Dragon Age: Origins
7.4
Dragon Age: Origins

Jeu de BioWare et Electronic Arts (2009PC)

Il est parfois compliqué de se sentir plongé dans un univers. L'absence de recherche dans le scénario, le manque de respect à l' égard du joueur/spectateur, ou tout simplement la médiocrité du concept proposé en sont souvent la cause. Mais il y'a parfois des exceptions. Dragon Age: Origins en est une.



Fan de la première heure de RPG et notamment des Dungeons and Dragons, je dois reconnaître être parti avec d'énormes à priori. Car quand vous avez pour ancêtres Baldur's Gate et Neverwinter Nights c'est un patrimoine et des antécédents impressionnants (c'est peu dire...), mais c'est surtout un héritage extraordinaire à assumer.



Une quête au moins la hauteur de celle qui nous est proposée dans Dragon Age. C'est en effet un defi de taille qui attend notre heros tout comme les développeurs. Nous replonger dans la peau du guerrier, mage, voleur, humain, elfe ou nain qui pourra sauver le royaume de Ferelden d'une menace ancestrale; Le Fléau des Royaumes Oubliés / The Blight. Quand surgies des ombres s'élèvent les engeances et leur maître Archidémon, il incombe à des héros de briller par leurs exploits pour s'y opposer: The Grey Wardens. Si cette presentation vous semble présomptueuse (ou convenue) sachez qu'il n'en est rien, car voici l'une des premières forces de ce jeu: l'immersion. La où beaucoup se cassent les dents avec des vues subjectives et des univers ultra-(trop)réalistes,


Bioware a le talent de réussir (encore?) à nous plonger à 100% dans son histoire.



Tout commence par la creation de notre personnage. Outre les classes traditionnelles s'ajoutent des spécialisations accessibles également en cours de jeu comme le duelliste ou le mage de sang, débloquées lors d'évènements durant l'aventure et ouvrant accès à de nouvelles compétences de combat. Les caractéristiques sont le point de changement notable du jeu; en effet chaque nouveau niveau accorde trois points de caractéristiques à adjoindre à votre personnage. Bioware ayant abandonné le système de "jet de dés" commun aux D&D pour le remplacer par un algorithme liés à ces points cela se justifie. Trois ou quatre types de spécialisations se présentent ensuite par classe (par exemple combat à deux armes, épée et bouclier ou armes à deux mains) auxquelles il faudra se tenir pour atteindre les meilleurs pouvoirs. L'accès au dits pouvoirs est lié au niveau du héros mais aussi à celui de ces fameuses caractéristiques. Pour en revenir à la création, cette étape bien que moins riche de prime abord que celle de ses illustres prédécesseurs, a le mérite de vous ouvrir les portes de six scénarios différents. Vous vous souvenez sans doute des quêtes de classe de Baldur's Gate II. Ici elles prennent la forme de prequels propres à la race, à la classe mais aussi à l'extraction du personnage choisi. Serez-vous un noble humain héritier d'un domaine, ou un elfe des bois orphelin? Chaque histoire est un apport réel à la trame principale.


Trame qui tient en quelques lignes: alors que vous vivez votre vie, le royaume fait face à cette terrible mais familière menace que sont les engeances. Les Gardiens de l'Ombre s'apprêtent au combat. C'est là que vous croisez la route de Duncan, chef de ces guerriers d'élite, uniques rempart au Fléau qui s'abat. Votre destinée s'emballe et vous voici embarqué dans un périple aux confins des terres oubliées pour sauver le monde de ses périls en unissant les forces de toutes les races contre l'ennemi.


Un scénario qui ainsi résumé se rend somme toute classique, mais se révèle pourtant d'une richesse extraordinaire. Abordant tour à tour les thèmes de la religion, du racisme, de l'esclavage, de la guerre, de la politique, nous mettant constamment face à des conflits dans lesquels il faudra prendre une part active, le jeu nous interpelle avec une maturité et un respect de notre intelligence qui est à saluer. On l'avait déjà remarqué dans Mass Effect ou Fallout 3 par exemple, nous prendre au serieux sur le scénario et l'univers est une des clés d'un grand jeu. Et Dragon Age en ne nous épargnant ni la mort, ni le gore, ni les addictions, ni le sexe, et évitant la plupart des clichés éculés, s'inscrit en plein dans cette lignée. Agrémenté de scenes cinématiques de qualité et d'animations in-game d'excellente facture (hormis quelques bugs de collision relevés), tout est fait pour nous peindre le décor et mettre le joueur dans les conditions idéales pour apprécier cette épopée.


