Rétrospective DK après Rare : 7/8
Quand on me parle de Donkey Kong Country Returns, la première phrase qui me vient à l’esprit c’est "Faites les Kong dans votre salon", le slogan du jeu dans les pubs françaises de l’époque. J’ignore comment cette phrase a pu être approuvée par la maison-mère, mais au moins elle m’aura marqué.
C’est donc à ce slogan que j’ai immédiatement pensé quand, en 2013, on a appris que le jeu allait être porté sur une console portable. N’ayant pas de Wii à l’époque et étant attiré par la promesse d’un monde supplémentaire par rapport à la version d’origine, c’est tout naturellement que je me suis tourné vers cette version du jeu.
Ironiquement, alors que j’en gardais un excellent souvenir et que je le qualifiais du titre de mon DKC préféré, j’étais incapable de me rappeler d’éléments précis du jeu, en-dehors du boss final (j’y reviendrai) et des niveaux en silhouette. J’attendais donc cette petite revisite, 8 ans après mon premier playthrough, avec beaucoup d’impatience !
Ayant finalement vaincu les terribles Kremlings lors d’une course en tonneau, Donkey Kong profite d’une retraite bien méritée. C’était sans compter sur une éruption volcanique sur son île qui réveille une tribu endormie depuis des siècles.
La tribu Tiki Tak a pour objectif d'hypnotiser les animaux de l'île DK pour les réduire en esclavage. Rien à voir avec une appli au nom similaire qui produit le même effet chez les jeunes. Notre Donkey prend les choses en main et va aller démanteler cette engeance démoniaque, répartie sur 8 mondes.
Premier constat : le jeu ne brille pas par la diversité de ses décors. 14 ans après la sortie du dernier jeu de la série (non Monsieur, DK64 n’est pas un Country, veuillez circuler), les développeurs de Retro Studio ont probablement voulu faire un soft-reboot de la licence et ont situé l’aventure dans l’île DK, qu’on avait déjà bien explorée dans DKC1. Les niveaux sont donc très inspirés par ceux visités dans le titre-phare de Rare : on a une jungle, une forêt (c’est très différent), une caverne, une usine… Heureusement, quelques décors inédits viennent rythmer l’aventure, mais ils font très “jeux vidéo” et n’ont pas grand chose d’original pour peu qu’on ait joué à un plateformer sorti ces 30 dernières années (le volcan, la plage…). Seul le désert parasité par du goudron et envahi par des squelettes s’en sort à peu près.
On est loin de la créativité de DKC3 et surtout de DKC2, mais on peut l’excuser vu que les développeurs devaient prendre leurs marques avec cette nouvelle franchise.
Là où les développeurs ont bien bossé en revanche, c’est sur le level-design. Le jeu est dur, très dur, et c’est ça qu’est bon (phrase à ne pas sortir de son contexte). Autant les trois premiers mondes se parcourent sans grand souci, autant le quatrième (les cavernes) te met un bon coup derrière la nuque avec ses niveaux en wagon et en fusée qui ne te laissent aucune marge d’erreur. La difficulté baisse un peu par la suite, mais elle remonte crescendo jusqu’au dernier monde, le volcan, qui t’accueille avec un premier niveau où il faut littéralement éviter des pluies de météorites ! C’est plus Donkey Kong Country, mais Donkey Kong Contre L’Univers.
Notons également la présence d’un cochon faisant office de tutoriel. Si vous mourez trop souvent dans le même niveau, celui-ci apparaîtra à chaque checkpoint pour vous proposer de finir le niveau pour vous. Je trouve que c’est un ajout absurde dans ce genre de jeu qui s’adresse principalement à des joueurs vétérans. Disons que c’est un outil d’humiliation assez rigolo ("Ah ah, t’es qu’une merde, allez je finis le niveau pour toi sale cassos"), mais un peu envahissant à cause du son de trompette qu’il émet à chaque fois qu’il est activé. J’aurais bien voulu une option pour le désactiver.
Maintenant, j’avoue être un peu déçu, j’avais l’impression d’avoir plus galéré il y a 8 ans. J’imagine que pendant ces années j’ai développé des réflexes de fou et une vitesse identique (j’ai fini tous les Mega Man NES, quand même), mais j’aurais bien aimé être mis plus souvent en difficulté. DKCR reste le jeu le plus dur de la licence, mais il n’est pas si loin devant DKC2 qui possède lui aussi quelques niveaux bien retors.
