Eastern Exorcist
5.4
Eastern Exorcist

Jeu de Wildfire Games et Bilibili (2021PlayStation 5)

Mes doigts, mes jolis doigts, vilains programmeurs chinois joufflus, qu'avez-vous fait à mes jolis doigts ? Est-ce du sang qui coule de mon index, à force d'essayer de sortir des parades parfaites et de riper sur la gâchette ? Des larmes ? Un mélange des deux ? Il faudra des semaines avant que la douleur s'estompe, et avec elle les humiliations à répétition, parce que je suis un joueur casu et que si on me donne des dizaines de features subtiles à mettre en oeuvre pour remporter mes affrontements avec style et fracas façon Roronoa Zoro, au final, j'en reste aux fondamentaux : esquive-parade-contre-ragequit.

Ce jeu, n'ayons pas peur des mots, a souillé mon âme.

Moi jusqu'ici si pur, si distingué dans mon usage d'un vocabulaire soutenu, mesuré, dans un registre de langage que d'aucuns qualifieraient de prout prout (à juste titre), moi qui m'exclamait jadis "c'est pas dieu possible !" en cas de game over inopiné, je me suis surpris à invectiver copieusement le jeu et la console en les invitant tous deux (et plus souvent qu'à mon tour) à avoir des rapports charnels répétés avec leurs génitrices. Et imaginez un peu le désordre que ce serait sur les chaînes de montage de chez Sony, s'ils m'avaient pris au pied de la lettre.

BRAZZERS, comme dirait l'autre (pas moi, hein, moi je ne vais pas sur ces sites-là, mais un très bon ami à moi, et encore, même pas, un ami, non, l'ami d'un ami, un vague cousin au quarantième degré, on ne pourrait pas parler d'autre chose ?).

Ha ça oui, j'ai ragé, les enfants, on ne peut pas dire le contraire, non que ça ne me soit jamais arrivé par le passé, après tout j'ai affronté Malenia, Ludwig, le Roi sans Nom, Midir, Gael, l'Orphelin de Kos, j'en passe et des plus over-cheatés, mais enfin je ne m'attendais pas à prendre de telles fessées cul-nul sur ce joli jeu en 2D à la Vanillaware. Attendez, j'ai quand même fini Blasphemous, réussi à lancer Bladed Fury sur une PS4 française, platiné Icey en hard alors qu'il n'est même pas dispo sur le store européen, c'est vous dire si j'en veux.

Je joue nul, je joue bourrin, je joue minimaliste, mais au grand désespoir de mes amis skillés, contre toute attente, ça passe.

Vous pouvez donc me croire sur parole si je vous dis qu'Eastern Exorcist est loin d'être insurmontable, mais qu'il y a quelques boss qui vous feront bouffer de la manette tartare - sauf si vous êtes des polytechniciens du jeu de combat 2D, de ceux qui maîtrisent les Blazblue et les King of Fighters jusque dans leur vocabulaire le plus abscons, seuls à être en capacité d'apprécier la richesse d'un système classique, nerveux, intransigeant, dont ils se feront un plaisir d'expérimenter les mille et unes finesses à la frame près.

Et alors on va dire que je m'acharne (j'assume) mais rappelons que ce tout petit jeu indé qui se boucle en deux fois 5 heures propose infiniment plus de possibilités de combos, d'évolutions et de compétences que les 70 heures de Final Fantasy XVI réunies, même si on appuie sur carré tout pareil.

Non parce qu'en quelques mots, Eastern Exorcist, c'est une formule qui a fait ses preuve, ça ne révolutionne rien mais ça fait bien le taf : une DA superbe à la Muramasa, mais qui a su trouver son propre style, deux scénarios distincts chargés d'Histoire orientale, une structure linéaire teintée de metroidvania, des combats sans pitié, des fioles de soin en nombre fixe qui se remplissent à chaque point de sauvegarde (façon Dark Souls), une dizaine de sphériers magiques par personnage, des esquives, des contres, des contres-esquives, des slashs, des coups chargés, des barres d'armure à faire tomber chez les ennemis les plus massifs... c'est rapide, c'est complet, c'est complexe, ça se joue tout seul, même si une seule petite erreur peut coûter gros, il arrive fréquemment qu'on pêche par excès de confiance et qu'on se retrouve à genoux à ramasser ses dents.

