Devil May Cry, ce n'est pas n'importe quelle licence. C'est six jeux (et ses 854692 versions, compilations, remasters différents et que sais-je), deux light novels, un anime, deux mangas, un comics mais c'est surtout 18 millions de copies vendues. Considéré comme l'un des piliers du genre beat'em all, genre qui, avouons-le, a du mal à trouver sa place parmi les joueurs, Devil May Cry s'est tout de suite imposé comme étant l'une des références en la matière en créant tout un univers ficelé bien à lui. Et il faut savoir que la licence vient de loin puisque le premier opus avait été au départ développé comme un nouvel épisode de la licence phare de Capcom de l'époque, Resident Evil. Ce ne fut qu'après avoir pris conscience que leur projet s'éloignait beaucoup trop des thèmes de la saga d'horreur qu'ils ont décidé d'en faire un tout nouveau jeu, et c'est de là qu'est né le premier épisode, sobrement intitulé Devil May Cry (dont le nom de projet fut au départ Team Little Devil — ou alors c'est l'équipe de prod, je ne sais plus, je me trompe peut-être— ). Après avoir enchaîné succès (DMC1, DMC3) et échecs (DMC2), le studio japonais juge bon de donner un nouvel élan à la saga, une sorte de résurrection en quelques sortes, en incorporant un tout nouvel héros dans le quatrième épisode. Malgré son succès commercial critique (de mémoire, 7 millions de ventes), il aura fallu exactement onze ans à Capcom pour sortir la suite spirituelle de ce fameux DMC4 en sortant DMC5 en mars 2019. Mais il faut savoir qu'entre temps, la saga a été mise entre les mains d'un studio britannique, Ninja Theory (à qui on doit le très bon mais méconnu Heavenly Sword ou plus récemment Hellblade : Senua's Sacrifice), et c'est comme ça qu'est né le reboot DmC : Devil May Cry, en janvier 2013. Je tiens à préciser que j'ai fait le jeu sur Xbox 360 et PS3 et brièvement joué à la version Definitive Edition sur PS4 sans aller bien loin (j'ai dû aller jusqu'à la mission 5 grosso modo donc je n'ai pas fait grand-chose comme vous pouvez le constater). Je n'ai pas non plus joué au DLC, Vergil's Downfall ni même lu le comics, qui sert de préquelle au jeu.
Bien entendu, qui dit « reboot » dit « remise à zéro » et qui dit « remise à zéro » dit « se mettre les aficionados à dos » … plus ou moins. Mais là, si j'entre dans le débat, je dirai exactement la même chose que j'ai dit dans ma critique de Final Fantasy XIII, le changement ne fait pas de mal. Alors est-ce que DmC : Devil May Cry est un bon reboot ?
Avant toute chose, je ne me suis jamais trop penchée sur les dessous du jeu, au vu des premiers trailers, je suis sûre à 90% que le scénario a été revu intégralement. Dans les premières vidéos du jeu, je me souviens qu'on pouvait voir un Dante avec une apparence toute nouvelle, sans ses cheveux blancs, torturé et quelqu'un lui demandait son nom. On ne revoit jamais cette séquence in-game, donc j'imagine qu'il y a eu un virement de bord à un certain point du développement. J'ai cru comprendre que de base, le jeu devait s'inspirer de la fameuse Comédie Divine de Dante Alighieri mais ne connaissant pas l'œuvre plus que ça, je ne peux pas en dire grand-chose. La chose est que peut-être, j'ai bien dit « peut-être » et même si on ne savait pas grand-chose de ça, peut-être que ç'aurait été une bonne idée de garder cette scène dans le script. Grosso modo, DmC nous glisse dans la peau de Dante, un chasseur de démons et Néphilim, un être mi-Humain/mi-Démon, qui semble vivre dans l'orgueil et dans la démesure (surtout démesure). Sa vie va vraisemblablement changer lorsqu'une jeune femme, nommée Kat vient à sa rencontre en lui déclarant le chercher depuis un certain temps. Elle lui présentera alors un autre homme, partageant certains de ses traits physiques, répondant au nom de Vergil, qui lui apprendra qu'ils sont en réalité frères jumeaux et que leur vie est menacée car Mundus, un « grand méchant pas beau » (pour le coup, prenez l'expression littéralement), est à leur recherche. Divers éléments viennent ensuite s'introduire dans l'histoire, comme par exemple, l'arc au début du jeu où Vergil et son frère revisitent leur domaine familial, là où Sparda et Eva les