Comme tout RPG qui se respecte, cette aventure se déroule avec l'aide de compagnons d'armes aussi hauts en couleurs que les décors que vous visiterez en Ferelden. Des cavernes naines, aux forêts elfes, on decouvre des environnements travaillés avec des cultes, mythes et légendes, coutumes et mode de vie propres à chacun, et qu'on se plait à decouvrir. Au sein de votre campement, se créent des liens, des tensions, ajoutant encore à la profondeur de l'histoire par l'ajout, bien-sûr de quêtes auxiliaires prenantes, mais en développant aussi par ce biais cette immersion si importante dans les jeux de rôles.



A ce titre, un des leviers principaux de cet aspect est comme toujours la mécanique des dialogues. Malgré un retour au protagoniste muet (dur après la claque Mass Effect!), les dialogues ciselés, l'impact direct de ses choix sur l'expérience de jeu, les échanges avec les PnJ et compagnons, tout est d'une qualité remarquable. Si le modèle de réponse respecte clairement les règles du genre (positive, neutre ou négative), la multiplicité des possibles donne accès à une rejouabilité impressionante, mais aussi et surtout à un fort sentiment de liberté. A l'heure de la sempiternelle recherche du "monde ouvert" que c'est ironique de constater qu'on peut se sentir plus libre dans un monde dit "linéaire" par des mouvements scénaristiques que dans un "open world" où la seule liberté consiste à choisir le toit sur lequel on va grimper! Point positif par rapport à BG II, il est tout à fait possible de finir le jeu quelle que soit l'orientation donnée à votre personnage. Mais cela ne sera pas sans conséquence. Vous avez choisi de privilégier votre profit dans vos choix contre l'avis de vos camarades trop souvent? Attendez vous à des discussions houleuses ou à devoir offrir des cadeaux pour rattraper le coup sous peine de voir certains de vos alliés quitter l'aventure! Un principe d'approbation/désapprobation vous indique d'ailleurs leur opinion par rapport à ces décisions et maintenir de bonnes relations avec chacun vous apportera des bonus. Intelligent pour nous pousser à s'intéresser à eux et à leur histoire! Pour autant, on n'entre pas dans les clichés manichéens: un choix qui vous paraîtra le plus "bon" ne sera pas forcément accepté par les "gentils" de votre équipe s'il va contre leurs convictions profondes. Vous avez dit casse-tête?



Sans vouloir m'écarter du sujet, vous aurez sans doute remarqué mon obsession du scénario... Un raisonnement que je tiens à vous faire assimiler par ce point simple : on ne peut se permettre d'avoir un scenario médiocre que si le gameplay est exceptionnel. Quand une experience de jeu est classique elle ne se demarque que par son scénario. Comme un film bardé d'effets spéciaux geniaux peut très vite devenir un navet si l'histoire se cantonne au gentil G.I. parti cogner le méchant terroriste.



Après cette parenthèse Télérama du pauvre, revenons à nos dragons. Et qui dit dragons dit combats. Autre aspect essentiel du jeu, les explorations de donjons (oui donjons > dragons facile...) sont ponctuées d'escarmouches plus ou moins difficiles, où la stratégie varie selon les classes de votre equipe et de votre héros. Bien aidé par une pause tactique et des scripts de combats personnalisables, et en utilisant les compétences et pouvoirs de vos personnages, ces phases s'avèrent assez équilibrées. Rarement l'occasion de vous dire que c'était trop facile se présentera. L'I.A. réagit plutot bien tant en votre faveur (scripts) qu'à votre désavantage. En effet, les ennemis utilisent plutôt bien leur pouvoirs et je suis tombé plus d'une fois victime de leurs sorts ou pièges. Les mages en particulier sont considérablement avantagés. Arrivé à un certain niveau, un seul d'entre eux vous fera plus de tort qu'une dizaine de guerriers! L'apport de magie dans l'equipe est, de fait, quasi indispensable. Avec la qualité de ces fameux scripts vous aurez tendance à laisser vos camarades se debrouiller pour vous concentrer sur votre propre personnage, quitte à rester le dernier debout et périr sous le nombre. Logique me direz vous, mais cela diminue un peu l'aspect stratégique du jeu. Pratique cependant pour rendre le jeu plus accessible aux néophytes. Éviter cependant l'assaut en mode berserk est plus que recommandé et le hit and run vous sortira de plus d'une situation délicate...



A l'instar de ce qui se faisait dejà dans Neverwinter Nights ou KOTOR, les animations de ces phases de jeu sont un régal avec des esquives, des parades, et pour les guerriers en particulier, des finish avec un ennemi percé de part en part ou tout bonnement décapité d'un revers de lame! Jouissif! Avec pour avantage d'égayer les séquences un peu faciles et de recompenser celles plus ardues... A noter que pour les enchanteurs des combinaisons de sorts permettent d'en augmenter la puissance. Par exemple pétrifier une cible pour ensuite le faire voler en éclats! De même l'association des coups vicieux des voleurs ou archers à la force de frappe d'un de vos barbares est une stratégie plus qu'efficace. Je regrette un peu le manque de variété dans le type d'ennemis à affronter au long du jeu. Ou peut être ce sentiment est-il lié au fait que j'ai déjà refait trois fois le jeu?



