Disco Elysium
8.5
Disco Elysium

Jeu de ZA/UM Studio (2019PC)

C'est en voyant passer un article avec écrit Disco Elysium, 5 ans déjà que je me suis dit qu'il fallait que je m'y frotte enfin (d'autant plus que je l'avais acheté pour quelques réals sur Steam.) Bon, autant le dire en y jouant 5 ans après tout le monde, j'arrive après la bataille. Mais au moins je l'aurai fait en français. Et je tiens à saluer le travail des traducteurs, ça devait être une galère à traduire.

Le jeu le plus bavard de l'univers :

L'écriture de Disco Elysium tient vraiment du miracle. Non seulement le nombre de dialogue est proprement hallucinant, mais en plus les combinaisons sont extrêmement nombreuses et font sens. Mieux, le jeu est capable, mine de rien de te ressortir une connerie que tu as faite ou dites au moment où tu t'y attends le moins. (notamment le lieutenant Kim qui note visiblement tout ce que l'on fait.)

Le jeu s'appuie sur les mécaniques de RPG d'une façon que j'avais jamais vue, mais qui s'inspire des jeux de rôle d'enquête comme la L'Appel de Chtluhu à savoir que notre personnage peut être doué dans certaines aptitudes et pas d'autres qui peuvent servir pour avoir des indices dans le jeu ou cuisiner les suspects. Pour ma première partie j'avais opté pour un personnage qui est une sorte d'encyclopédie vivante et qui déduit facilement, mais qui est complètement nul pour parler au gens et assez passable en force physique. Une sorte de Sherlock de Moffat (mais avec une grosse gueule de bois.)

L'idée de faire de ces aptitudes des sortes de personnages secondaires qui chuchotent à l'oreille du personnage est quand elle assez géniale. C'est un peu déroutant au début, mais en plus d'amplifier l'idée que notre personnage est passablement cintré à cause de ses accès de boisson et de drogue, elle permet de faire passer l'idée que notre intuition nous dit quelque chose mais que notre savoir nous en dit un autre. Ou qu'on peut engranger beaucoup de savoir mais ne rien biter en relation humaines.

J'aime aussi l'idée que le jeu démarre dans le chaos absolu. Le fait que ton personnage soit non seulement amnésique (ce qui permet au joueur de comprendre peu à peu son passé et de permettre au joueur de lui forger une personnalité) mais en plus qu'il débarque dans un coin pourri où le cadavre d'un pendu traine depuis des semaines et où les gosses du coin t'insultent te donnent l'impression d'émerger dans l'antichambre de l'enfer. C'est comme Flowey dans Undertale : après ce début on se dit qu'on est dans un lieu infernal... alors qu'on se rend compte rétrospectivement que c'était pas l'univers qui était détraqué, mais juste l'un des premiers personnage que l'on a rencontré.

Et puis Disco Elysium ne se contente pas d'être juste un jeu d'enquête : on s'aperçoit assez vite qu'on est dans un autre univers, à moitié steampunk à moitié contemporain, avec ses pays, ses événements, ses modes, ses stars ou ses légendes très différents du notre. Et là encore, quand on prend conscience de l'immensité du lore déployé pour ce jeu, ça fout petit à petit le vertige, même si pas mal d'événement en rappelle d'autre (ainsi Révachol, le lieu où l'on débarque a vécu une sorte de "Commune de Paris" quelques années auparavant.)

A force d'y jouer, je me suis aperçu que le jeu est bien plus balisé que je ne le pensais avec une enquête principale et plein de petites quêtes secondaires autour (mais qui en disent beaucoup sur le lore du jeu.) Et surtout, très vite je suis arrivé à cette technique qui consistait à un gros jet de dés et à le retenter quatre ou cinq fois, le temps que ça se débloque, quitte à mettre tel ou tel objet ou à appuyer avec un peu de drogue. (De toute façon, arrivé au troisième jour on a plus vraiment d'argent à mettre de côté pour la chambre d'hotel.)

Mais ça n'est qu'en refaisant le jeu que je me suis rendu compte d'à quel point celui-ci joue avec le système : il arrivait que je m'acharne à faire telle ou telle action parce qu'elle demandait un jet de dé de malade en me disant "si ça demande du skill il y a une récompense à la clé." Or, c'est pas forcément le cas : certaines actions qui demandent d'avoir beaucoup de skill dans telle ou telle matière ... peuvent être complètement néfaste. Mais ce con de joueur (et j'en fait partie) va essayer de les faire sans réfléchir parce qu'il y voit un challenge.

Notamment le fait de retrouver le numéro de son ex. Si on y arrive on va juste perdre de la santé physique et mentale à essayer de lui parler alors qu'on ne fait que la harceler. D'autant plus que la fin du jeu nous explique que la rupture date d'il y a trèèèèès longtemps.

Idem pour les succès : à force de dire des trucs à la fois communistes, puis fasciste, puis néo-libérales, Kim en fin de jeu explique qu'on est un être inconstant et paradoxal.

Et puis, c'était assez bizarre de jouer à Disco Elysium en lisant L'Émeute du Futur en parallèle, un livre à choix, où il est aussi question de communisme et de révolte citoyenne, se déroulant aussi dans une sorte de monde parallèle désenchanté.