élevaient. Mais dans sa généralité, le jeu se résume à ça. Devil May Cry est une série qui pour moi, n'a jamais brillé par son scénario. J'ai découvert la licence avec le quatrième jeu (qui était jusqu'à la sortie de DMC5 mon opus préféré) et il ne faut pas se leurrer, le scénario était très, très limité. Devil May Cry 2 était bourré d'incohérences et autant DMC1 et DMC3 s'en sortent mieux que les deux précédents jeux, ça n'en reste pas moins des jeux au scénario d'une qualité très discutable (même s'il y a bon nombre de scènes mémorables). Et dans tout ça, DmC se situe où ? En ce qui me concerne, je n'ai pas aimé l'histoire du reboot, pas plus que ça, mais si on prend du recul, on voit qu'il y a des efforts qui ont été faits, les développeurs ont tenté de faire évoluer Dante et ils y sont parvenus, d'une certaine manière. Le gars qui au début couchait avec la première fille qu'il voyait, qui vivait dans l'excès, qui se foutait de tout, il finit par mûrir et par prendre conscience que ce n'est pas ça la vie, qu'il est capable de vivre autrement et d'une meilleure façon, et c'est ce qu'il fait à la fin, en protégeant Kat et mettant son frère hors-jeu.
En toute honnêteté, je pense que je n'ai jamais haï autant un personnage principal comme je n'ai haï Dante dans le reboot (si on excepte le duo Vaan/Penelo de Final Fantasy XII), et déjà que de base, je n'aimais pas le « vrai » Dante, ça n'a pas aidé (c'est un temps révolu maintenant, je vous rassure). Avec le temps (enfin, surtout récemment, quand j'y ai joué il n'y a pas si longtemps que ça sur 360), j'ai fini par l'apprécier dans sa version rebootée. Enfin, « apprécier » est un grand mot, disons plus qu'il ne me rebute plus quoi. Il peut même être attachant, comme dans la scène où Kat se retrouve piégée et qu'elle se fait arrêter, pendant que lui essaie de la rassurer, avec Kat's Theme (absolument magnifique comme morceau) qui passe en musique de fond. J'ai beaucoup aimé sa prise de conscience à la toute fin du jeu, lorsque Vergil fait son grand monologue, et qu'il prend la défense des humains alors qu'au début du jeu, il aurait sûrement passé son chemin en mode « whatever, fais ta vie ». Maintenant comme je l'ai dit, ce n'est pas pour ça que je vais l'apprécier, en général, j'apprécie les personnages comme ça, qui sont non pas méchants mais qui sont plus anti-héros et qui évoluent au fil du temps, mais j'ai toujours eu un blocage avec Dante et en particulier la version reboot. Peut-être son design qui y fait, I don't know. Mais de toute façon, les personnages du reboot n'ont absolument rien à offrir, ils sont assez vides. On aurait pu s'attacher à Kat, cette adolescente (jeune adulte ? J'ignore son âge) qui a été torturée toute sa vie jusqu'à ce que Vergil vienne à son secours, qui, aveuglément, sacrifie tout pour lui, mais le personnage était beaucoup trop en retrait, et je pense qu'il y aurait eu facilement moyen de la mettre beaucoup plus en avant. Déjà rien que la rendre jouable dans le monde réel (vu que le jeu se passe dans les Limbes), ça aurait pu être cool. Cela dit, même si ce n'est pas explicitement dit (mais on s'en doute), à mes yeux, elle exerce le même rôle envers Dante que celui de Kyrie envers Nero ; Kat est un peu comme son point d'ancrage au monde des humains, celle qui a contribué à son évolution. Si dans DMC4, Kyrie n'avait pas été là, l'histoire n'aurait jamais eu lieu, Nero aurait été dès le début en mode « démerdez-vous », et on voit dans le personnage combien Kyrie l'a impacté : dans DMC5, ils élèvent ensemble des orphelins et il va jusqu'à proposer un repas à un gars hyper creepy (qui va le remercier en lui arrachant son Devil Trigger, best dad ever if you ask me). C'est un peu la même chose qu'il se passe entre Kat et Dante. Ce dernier reconnaît ses torts et à la défaite de Vergil, il se remet en question. Que va-t-il faire à présent ? Protéger l'humanité ? Retourner seul en multipliant les conquêtes comme il faisait avant le prologue ? Il doute de ses propres capacités et se demande qui il est réellement, et je pense que ça pourrait faire un bon point de départ pour un éventuel DmC 2. Après, pas sûr que cette suite voit le jour.
