Parlons de Dragon Quest XI ! :p
Dire que je l’attendais impatiemment tiendrait de l’euphémisme. J’adore les rpg jap’ au tour par tour, c’est même ce système bien précis qui m’a fait aimer le genre il y a maintenant plus de 20 ans… Mais à notre époque, c’est malheureusement une recette de plus en plus rarement mitonnée, la faute à une certaine partie des joueurs, bruyante au possible, qui a un jour décrété que c’était devenu obsolète (big up à Persona 5), tout en se prosternant devant n’importe quel système de combat plus ou moins bien ficelé pourvu qu’il soit dynamique (big up à Final Fantasy XIII)… Comme s’il était d’ailleurs impossible de concilier les deux (big up à Grandia)…
Dragon Quest XI arrive donc à point nommé pour démonter cette idée reçue. Un jeu qui reste indiscutablement d’un classicisme absolu dans son approche, mais qui essaie tout de même d’intégrer à sa formule quelques petites touches de "modernité", histoire de vivre "avec son temps" et de ne pas faire fuir trop vite le profane endoctriné. Mais si vous avez joué à Dragon Quest VIII à l’époque, vous ne serez vraiment pas dépaysés, tant les deux jeux partagent une gémellité certaine…allant jusqu’à ce choix débile, lui pour le coup effectivement complètement archaïque, du héros aphone dénué de tout charisme, qui a pour l’occasion troqué son cosplay de Gohan pour celui, plus "djeun’s", du fils de Bejita…
Bon, je suis un peu médisant, le groupe de héros est globalement assez sympathique (Erik, Veronica…) et plutôt hétérogène. Même le "précieux" Sylvando, pour lequel j’avais de très grosses réserves au début, s’avère au final fort attachant, notamment lors de son petit arc narratif très virilement wtfesque… L’histoire quant à elle, à défaut d’être innovante (un élu, une prophétie, un bad guy dont le fessier attend d’être virulemment botté…) se trouve plutôt bien rythmée, avec quelques révélations bien amenées (d’autres moins), et même un petit côté Final Fantasy VI fort appréciable en milieu de partie, lorsque les méchants "gagnent la première bataille" et qu’on se retrouve à devoir reparcourir le monde à la recherche de nos compagnons. J’ai par contre été un peu déçu de la véritable fin du jeu, copyrightée "Disney’s happy end" tout en tentant maladroitement de se lier à la trilogie de Roto, notamment car elle annule toute la puissance symbolique et émotionnelle de la première, par un événement un tantinet trop deus ex machinesque à mon goût…
Côté esthétique en revanche, rien à redire, Dragon Quest XI est une véritable invitation au voyage, dans un univers qui n’aura d’ailleurs jamais été aussi proche de notre bonne vieille réalité véritable. En effet, quasiment chaque ville du jeu fait une référence explicite à un pays/une région du monde réel, notamment l’Eurasie, par son architecture et/ou le parler de ses habitants. Yotto par exemple, c’est clairement le Japon ; le mont Huji à côté ne laisse d’ailleurs guère de doute à ce sujet… Gondolia et ses canaux sont un calque évident de Venise (décidément très prisée par Square Enix ces derniers temps), les moulins de Zwaardsrust évoquent les Pays-Bas, le Sniflheim au nord fait référence à l’Islande, Tahitirea au sud à la Polynésie. Puerto Valor est la reproduction typique d’une ville côtière ibérique, Manda Laï celle d’une cité montagneuse tibétaine… Bref, seuls l’Afrique, et plus encore l’Amérique (Mexique, Pérou…), sont les grands absents du périple…
Encore une fois, le style inimitable du papa de Dragon Ball sied parfaitement à une représentation toute en cel-shading du bestiaire et des personnages. Désormais visibles sur la carte, les monstres participent à rendre crédible le monde d’Elrea de par leurs intéractions, en s’amusant ou se provoquant entre eux, ou encore en poursuivant les plus faibles pour (visiblement) les manger, tel un bon vieux carnivore fondant sur sa proie (n’en déplaise aux anti-spécistes :p). Il est toutefois dommage que la technique ne suive pas toujours correctement, en témoignent un léger popping sur l’horizon, des temps de chargement parfois un brin longuets, mais surtout quelques micro-freezes intervenant de temps à autre lorsqu’on change de zone de jeu (il m’est occasionnellement arrivé de rester en l’air une poignée de secondes après avoir sauté "au bon moment" :p)…
