Balladur's Gate
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le 21 avr. 2011
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Dans la famille des RPG Occidentaux de Fantasy, quelle série est souvent la moins bien considérée?
Et au sein de cette série parfois mal aimée, qui est le vilain petit canard souvent décrié?
Hé oui, le nom de Dragon Age 2 n'est pas forcément synonyme de jours heureux pour Bioware; développé en un temps extraordinairement court (à peine un an et demi), le jeu incarna de manière irrémédiable le déclin progressif du studio suite à son rachat par Electronic Arts, une déchéance qui ne ferait malheureusement que se confirmer dans la décennie à venir tandis que ce premier échec peu reluisant aux yeux du public de l'époque bénéficierait pourtant d'un certain capital sympathie de la part de joueurs plus enclins à lui pardonner ses écueils évidents.
Il n'est pas dans mon intention de prétendre que Dragon Age 2 ne mérite pas sa piètre réputation car le jeu fait vraiment preuve d'une austérité assez repoussante pour le joueur et ce quasiment d'entrée de jeu : recyclage éhonté des donjons, allers retours incessants dans les mêmes lieux, quêtes qui se résolvent par une simple phrase comme dans un MMO quelconque; l'économie de moyens est ici évidente alors que le jeu s'évertue pourtant à vouloir proposer un contenu digne en longueur de son illustre aîné sans pour autant proposer forcément de la qualité au demeurant. A cette formule indigeste, et résultant vraisemblablement des délais impossibles imposés à l'équipe de Bioware, s'ajoutent de surcroît des décisions créatives qui sont plus contestables dans leur mise en pratique : le jeu s'éloigne de la traditionnelle liste des RPG d'antan pour privilégier une roue de dialogues moins riche en possibilités mais plus adaptée à une mise en scène dynamique où le héros interpelle avec sa propre voix son interlocuteur; la formule s'efforce évidemment de singer la réussite des Mass Effect en la matière mais dédaigne pourtant grandement les options de persuasion (pourtant inhérentes aux péripéties de Shepard au point que les valeurs de conciliation et pragmatisme sont sans cesse revendiquées par les fans) et propose une étrange métamorphose de la réponse neutre en une option violette charmeur / désinvolte qui consiste malheureusement souvent à faire des blagues de merde inappropriées, bien avant que le tristement célèbre "sarcasme" de Fallout 4 ne soit épinglé à juste titre sur cette même approche. Et à cet ensemble peu flatteur, Dragon Age 2 impose de surcroît une austérité supplémentaire à une formule déjà austère en imposant d'endosser le rôle d'un réfugié méprisé par la plupart des passants et devant se résigner à accomplir de sales besognes en espérant gravir les échelons de la cité de Kirkwall. Cité qui est également caractérisée par une ambiance miséreuse et une oppression envers la communauté des Mages, bref un lieu où on a pas trop envie de foutre les pieds dans un RPG qui ne donne vraiment pas envie d'être joué.
Et pourtant, pourtant, chaque jeu possède sa petite touche personnelle si on fait l'effort de creuser sa surface peu reluisante et Dragon Age 2 ne fait pas exception en la matière; c'est un jeu grossier à bien des égards mais qui ne manque pas de cœur, une aventure dénuée de véritables fulgurances mais pas d'audace pour autant et si le studio de Bioware s'est périclité de nos jours, il pouvait encore revendiquer en ce temps là une écriture solide avec une véritable emphase (et un vrai attachement) envers les personnages peuplant ces territoires interactifs. Certes, le récit a toujours souffert de la comparaison immédiate avec The Witcher dans la similitude des thématiques abordées et d'une vision désabusée de la Fantasy mais Dragon Age avait au moins le mérite de proposer une appropriation bien plus grande de son univers que les péripéties beaucoup plus Story-Driven de Geralt de Riv; il est certain que la comparaison avec le récent Baldur's Gate 3 lui est en tout point défavorable mais la série des Dragon Age me paraît également quelque peu mésestimée sur l'interconnexion des décisions du joueur à travers les trois volets de la saga, le jeu parvenant à conférer l'impression d'une fresque interactive qui se déploie sur le long terme selon nos actions au lieu de rester confiner à la simple perception de notre protagoniste. A ce titre, Dragon Age 2 offre une singulière approche en proposant de redécouvrir cet univers par la petite porte en privilégiant un récit intimiste où la petite histoire de Hawke va se retrouver entremêlée à la grande Histoire de Thédas; un périple initiatique qui s'étale sur huit ans, ce n'est finalement pas commun dans le vaste monde des RPG et en dépit de son apparence souvent grossière, il y a de nombreux éléments du périple de Hawke qui ne trouvent pas leur équivalent dans les péripéties narrées par les autres RPG : l'ascension sociale de notre personnage, une romance qui vient emménager dans nos quartiers et notre famille soudainement impactée par la folie qui gangrène peu à peu la cité, c'est bien quand Dragon Age laisse tomber les armes et laisse parle les cœurs qu'il trouve son plus bel écrin; malheureusement, rachat d'EA oblige, l'action est aussi omniprésente que dans Mass Effect 2 et si j'ai bien un regret à l'égard de ce Dragon Age 2 c'est de m'être finalement emmerdé à le faire en mode difficile, quitte à saper complètement le rythme de l'aventure, au lieu de me laisser davantage porter par les sentiments que le jeu s'efforce de communiquer malgré sa structure cahoteuse; peut être un rendez vous manqué en attendant une éventuelle redécouverte, le jour où je ferais enfin cette série dans le bon ordre.
En attendant, Dragon Age 2 n'en demeure pas moins une curiosité qui mérite votre intérêt, surtout à l'heure où la série est plongée dans un silence radio depuis presque dix ans à présent et que vous êtes curieux de connaître le vécu de ces personnages mentionnés au détour d'une conversation dans Dragon Age Inquisition (mais pas que); il reste le volet le plus atypique d'une série souvent décriée pour son manque d'originalité, un jeu qui, comme le résumait judicieusement un collègue, s'avère parfois trop riche pour les novices et trop simpliste pour les puristes; un jeu qui a le cul entre deux chaises à l'image d'un studio déjà ballonné par les velléités mercantiles de son nouvel acquéreur et pourtant, un jeu qui parvient à toucher le cœur du joueur à maintes reprises et dont les moments de touchante humanité perdureront davantage dans les mémoires que les galères du quotidien austère qu'il nous impose.
Cet utilisateur l'a également mis dans ses coups de cœur et l'a ajouté à ses listes Les choix moraux les plus difficiles du jeu vidéo, Les jeux qui sont des plaisirs coupables, Mes plus grands souvenirs de joueur, Les meilleurs jeux de BioWare et Le compagnon additionnel
Créée
le 7 mars 2024
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6 j'aime
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