Si le jeu ne brille pas par son scénario, en revanche, jusqu'à ce que DMC5 ne sorte, il était pour moi le meilleur opus de la saga d'un point de vue gameplay. C'était jouissif, dynamique et surtout ça en mettait plein la vue. Le level design est, sans jeu de mots, dantesque. On a toujours été habitués à avoir toute une quantité non-négligeable d'armes à notre portée dans les DMC mais je ne me souviens pas les avoir trouvées aussi intéressantes. Ici, les armes ne constituent pas un simple moyen de se battre, les développeurs ont tout bonnement réussi à les intégrer dans l'environnement. Pas toutes évidemment mais je pense notamment à Osiris et Arbiter qui permettent au joueur de rejoindre une plate-forme et bien alors d'en déplacer une. Il y a tout un travail de mise en scène sur la disposition des plateformes, sans parler du timing précis requis à certains moments pour faire telle ou telle action, c'était vraiment agréable à jouer. Ninja Theory a parfaitement réussi à s'approprier ce qui faisait la force de la saga en y apportant de nouvelles choses ou bien en changeant quelques trucs par-ci par-là, et ça marche. Un petit détail (qui n'en est peut-être pas un), ce ralenti sur lequel se finit chaque combat est vraiment très joli à voir (j'adore les ralentis je crois).
On sait tous que les beat'em all ne sont habituellement pas des jeux à mettre entre toutes les mains, ce sont généralement des jeux durs à prendre en main sauf dans ses niveaux les plus faciles, ensuite de quoi la difficulté se corse au fur et à mesure et s'il y a bien un truc important dans un beat'em all, ce sont bien les combats de boss. Ici, je les ai trouvés moins marquants que dans les autres opus (sur ça, ceux de DMC3 et DMC5 sont plus impressionnants), maintenant je tiens à féliciter le travail qui a été effectué sur la mise en scène durant le combat contre Bob Barbas qui est de loin le combat le plus réussi du jeu et qui m'en a mis plein la vue du début à la fin. Comme je parle de boss, il me faut évoquer un point important qui m'a personnellement beaucoup mise mal à l'aise. À un certain moment du jeu, en se baladant dans je-ne-sais-plus-quelle-entreprise, on se retrouve confrontés à un boss particulièrement repoussant et déplaisant et surtout très vulgaire. Etant une personne moi-même vulgaire, parfois même trop, je ne suis habituellement pas repoussée par les insultes en tous genres, aussi grossières soient-elles, mais là, dans un Devil May Cry où jusqu'à maintenant on n'avait pas dépassé le stade du « goddamn » ou « son of a — », entendre ce boss proliférer des insultes à tout bout de champ m'a gêné plus qu'autre chose. Je n'avais pas l'impression d'être le même univers en fait, c'était complètement en décalage avec la saga initiale. J'aime le changement, donc en soi, ça ne m'aurait pas dérangée, mais le contraste est tellement violent que je ne sais pas. En fait, je n'arrive pas à en voir le but, ce que les scénaristes ont tenté de prouver en faisant ça, surtout que les insultes sont complètement injustifiées et n'ont même pas lieu d'être.