Point important des jeux de rôles, l'equilibre entre combat et phase de dialogue est globalement préservé, ce qui permet de ne pas s'endormir sur des monologues rébarbatifs (Petit tacle à Final Fantasy? Non...). Les doublages des protagonistes sont soignés et variés. Très peu de personnages sont doublés par la même voix ce qui évite l'aspect répétitif de ses ancêtres (KOTOR et ses Twi'leks ou BG et ses paysans vous rappeleront de bons souvenirs...).



Je parlais tout à l'heure de la qualité des animations du jeu. Bien que m'attarder sur l'aspect purement technique des graphismes d'un jeu ne me passionne pas, il faut reconnaître que c'est un vrai plus dans DA. Les costumes, armes et armures et même dragons (et oui le jeu s'appelle Dragon Age vous n'êtes pas surpris quand même ?) sont très détaillés et la charte graphique cohérente. Ajoutez à ça une musique excellente proposée par Inon Zur (Fallout 3 notamment) et on est pas loin du perfect. Tout est vraiment mis en oeuvre pour encore une fois nous immerger.



Rétrospectivement, je trouve assez peu de défauts au jeu dans son ensemble, néanmoins des détails sont plutôt agaçants. Outre cette relative redondance des ennemis, la gestion de l'inventaire est un réel souci. Beaucoup des objets récoltés sont soit inutiles, soit des ingredients de crafting ou de quête qui prennent une place enorme dans le sac de nos héros. On se retrouve constamment à devoir jeter nos trouvailles jusqu'à revenir vendre le restant de ce fourbi chez le marchand du coin. Et même alors, seuls une vingtaine de rangements resteront libres. Rageant. Deuxième defaut et non des moindres: les DLC. J'ai la chance de pouvoir jouer à une édition Ultimate du jeu et donc d'avoir tout les add-on et autres quêtes téléchargeables. Mais ce concept de proposer un jeu à moitié fini et de nous vendre des rajouts payants par la suite m'exaspère au plus haut point! Qui plus est c'est un concept qui parasite complètement l'expérience de jeu au bénéfice de motivations purement financières. Autant on plonge dans l'histoire avec une aisance extraordinaire, autant ce principe du: "Tu veux aider ce pauvre homme à retrouver son foyer pour honorer la promesse faite par un ami? Sors ta carte bleue et saisis les douze chiffres..." est le meilleur moyen d'en sortir avec l'envie de planter son clavier dans la tête des éditeurs. Quand souvent la quête en question ne dure pas plus de deux heures, n'est-ce pas se foutre un peu de notre gueule après avoir acheté un jeu 50€?


Un raisonnement facile direz-vous mais sans doute un rappel au moment où l'on s'affaire à nous vendre des produits avant des oeuvres à part entière.



Après ce nouveau coup de gueule marxiste, trotskiste ou que sais-je encore, passons à la conclusion. Au final Dragon Age: Origins est un jeu qui de par son enorme travail scénaristique, sa recherche au niveau de son univers, sa durée de vie se révèle excellent. Si on ne peut que se féliciter de voir que Bioware loin de se reposer sur les lauriers (mérités) acquis grace à Mass Effect, préfère continuer sur sa lancée, on peut cependant regretter l'intrusion de DLC dans une oeuvre de ce calibre. Le manque d'innovation dans le gameplay en lui meme ne saurait être une critique tant le systeme de jeu actuel a fait ses preuves. Si c'est sans doute un manque d'objectivité de ma part (mais l'objectivité existe-t-elle?), je pense que peu de RPG depuis KOTOR 2 ont repris avec autant de brio les clés de leur succès passé. Et c'est avec une joie non dissimulée que je peux dire que son héritier reprend le flambeau avec brio. On sort de ce jeu avec la satisfaction de l'avoir fini (lapalissade?),mais aussi de s'être laissé embarquer dans une réelle aventure porté par l'histoire, ses personnages, ses décors... On éteint son PC comme on fermerai un livre qui nous a plu: satisfait. Et autant les amateurs de livres que les cinéphiles sauront apprécier le trait d'union que représente Dragon Age entre la narration, le spectacle et l'action. Car c'est ce qui fait un bon jeu : à mi chemin entre le film et le livre, tel un chaînon manquant, nous donner un rôle dans une aventure, et quand les ingrédients sont réunis, il ne reste plus qu'a commencer le voyage, et le voyage dans les royaumes de Ferelden en est un extraordinaire !

K-Mikaz
9
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le 31 déc. 2024

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K-Mikaz

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