Les crobards prennent l'appli
L'épidémie se répand à une vitesse fulgurante : il peut ne s'écouler qu'une poignée d'heures entre le moment où l'on entend parler de Draw Something pour la première fois et celui où l'on a converti tout son carnet de contacts. Pour transmettre le virus, rien de plus simple : il suffit de sortir son smartphone en compagnie de la cible (ami, parent, collègue) en inclinant l'écran de telle façon que rien ne lui échappe. La future victime aura tôt fait de loucher sur la partie, et de demander le nom de cette drôle d'application où l'on esquisse étoiles de mer et vampires. On lui expliquera alors avec enthousiasme que le jeu reprend les règles du célèbre Pictionary, que oui oui, c'est aussi amusant que sur papier et que non non, ce n'est pas une hérésie d'y jouer par écrans interposés. Ne reste qu'à lui faire une petite démonstration, et c'est bon : voilà un nouveau partenaire de jeu.
Comment résister à une perle comme Draw Something, lorsqu'on n'a rien de plus excitant à se mettre sous les doigts, en ce printemps, qu'un énième épisode des oiseaux colériques ? Jamais encore on n'avait eu un crayon virtuel au bout de l'index et un aspect « social » si bien pensé qu'il recrée la convivialité d'une bonne vieille partie de Dessinez, c'est gagné. Comme dans le classique jeu de société, on alterne les rôles avec son partenaire.
Il faut d'abord deviner ce que représente son dessin grâce à la sélection désordonnée de lettres affichées en bas de l'écran. L'exercice est amusant : même si les parties sont jouées de manière asynchrone entre les concurrents, on voit l'œuvre se reconstituer trait par trait, telle que l'autre l'a construite sur son propre écran... Avec toutes les hésitations et les rebondissements que cela implique (serait-ce un kiwi ? Non, c'est la Terre ! Voilà l'espace, et une boule jaune... Une comète !)
Puis vient notre tour de dessiner un mot proposé par l'application en choisissant l'épaisseur du trait et les couleurs, dans une palette plus riche à mesure de nos succès. Plus on joue et plus on s'applique, grisé par les victoires chèrement acquises et la complicité tissée avec nos camarades de jeu, qu'ils soient piochés parmi les amis Facebook ou tirés au sort.
Ne reste plus qu'à traduire l'application en différentes langues, afin de nous épargner les consultations incessantes du dictionnaire et les échecs idiots, rageants, lorsqu'on oublie qu'en anglais, un "trombone" sert à jouer de la musique et pas à attacher des documents.