Comme la plupart des beat'em all auxquels j'ai joué (donc très peu), la durée de vie du jeu n'excède pas la petite dizaine d'heures de jeu répartis en 20 missions, mais c'est amplement suffisant. Je considère qu'un beat'em all n'est pas un jeu à ne faire qu'une fois, c'est un jeu qu'il faut faire et refaire dans ses modes les plus complexes pour réellement les apprécier et qui donc demandent un certain investissements (je ne vais pas mentir, je me suis contentée des modes Humain des trois premiers DMC, les seuls que j'ai vraiment dosés en difficulté max sont DMC4 et DmC … et un jour DMC5, je reste optimiste) puisque la difficulté offre une toute autre expérience de jeu ; on doit apprendre à être plus prudent, à analyser les différents patterns des ennemis, à ne pas foncer dans le tas (une leçon que j'ai tendance à un peu trop souvent oublier, silly me). Rajouté aux six ou sept (je ne sais plus) niveaux de difficulté se rajoute le célèbre Palais Sanglant, qui est un mode de jeu constitué de cent étages bourré d'ennemis ; on a un timer qui évidemment stoppe le jeu une fois le timer à zéro, et on a des bonus de temps en fonction de comment on s'est battus sur l'étage (qui n'est en fait qu'une simple arène, pas de couloirs à traverser avec des mobs spawnant à certains endroits)… Personnellement, c'est un mode que j'affectionne particulièrement, pour aucune raison particulière, juste que j'aime buter des monstres, travailler mes combos (surtout quand on voit la gueule des combos dans ce reboot) et je pense que le meilleur endroit pour ça, c'est le Palais Sanglant.
Dernier point que j'aimerai aborder : la bande-son. Là aussi, changement drastique puisqu'on a toujours été habitué au rock gothique mélangeant électronique, là on change totalement d'univers puisqu'on accueille le groupe de metal industriel Combichrist, le tout agrémenté d'une touche d'électro avec une bande-son composée par Noisia. J'ai connu Combichrist avec ce jeu et autant je n'accroche pas à tous leurs albums (en particulier leur dernier sorti…), les musiques de DmC sont vraiment bonnes (gros coup de cœur pour la musique du prologue, Throat Full of Glass et l'un des battle theme, How Old is Your Soul, sans oublier Gimme Deathrace). DMC5 s'en est d'ailleurs beaucoup inspiré puisqu'on retrouve ces mêmes sons aux tonalités électro-rock et franchement, le mélange est sympa (les battle theme de DMC5 sont quand même meilleurs – de toute façon Devil Trigger est et restera le meilleur battle theme de la saga, fight me over it). J'ai trouvé que la bande-son collait à l'univers, ça n'entache en rien la qualité du jeu dans sa globalité et accompagne bien les différentes situations, comme par exemple la musique dans toute la partie se déroulant dans la boîte de nuit pour rejoindre Lilith, j'ai vraiment beaucoup apprécié.
Je crois avoir fait le tour de tout ce que je voulais dire, mais pour conclure, je vais quand même résumer ce que je pense de ce fameux reboot. Alors est-ce un mauvais jeu ? Absolument pas, bien au contraire. Il a du potentiel, notamment d'un point de vue gameplay, si on part dans le technique ou dans la narration c'est beaucoup plus limité, mais on voit qu'il y a des bribes d'idées, et il serait intéressant de les explorer un peu plus dans un éventuel prochain épisode, si suite il y a (ce qui ne semble pas figurer sur la liste des priorités de Capcom ou de Ninja Theory, déjà que Capcom se focalise sur les épisodes canoniques, ce serait une bonne chose pour commencer). Maintenant est-ce un bon reboot ? Là-dessus, je suis plus partagée. Ils se sont appropriés des choses de la saga et les ont remixés selon leur volonté, ça a marché, mais certains trucs n'étaient pas forcément nécessaires (la vulgarité, le « nouveau » Dante). Maintenant, le scénario s'appuie sur le scénario d'origine de la saga, donc après ce n'est pas hors-sujet non plus, on y retrouve le conflit entre les deux frères Sparda, Dante qui se questionne sur sa véritable nature, etc, maintenant, c'est dommage qu'ils n'aient pas été plus loin et qu'ils se soient contentés du strict minimum, en oubliant par exemple d'intégrer des personnages secondaires qui auraient pu être plus importants (je pense notamment à Kat, par exemple ils auraient pu la rendre jouable un court instant pendant qu'elle se fait arrêter). Ma foi, le jeu a été critiqué, je peux comprendre pourquoi, mais il n'en reste pas moins un très bon jeu, ayant assez de potentiel pour devenir une licence à part entière.