Reste enfin la question épineuse de l’environnement musical… Alors oui, je sais bien que c’est une tradition de réutiliser au fil des épisodes quelques anciens thèmes emblématiques, mais là, on est en terrain connu pour au moins la moitié de l’OST ! Sans compter que l’autre moitié, sans être véritablement mauvaise (ni à côté de la plaque comme j’ai pu le lire à quelques reprises sur la toile) n’est pas spécialement inspirée… Peut-être est-il enfin temps pour Sugiyama de passer le flambeau, lui qui approche des 90 printemps ? Surtout qu’a contrario, la localisation est plutôt de qualité, avec un doublage globalement convaincant et des textes bien écrits, la seule petite "coquille" étant les patronymes de certains intervenants qui changent curieusement entre l’oral (VA) et leur retranscription à l’écrit (VF)…ce qui était déjà le cas dans Dragon Quest VIII !
Allez, il est finalement temps de parler des sensations pad en main. Le level design global tout d’abord, est plutôt bien pensé, oscillant sans cesse entre zones semi-ouvertes et parcours un peu plus cloisonnés, avec juste ce qu’il faut de dénivelés, d’intéractivité et de chemins de traverse pour encourager l’exploration. Avec en plus l’ajout du bouton de course raccourcissant les distances, c’est souvent un vrai plaisir à parcourir. J’aurais cependant deux petits regrets à formuler : le premier, ce sont les combats aléatoires en mer ; je n’ai d’habitude rien contre ce choix de game design, surtout lorsque leur fréquence est (comme ici) bien gérée, mais là comme le jeu m’avait habitué à aller ou non à la rencontre des ennemis par choix, ben…j’ai vécu chaque affrontement comme une agression personnelle ! Le second regret, c’est l’impossibilité d’accoster/aterrir n’importe où sur la carte, ce qui pour le coup est une belle petite régression par rapport à Dragon Quest VIII (qui date de 2004)…
Parlons maintenant des combats, en précisant d’emblée que le jeu laisse la possibilité au joueur de pouvoir tout contrôler manuellement OU de paramétrer l’IA comportementale des coéquipiers (aggressivité, prudence…). Le système de combat est un tout par tour très classique, à base d’attaques physiques et de magies offensives, défensives et curatives, où les plus habiles (équipiers comme ennemis) ont logiquement plus de chance de prendre l’initiative. Tout comme le VIII (encore!), chaque type d’armes a ses particularités (une hache cible de base un ennemi unique, le fouet un groupe d’ennemis, le boomerang toute l’opposition…), et la probabilité pour un perso de se prendre un coup ennemi dépend de son placement sur le terrain (de gauche à droite : 40%, 30%, 20%, 10%). On reprend donc les bonnes vieilles habitudes, avec les cogneurs à gauche, le balance type en troisième position, et le soigneur tout à droite…
Si Dragon Quest VIII avait son système d’hypertension, Dragon Quest XI lui, a son système d’hypertonicité. Quand un personnage devient hypertonique le temps de quelques tours (les ennemis pouvant l’être également), non seulement il devient globalement plus fort, plus rapide et plus résistant (cela variant en fonction de ses caractéristiques propres), mais il peut aussi effectuer des coups spéciaux dévastateurs (qui consommera alors cette hypertonicité) avec 2, 3 ou 4 équipiers également hypertoniques, les techniques disponibles dépendant alors à la fois des partenaires actifs et des compétences préalablement débloquées. Passons sur le fait que ça fasse furieusement penser au SSJ Blue visuellement parlant (et je hais cette ignominie de DB Super au-delà du concevable) pour dénoncer son principal défaut : sa nature aléatoire.