Et sans doute les notes du jeu seraient-elles nettement plus positives si les concepteurs s'en étaient tenus là.

Sauf que voilà, ils ont commis une erreur de taille en 2023 : ils ont pris une pelle et une pioche, et ils sont allés exhumer la jauge d'endurance d'Odin Sphere de là où son remake l'avait enterré sans vergogne. Et ça, c'est trop pour le joueur lambda.

Le jeu aurait déjà été ardu sans, il faut dire. Avec, la tension grimpe encore de trois crans. Parce qu'on ne parle pas ici d'une jauge ultra-permissive à la Elden Ring, juste là pour faire joli ou peu s'en faut, non. Ici, quand c'est vide, c'est vide, et si vous n'êtes pas trop portés sur les contres, ça ne se remplit pas vite derrière. Ou en tout cas : pas assez.

Les vétérans d'Odin Sphere, justement, les vrais, les purs, ceux qui ressemblent à John Rambo à l'intérieur, sauront de quoi je parle, ils hocheront la tête en silence, d'un air entendu, se noueront un bandeau rouge autour du front et se connecteront au store avec dans les yeux l'éclat de qui sait quand c'est sa guerre, et combien de milliers de cartouche emporter.

Les autres pesteront d'avoir à gérer ce paramètre supplémentaire qui aura l'outrecuidance de les empêcher de maraver la face de leurs adversaires en martelant sans fin le bouton carré (éh, oh, on n'avait pas dit qu'on arrêtait avec les vannes sur FF XVI ? Ha non, tiens, on n'avait pas dit, au temps pour moi), et de devoir composer avec la frustration qui s'ensuit. Car cela n'aura échappé à personne : nous vivons à une époque où au contraire, le métier de concepteur de jeu vidéo consiste à évacuer toute frustration de l'équation, comme on vire un invité éméché à trois heures du matin, discrètement, par la petite porte, quand bien même cette frustration fait-elle au contraire partie de l'ADN du média depuis sa nuit des temps, tant celle-ci n'est plus vendeuse par les temps qui courent et tant il faut a contrario brosser le joueur dans le sens du poil pour s'assurer son soutien financier. Oh oui tu joues comme un cador, Jean-Enzo. Tiens, allez, mets dix euros de plus et on te donne une super arme bonus avec ton prénom numériquement gravé dessus.

Ce n'est pas pour rien si la jauge d'endurance a disparu d'Odin Sphere dans son remake, ni parce que le système n'a aucun intérêt, loin s'en faut. Juste qu'il n'est pas vendeur, parce qu'il est exigeant, et parce qu'il impose une limite stricte, implacable, à des joueurs qui ne savent plus composer avec ce genre de choses, dans tous les domaines de la vie.

Même topo côté Eastern Exorcist : vous aurez beau jouer mieux que Jean-Enzo, oubliez de surveiller votre jauge d'endurance et elle vous fera défaut au plus mauvais moment, comme les amis les jours de déménagement. ça nous est arrivé à tous, et ça nous arrivera encore. Mais si rageant que cela soit, contre toutes attentes, ça fait partie du charme, car partie du challenge.

Quelques rares bugs viendront ça et là jeter une ombre fugace sur cette aventure haute en pastels, mais qu'à cela ne tienne, les environnements sont sublimes, les intrigues simples mais efficaces, dans le ton anachronique du cinéma fantastique chinois d'époque, le jeu est court, mais prenant, sportif mais addictif, et suffisamment généreux pour proposer deux aventures distinctes, successives ou en parallèle, avec tout ce que ça implique de coups, timings, boss et magies supplémentaires, là où d'autres auraient vendus ça en DLC avec les compliments de la maison.

Autant de bonnes raisons d'ignorer les notes Sens Critique et de plutôt se fier à celles de Steam, pour peu qu'on n'ait pas peur de la grande méchante jauge d'endurance, ni d'explorer les mécaniques du jeu en solitaire, le tuto s'en tenant aux bases sans trop se soucier d'être compréhensible.

Vous en êtes ?

Votre index est 100% fonctionnel ?

Vous renouvelez régulièrement votre stock de jurons ?

Alors, cap à l'Ouest.

Comme disait un certain Bonze de ma connaissance : si tu rencontres Bouddha, tue-le. Et fais le ménage derrière toi.

Liehd
8
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le 24 sept. 2023

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Liehd

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