Dragon Quest VIII a tout du chef d'œuvre intemporel dont les joueurs chantent les louanges dès qu'il s'agit de déterminer quels sont les plus grands JRPG de tous les temps. Pourtant, les défauts imputables au soft sont gênants et ne peuvent être ignorés. Cela ne veut cependant pas dire que L'Odyssée du roi maudit n'a aucune qualité. Bien au contraire, le jeu en a et elles expliquent facilement l'enthousiasme des joueurs:
Le point le plus important, c'est sans doute le vent de fraîcheur que constitue Dragon Quest 8. S'il est de toute évidence loin d'être le premier jeu de la licence, il est toutefois le premier réel contact entre cette dernière et l'occident. Les autres opus n'ayant jamais trouvé leur public en dehors du Japon. C'est un point qu'il est facile d'ignorer mais qui est fondamental dans la compréhension du succès de DQ8. Ce qui est considéré comme la norme dans la licence était à ce moment-là nouveau pour les joueurs.
- Le trait du dessin d'Akira Toriyama, reconnaissable entre mille.
- L'énorme bestiaire sublimé par l'esthétique du susnommé Toriyama.
- Les musiques de Koichi Sugiyama.
- L'humour absurde de la série.
- L'exploration et surtout les mini-médailles.
Et à ça il faut ajouter:
- La réalisation fantastique faisant de ce jeu l'un des plus beaux de sa génération. Réalisation qui est d'ailleurs le passage de la série à la 3D.
- Le doublage anglophone dont les occidentaux sont les seuls à bénéficier (preuve que les Japonais voulaient que ce jeu fonctionne en dehors du pays du soleil levant).
Naturellement, ce jeu est pour beaucoup de joueurs une véritable madeleine de Proust. Cependant, ne garder en tête que ces points positifs, c'est fermer les yeux sur l'ensemble qu'est ce jeu.
Le passage est la 3D est un point majeur pour comprendre ce qui ne va pas dans ce jeu car c'est véritablement cet aspect qui transforme Dragon Quest de la pire des manières. Dragon Quest repose énormément sur l'exploration, que ce soit dans l'overworld ou les donjons, il est capital de fouiller autant que possible pour trouver des équipements puissants ou des mini-médailles. Dragon Quest sait récompenser le joueur curieux et ne le décourage jamais car les détours que le joueur fait pour explorer un chemin secondaire dans un donjon ou une partie du monde à l'écart ne font jamais perdre énormément de temps car les personnages couvrent très rapidement ces environnements 2D. Dans Dragon Quest VIII, TOUT décourage le joueur curieux.
Le monde est grand et vaste, c'est une qualité mais c'est aussi un défaut quand il est vide. Le monde de Dragon Quest VIII est vide en dehors et demande aux joueurs d'explorer n'importe quel recoin pour ouvrir des coffres. Le problème c'est qu'aller jusqu'à ces coffres, c'est long, très long. Le personnage est beaucoup trop lent. Cette lenteur dans les déplacements couplée avec des combats aléatoires donne un résultat très pénible (euphémisme).
Ce n'est malheureusement pas tout, les combats aussi sont trop longs. Les groupes de monstres s'apparentent parfois à de véritables bataillons ce qui ne serait pas gênant si les attaques se lançaient rapidement et que le rythme était rapide. Sauf que le passage à la 3D a motivé Level-5 a animer les attaques de tous les personnages. C'est acceptable face à de petits groupes (et encore) mais totalement insupportable face à de grands groupes à un point où ça ne peut que rappeler les attaques interminables de jeux comme Final Fantasy VII. C'est assez embêtant dans une série comme Dragon Quest dans laquelle les combats ont toujours eu un rythme rapide malgré le principe strict de tour par tour (là où le système de FF est plus dynamique). Il faut ajouter à ça que les monstres sont robustes et qu'il va falloir booster la puissance des personnages avant d'attaquer.
C'est là que la plus grande nouveauté du système de combat fait son entrée, la tension. Chaque tour, le personnage peut augmenter sa tension au lieu d'attaquer. Il peut monter à 5, 20, 50 et enfin 100% mais ce dernier stade ne se débloque sur un personnage que si vous avez utilisé environ 90 fois la commande "tension" avec lui, encore quelque chose de chronophage. Ne pas attaquer et passer une grande partie du temps à monter les stades de tension n'est pas intéressant. Pire encore, le système devient frustrant lorsqu'arrivé à 50%, le personnage se fait interrompre (endormir, étourdir, etc...), faisant ainsi retomber son niveau de tension à 0. Si l'on peut voir dans cette mécanique un dilemme, celui de prendre le risque de voir ses efforts réduits à néant ou d'infliger des dégâts colossaux, dans un jeu où tout est si lent, il est difficile de ne pas être rapidement agacé par la tension.
La lenteur du jeu dégoûte de l'exploration et incite le joueur à fuir les combats. Le résultat, c'est un retard d'équipement et d'expérience, un retard qui pousse... au grind. Mais dans un jeu où les combats sont si longs, c'est un véritable calvaire. Il y a bien moyen de crafter de nouveaux objets (c'est d'ailleurs le meilleur moyen pour obtenir de l'équipement de qualité) mais c'est un système très vague dans ces indications et les rares recettes récupérées par le joueur se révèlent bien souvent inutiles. Il faut donc expérimenter et avoir énormément d'objets, qui sont trouvés sur les monstres que l'on combat. Pour trouver des ressources il faut donc enchaîner des combats. Tout ça n'est pas un problème en soi, l'écrasante majorité pour ne pas dire TOUS les JRPG reposent là-dessus, ce qui est un problème, c'est que ce game design sur un jeu si lent ne fonctionne tout simplement pas.
Mais qu'est-ce qui fait avancer le joueur jusqu'à ce que la mannette lui tombe définitivement des mains ? Une histoire qui se laisse suivre, une troupe de personnages qui, s'ils ne sont pas complexes, sont au moins sympathiques et sans doute parmi les plus réussis de la licence et enfin, un charme caractéristique de la série Dragon Quest. Ce n'est cependant pas suffisant et une fois encore, ce game design de JRPG classique ne peut que fonctionner dans un jeu qui a un rythme rapide, où les combats s'enchaînent et où l'exploration est facilitée grâce à une grande vitesse de déplacement. Comme dans les autres Dragon Quest.
L'affaire est entendue, celui qui ne tombe pas complètement sous le charme de l'Odyssée du roi maudit sera victime d'un ennui mortel et arrêtera d'y jouer, se demandant ce que l'on peut bien trouver à ce dévoreur de temps de vie.