme toujours, si le gameplay ne suit pas, l'intérêt est vite très limité. Il suffisait pourtant de lui donner un peu plus d'espace pour s'exprimer pleinement.