Même le boss final, qui m’avait posé tant de soucis à l’époque (je me souviens que j’avais utilisé 50 ou 60 vies pour en venir à bout) a été cette fois-ci vaincu après…mon premier essai ! Certes, je me l’étais refait l’an dernier pour rigoler un peu, mais j’avais complètement oublié son pattern. Et j’avais tout de même gaspillé une vingtaine de vies à ce moment-là. J’ai trouvé le combat contre le Kaptain dans DKC2 infiniment plus dur.
Cela dit, les Temples K font office de très bons tests finaux. Il s’agit de 8 niveaux qu’on débloque au fil du jeu, en ramassant toutes les lettres KONG dans les niveaux normaux. Ces Temples sont en fait des niveaux marathon, qui ont une fâcheuse tendance à s’effondrer sous les pieds de DK et qu’on doit accomplir sans checkpoint. Ca nécessite une chorégraphie quasi-parfaite de la part du joueur, sans jamais être totalement injuste. Si on est très observateur et qu’on a de bons réflexes, on peut les passer du premier coup (même si on ne va pas se le cacher, c’est quand même peu probable).
En plus des lettres KONG, on peut aussi trouver des pièces de puzzle dans les niveaux (y compris les Temples K). Toutes les réunir permet de débloquer des concept arts, ce qui est toujours un bonus appréciable et qui prolonge bien la durée de vie.
Et si vous êtes un acharné, vous pouvez finir le jeu jusqu’à 200%. Il suffit pour cela de finir tous les niveaux en mode Contre-la-montre ET en Miroir, qui ne vous laisse qu’un seul coeur et l’impossibilité de vous faire aider de Diddy. Je pense que c’est assez anti-fun dans la plupart des niveaux et je me contente parfaitement du 100%, d’autant qu’il s’agit (je pense) du DKC avec le plus de niveaux de toute la série, mais je ne vous retiens pas si vous voulez tenter.
Je me rends compte que je n’ai pas parlé du gameplay. Contrairement aux précédents DKC, on n’incarne vraiment qu’un seul personnage : Donkey Kong. En ramassant un tonneau DK, on peut se faire aider de Diddy, qui possède un jetpack permettant à Donkey de planer un peu et qui permet un usage infini de la roulade. Diddy n’est vraiment jouable qu’en mode 2 Joueurs, qui sur 3DS nécessite une deuxième console et une deuxième cartouche, autant dire que je ne l’ai jamais utilisé.
Dommage donc pour le deuxième Kong, mais Donkey est incroyablement satisfaisant à utiliser. On sent la lourdeur du roi de la jungle dans ses sauts ou lors de ses coups au sol, mais aussi sa grâce lorsqu’il est suspendu à de la mousse sur des rochers (un ajout de ce jeu). Avec tout le respect que j’ai pour la trilogie de Rare ou les expérimentations de Paon, c’est bien le premier jeu où on a l’impression d’incarner un bon gros gorille bien déter.
Notons aussi que Donkey a 2 coeurs, ce qui lui permet d’encaisser un coup sans mourir. Avoir Diddy sur le dos lui en donne 4, et cela peut monter jusqu’à 6 dans le mode facile, exclusif à la version 3DS (et que je n’ai bien sûr pas utilisé). Les Kong sont donc moins fragiles qu’ils ne l’étaient sur SNES, mais vu la difficulté de certains niveaux vous serez bien contents de pouvoir encaisser deux fois plus de dégâts sans mourir.
Petit défaut de cette version 3DS : si le motion-control de la Wii est bien évidemment passé aux oubliettes, on ne peut pas utiliser la croix directionnelle avec les commandes de base. Soit on a X/Y pour frapper et L/R pour s'agripper mais on se déplace au stick (pas super pratique dans un jeu 2D), soit on peut jouer à la croix directionnelle mais les commandes précédentes sont inversées, ce que je trouve beaucoup moins naturel. Je ne comprends pas pourquoi on ne peut pas utiliser la croix et le stick en même temps, mais bon, je l'ai fait au stick et ça passe bien quand même.