En effet, sachant que certaines quêtes annexes (la plupart tournant autour de 4-5 types souvent orientées fedex) demandent d’éliminer une menace avec une technique hypertonique bien précise, et que donc l'état hypertonique s'enclenche aléatoirement, on peut parfois se retrouver à jouer sur la défensive pendant de longues secondes (voire minutes), le temps que les personnages concernés veuillent bien se sayaniser… Alors oui, il existe des moyens pour la provoquer manuellement (objets…) vers la fin du jeu, mais je trouve personnellement leur rapport prix/bénéfice abyssalement bas… Bref, j’aurais largement préféré un principe manuel et progressif similaire à l’hypertension, ou encore un système de conditions à remplir, avec pourquoi pas un minijeu d’adresse…
Et puisqu’on parle d’adresse, birfurquons donc sur la transforge. Le principe est grosso-modo le même que celui de l’alchimarmite (et oui, on en revient encore et toujours au VIII!), sauf que là ça ne concerne que l’équipement (armes, armures, accessoires), et qu’on le forge/améliore soi-même, à la force de ses petits bras. Pour se faire, on doit remplir des jauges grâce à une panoplie de coups de marteau (forts, faibles, multiples…) jusqu’à atteindre une certaine limite, sachant que la différence entre un résultat très bon et exceptionnel peut parfois se jouer au poil de micro-pixel près pour les meilleurs équipements (l’option "évaluer" est d’ailleurs fort pratique…). Bref, c’est un minijeu fort sympatoche, qui aurait été quasi parfait si là encore, le hasard ne venait pas foutre son grain de sel, en augmentant / diminuant à sa guise la puissance d’un coup sur un tour, ou en s’amusant à diminuer le niveau d’une jauge… Mais le jeu en vaut souvent la chandelle (et justifie qu’on prenne le temps de ramasser tout et n’importe quoi sur le chemin… :p).
Pour (enfin) terminer cette critique, j’aimerais m’attarder un peu sur la soi-disant faible difficulté du soft. Elle est réelle dans le sens où le levelling n’est plus vraiment une obligation lorsqu’on arrive dans une nouvelle zone du jeu, là où dans les précédents opus le moindre monstre un peu plus costaud que la moyenne pouvait nous éclater sans un minimum d’entraînement… Moi perso, j’appelle ça un équilibrage réussi, mais libre à vous de jouer sur les mots selon votre sensibilité. Il y a aussi un autre truc qui renforce cette sensation de facilité, c’est le fait d’avoir à terme une seconde team pouvant remplacer la première en cas de KO général. Mais est-ce finalement si différent des équipes de monstres du VIII (toujours lui…), à qui on pouvait passer le relais en cas de coup dur ?
Je n’ai honnêtement activé de la quête draconienne que la fuite impossible et le gain d’expérience tributaire du rapport de force. Non parce que sérieusement, dans le genre malus bien teubés boostant artificiellement la difficulté d’un jeu, je crois que les trucs du genre hontite (encore une saleté de truc aléatoire!), l’impossibilité de commercer, ou encore celle de porter son équipement sont dans le haut du panier… C’est tout aussi con que de jouer un match dans PES/FIFA avec une équipe de 11 gardiens de but…
En définitive, Dragon Quest XI est indubitablement un très bon soft, autant pour les newbies que pour ceux qui souhaiteraient renouer avec les bonnes vieilles sensations d’un tour par tour présenté à notre époque comme suranné par certains. Et profitez-en bien car, en matant la "true last ending" et le générique de fin qui s’en est suivi, j’ai eu comme une impression de clap de fin, un sentiment étrange que Square Enix clôturait définitivement sa série tri-décennale… Et pour un gars comme moi qui serait plus enclin à attendre un Dragon Quest XII qu’un Final Fantasy XVI, ça fout un peu les boules…