Aux sombres hérauts de la mer

J’aime bien la pêche dans les jeux vidéo. C’est souvent le moment de briser la boucle de gameplay centrale pour proposer un moment de détente, une bulle d’air entre deux combats. Elle se présente souvent comme un mini-jeu allant du simple QTE à l’épreuve de patience, et offre des récompenses esthétiques, de la monnaie sonnante et trébuchante, ou encore des ingrédients de cuisine. Complètement optionnelle, elle donne au joueur la sensation d’être avec son avatar, posé, là, au bord de l’eau. Il ne manquerait qu’une petite bibine pour profiter pleinement de l’accalmie. J’aime tellement la pêche dans les jeux vidéo que je me suis toujours dit, dans ces divagations qui ne mènent nulle part, que si j’étais vidéaste sur les internet, j’en ferais mon premier sujet.

J’aime également Lovecraft dans les jeux vidéo. Sa dimension insondable, laissant la part belle à l’imagination du joueur pour amplifier l’angoisse et la terreur en comblant les vides laissés par le mystère. D’une adaptation littérale à la sauce jeu narratif comme Call of Cthulhu, en passant par des inspirations thématiques à la Bloodborne ou Hollow Knight, ou encore des applications mécaniques telles que dans Darkest Dungeons, le corpus de l’auteur de Providence s’est montré être un terreau fertile pour le 10ème art. Difficile de passer outre son influence lorsque l’on veut aborder la folie et l’infinité cosmique, tant il a, dans cette niche, creusé un sillon d’une profondeur abyssale.

J’aime bien aussi les jeux qui se passent aux abords des océans. Que l’on soit dans une enquête maritime à la Obra Dinn, dans la survie sous-marine de Subnautica, dans l’éducatif Beyond Blue, ou dans un doux périple initiatique comme Spiritfarer, les mers du monde ont en commun d’être génitrice de moments puissants, forcés par les huis-clos induit par la survie dans ce milieu hostile à l’homme. Et ce bleu si apaisant au premier abord, n’a-t-il pas cette propension à s’assombrir jusqu’à l’opaque? Le miroir d’une eau calme ne renvoie-t-il pas un reflet déformé dès lors que les flots se déchaînent? Peu étonnant dès lors que l’association avec la peur se soit faite si aisément dans l’esprit d’un des maîtres de l’horreur.

Enfin, j’aime bien les jeux de gestion, ceux qui comme un Stardew Valley se posent à une échelle humaine, nous faisant partir de rien pour peu à peu améliorer notre matériel, nos infrastructures, et donc notre récolte. Une gestion de nos ressources, que l’on attribuera ci et là, une gestion de notre inventaire similaire à celle d’un Resident Evil, et une gestion de notre temps, pour ne pas se retrouver au mauvais endroit, au mauvais moment. Ces aspects là m’enchantent, tant ils donnent une courbe de progression palpable et prévisible. Ils ont ce côté rassurant, permettant de se recentrer sur des objectifs limpides, dissipant de potentiels malaises. Un peu comme la pêche.

Ça serait donc vachement chouette qu’un jeu vienne allier avec harmonie ces trucs que j’aime bien. Ça donnerait un jeu mécaniquement apaisant dans ce qu’il nous demande d’accomplir en premier plan, mais en même temps terriblement stressant de par sa capacité à nous larguer, seul, au milieu d’un univers indicible. Ça filerait les chocottes tout en gratifiant le joueur d’une sécurité purement systémique.

Oui, ça serait vachement chouette.