Dans la lignée des niveaux qui reprennent beaucoup de concepts de DKC1, l’OST est composée presque exclusivement de remixes de ce jeu. Il s’agit du seul des cinq Country sur lesquels David Wise n’a pas bossé, mais son ombre plane toujours sur la série.
C’est donc Kenji Yamamoto qui s’y colle, un vétéran de Nintendo qui a entre autres composé la musique de tous les Metroid depuis l’épisode SNES (ce qui inclut la trilogie de Retro Studios). Et franchement, sans même avoir cette info lors de ma partie, la filiation entre Samus et Donkey était évidente tant les musiques originales évoquent fortement l’ambiance atmosphérique des Metroid Prime, je pense aux musiques hypnotisantes des Tikis, qui sont d’ailleurs reprises dans le thème du boss final.
Mais même si la musique est coincée dans cet entre-deux bizarre, à mi-chemin entre DKC1 et MP1, j’en retiens tout de même plusieurs morceaux. En particulier le remix énergique du thème du wagon (qui était déjà possiblement mon morceau préféré dans DKC1) et le thème des niveaux du volcan, qui encore une fois n’aurait pas fait tâche dans les précédents jeux de Retro.
Parlons maintenant de la qualité du portage 3DS. Graphiquement, le jeu conserve la belle esthétique de la version Wii, mais tout est enfoui sous une couche d’aliasing malheureusement inévitable sur la console. Le framerate a également été réduit de moitié, heureusement le jeu n’est jamais difficile au point d’exiger des sauts à la frame près, donc il reste parfaitement finissable. Néanmoins, ce changement provoquera sans nul doute la désapprobation des fans de la première heure.
On compte aussi quelques chutes de FPS lorsqu’il y a beaucoup d’explosions à l’écran et que la caméra est éloignée (ah oui au fait, la 3D n’apporte rien), mais cela arrive uniquement lors de phases scriptées, donc encore une fois ça n’impacte pas le gameplay.
La principale nouveauté de ce portage est l’ajout de 8 niveaux qui viennent s’ajouter à ce qui était initialement le niveau ultime de la version Wii, pour former un Monde 9 qu’on débloque après avoir battu les Temples K.
Inutile de le cacher : ces niveaux sont une déception, surtout après les tests d’endurance que représentent les Temples K. Ils sont d’une difficulté moyenne, n’incorporent pas toujours un nouveau gimmick et comprennent plusieurs checkpoints, alors que le joueur avait appris à s’en passer pour pouvoir y accéder. Certains niveaux ont toutefois des thèmes sympas, comme celui qui se déroule dans l’usine où on doit construire un robot Kong qui n’est pas sans évoquer celui utilisé par Donkey dans le combat final de Mario vs Donkey Kong.
Le seul niveau vraiment mémorable dans le lot est le tout dernier, qui était donc le dernier niveau de la version Wii. On doit le parcourir sans checkpoint et il a une esthétique unique dans tout le jeu, à savoir des fruits volants. Dommage que tous les autres niveaux inventés pour ce monde n’aient pas eu l’idée de réutiliser cette esthétique, ça aurait au moins permis de clore l’aventure sur une note originale.
Bilan de ce retour du gorille dans le domaine de la plate-forme : très bon. Certes, les décors et la musiques pourraient être plus originaux, mais les niveaux sont aux petits oignons et parfaitement adaptés à notre Donkey chéri. Même le scénario propose de bonnes séquences humoristiques que n’auraient pas reniées un bon cartoon. Je considère que c’est un des, si ce n’est le, meilleur jeu de plateforme (2D ou non) de sa décennie. Puisqu’il est sorti pile en 2010, ça pourrait techniquement s’appliquer à la fois aux décennies 2000 et 2010, et quelle que soit votre interprétation je maintiens mon jugement.
La version 3DS est une très bonne façon de découvrir ce classique, mais je ne recommanderais pas à un adepte de la version Wii de la racheter puisque le nouveau contenu est trop léger et un peu en-deçà de ce qu’on aurait pu attendre.
Et effectivement, c'est bel et bien mon DKC préféré, pour sa maîtrise du level-design et sa difficulté punitive mais tellement bienvenue. DKC2 l'emporte toutefois en ce qui concerne l'originalité et la bande-son, deux points à ne pas négliger.