La tentation du 100% :

Devant le peu de succès débloqués et leur raretés sur Steam, je ne pensais pas que j'allais débloquer 100% de ceux-ci. Tout au plus, après ma première run de jeu (au bout de 35 heures) j'en avais débloqué 20% (surtout des quêtes qui consistaient à dire des gros mots dans le poste) mais je m'étais dit que j'allais peut-être retourner en arrière histoire de revenir sur des bifurcations sur lesquelles j'avais bien merdé (notamment un point bien précis de l'histoire) et de voir ce qu'il se serait passé si j'avais essayé de faire les choses autrement.

Première désillusion : s'il existe des choix qui changent bien l'histoire ou offrent des histoires parallèles, il en existe certaines où au final l'histoire reste la même. Le jeu, notamment sur sa fin offre différents "noeuds" par lequel le joueur passera forcément quel que soit ses choix en jeux.

Du coup, j'en ai profité pour débloquer les succès restant, certains étaient assez facile à faire, il suffisait juste de regarder les guides de jeu pour voir à quel endroit ils se trouvent. Certains tiennent de la chaine d'événement improbable (se rendre à tel endroit avec telle compétence au dessus de 9) et d'autres ne sont que des gags (se faire chier dessus par des goeland par exemple.)

D'autres m'ont obligés de revenir carrément loin en arrière sur ma partie et de me focaliser sur un objectif précis. Notamment certaines sous-missions qui n'apparaissent qu'après la troisième nuit. Il y en a quatre et elles changent selon notre alignement politique, ce qui fait qu'il est difficile de tous les faire sans avoir à recommencer la partie à zéro, mais pour le coup, elles amènent des histoires complètement parallèle à l'intrigue : dans l'un vous devrez tenter de contacter un dirigeable, dans un autre vous rejoindrez un club de lecture marxiste et dans un autre vous tenterez de revenir "au bon vieux temps."

L'occasion de voir que le communiste est bien mieux traité dans le jeu que le traditionnalisme (ou fascisme.) Dans le premier cas vous croisez surtout des étudiants et lisez des gros bouquins bien incompréhensible. Dans l'autre vous êtes obligé d'avoir une "réflexion" qui vous enlève des points de santé mentale si vous êtes trop nostalgique du passé et vous finissez par déprimer devant votre miroir.

Reparcourir le jeu m'a filé le vertige quand je me suis aperçu du nombre de variation dans les dialogues et de scènes parallèles que le joueur ne verra jamais.

Arrivé à 66% des succès débloqués, je me suis refait le jeu depuis le départ afin d'être l'exact inverse de ce que j'avais fait dans la run précédente : si j'avais été ce flic alcoolique qui essaye de s'amender sans arrêt, je suis devenu un gros bourrin qui insulte tout le monde et pète des gueulantes. J'avais un personnage bien plus passionné par la mécanique et était hyper superstitieux et se mettait à balancer des répliques à la Fox Mulder dans X-Files.

Je suis aussi parti avec le challenge qui consistait à finir le jeu sans jamais inspecter le corps du pendu (la toute première mission que l'on nous demande) ce qui m'a obligé de refaire le jeu dans un ordre différent, en changeant l'ordre des interrogatoires, en n'interrogeant plus sur la même chose, en supprimant des pistes.)Et pour le coup, je suis tombé sur des gros morceau de l'intrigue à côté desquels j'étais vraiment passé la première fois (notamment tout ce qui concerne le trafic de drogue des camionneurs.) Ce qui m'a bien mieux fait comprendre à quel point le jeu s'adapte à ce que le joueur fait et est une merveille de souplesse sur la façon de proposer plusieurs pistes au joueur de sorte à ce qu'il soit rarement bloqué, et ce, tout en lui faisant peur qu'il puisse foirer des choses.

Toutefois ça oblige aussi à se retaper certains dialogues long et déjà faits lors des passages obligés. Pour le coup, j'ai fini par écouter des podcasts tout en cliquant sur des dialogues le plus vite possible. Le jeu est aussi particulièrement chiant pour ce qui est du passage du temps, puisque seul on peut le faire passer très vite, mais lorsque Kim est sur nos talons on est obligés de se taper des livres à répétition histoire de faire passer le temps plus vite.

Le 100% a demandé aussi de passer par le mode collage pour y trouver des cartes postale. Pour le coup, j'ai pas trop trop compris à quoi servait ce mode : le joueur peut s'amuser à créer des scènes en plaçant les personnages qu'il veut dans le décors choisit et imaginer des lignes de dialogue. C'est sympa mais un peu trop laborieux pour ce que ça propose. Par contre, c'est un bon moyen d'apprécier les décors du jeu ainsi que les jeux de luminosité et les personnages. Cela permet de débloquer quelques cartes dont deux montre le futur de Révachol de manière très déprimante.

Encore un jeu à l'ambiance unique dont je vais avoir du mal à trouver un équivalent. Mais qui vaut bien toute la hype qu'il a récolté il y a 5 ans.


Temps passé : 81,6 heures (mais 35 heures sur la première run.)

Débloqué à 100%

le-mad-dog
9
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le 4 juin 2024

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Mad Dog

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